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Commentaires GHI - Page 67

  • Droit de vote des étrangers : oser dire non !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.01.23

     

    Il y a des jours, dans la vie, où il faut oser dire non. Et avoir le courage de ses opinions. Ainsi, dans toute mon existence citoyenne, j’ai toujours été viscéralement opposé au droit de vote des étrangers. Cela, à tous les niveaux de notre vie politique suisse : la Commune, le Canton, la Confédération. Et c’est une colère blanche qui m’a saisi, ce mercredi 11 janvier, lorsque le Conseil d’Etat de mon Canton, Genève, a décidé de soutenir une initiative intitulée « Une Vie ici, une Voix ici », établissant le droit de vote et d’éligibilité des étrangers sur le plan communal et cantonal. Aujourd’hui, seul existe le droit de vote communal pour les personnes étrangères, et pas celui d’être élu, ce qui pose d’ailleurs un problème de cohérence. Cette décision du 11 janvier 2023, c’est le fruit de la majorité de gauche du Conseil d’Etat, en place depuis l’élection complémentaire de 2021. Elle en dit long sur ce qui attend Genève, si une telle majorité devait s’imposer, en avril, pour une législature complète de cinq ans.

     

    Pourquoi suis-je contre ? Parce que j’ai toujours placé l’appartenance nationale au centre de toute chose. Je crois aux nations, pas aux conglomérats multilatéraux. Je déteste les impérialismes, à commencer par celui des Américains. Je veux le droit de chaque peuple à disposer de lui-même. Je rejette le colonialisme. Dans ces conditions, les droits politiques, à commencer par celui de voter et d’être élu, doivent être indissociables, dans mon esprit, de l’appartenance nationale. Les citoyennes et citoyens suisses doivent avoir ces droits. Les autres, non. C’est aussi simple que cela. Et tout autre peuple de la terre a le droit, tout autant que nous, de dessiner cette limite, tracer ce périmètre. La nation, par nature, établit une différence. Elle privilégie les siens. Non qu’ils soient meilleurs, ni supérieurs (je rejette toute forme d’inégalité entre les humains). Mais simplement, parce qu’ils sont les siens. On est dans le club, on en accepte les droits et les devoirs (celui, notamment de participer à la défense nationale), ou on n’en est pas. C’est sec. C’est net. C’est géométrique. Et cela doit être ainsi.

     

    Ceux qui militent, depuis quelques décennies, pour casser ce lien entre nationalité et citoyenneté, en commençant par l’éroder progressivement au niveau de la Commune, puis du Canton, ceux qui pratiquent ce lent travail de sape, ont une conception bien flasque, bien approximative, des droits et devoirs, au sein d’une communauté nationale. A la vérité, il voudraient abolir les nations, les noyer dans une gouvernance continentale, voire un ordre mondial, où n’existeraient ni frontières, ni lois nationales, ni institutions de proximité. C’est ce modèle que vous voulez ? Moi, pas. Désolé, mais je veux la nation, la communauté de mémoire et de destin, l’exigence du devoir de servir la patrie, l’attachement aux institutions, à la démocratie directe, au fédéralisme. Les étrangers, dans notre pays, sont les bienvenus. Mas désolé, les droits politiques, c’est pour les citoyennes et citoyens suisses. Ai-je été assez clair ?

     

    Pascal Décaillet

  • Plus Européen que moi, tu meurs !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 14.12.22

     

    La chose est complexe, et mérite nuances. Il s’agit de mon rapport à l’Europe. Je vais vous parler du mien, et vous invite, chacun de vous, si vous le souhaitez, à vous interroger aussi sur le vôtre. Chez moi, c’est l’histoire d’un paradoxe : rien qu’en lisant le titre, vous avez dû sursauter, tant vous connaissez mon combat pour la souveraineté, l’indépendance de la Suisse, sa démocratie directe, son fédéralisme. C’est vrai, je suis pour des rapports strictement économiques, du style bilatérales, avec l’Europe de Bruxelles. Et je refuse catégoriquement tout accord institutionnel qui impliquerait, de la part de notre pays, le moindre abandon de souveraineté. On notera au passage que ma position n’a strictement rien d’original : une majorité de Suisses la partagent.

     

    Pourtant, je suis l’un des Suisses les plus Européens. Non pour cette institution, l’Union européenne, ou plutôt ce qu’elle est devenue (centralisatrice, bureaucratique, arrogante). Mais bon Dieu, pour l’Europe, tout court ! A part deux semaines au Canada, quatre séjours en Afrique du Nord, et de nombreux déplacements au Moyen-Orient, l’immense majorité de mes voyages ont été, sont encore plus que jamais, pour le continent européen. La raison en est simple : j’aime l’Europe. J’aime tous les pays qui la constituent, je les ai d’ailleurs, depuis l’enfance, presque tous parcourus, dans tous les sens. J’aime passionnément les langues de l’Europe continentale : d’abord l’allemand, puis le français, l’italien le grec, et puis les autres, celles dont seule m’atteint la musique, faute d’en saisir le sens.

     

    Et puis, quoi ? A onze ans, je commence le latin, à treize le grec, l’allemand m’aura accompagné toute ma vie, l’italien m’enchante, la Prusse me fascine, La Saxe et la Thuringe tout autant, la Provence et la Toscane m’ensorcèlent de charme et de beauté, la Scandinavie m’a ébloui par ses paysages, les Balkans par leur complexité, ne parlons pas de la Grèce, celle d’aujourd’hui autant que celle d’il y a 25 siècles. Ne parlons pas de la musique, ni de l’Histoire musicale, allemande notamment, au moins depuis l’époque baroque, jusqu’aux créateurs d’aujourd’hui. Ne parlons pas de poésie. Ne parlons pas d’Histoire industrielle, qui me ramène au monde de mon père, ingénieur, il m’a fait visiter des usines ou des mines en Allemagne, et même jusqu’au nord de la Suède (Kiruna).

     

    Alors, voilà. L’Union européenne, telle qu’elle est aujourd’hui, c’est trois fois niet. Mais parbleu, l’Europe ! Trois millénaires d’Histoire, de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Des langues incomparables. Et au cœur de ce continent, dans l’ombilic, dans ses entrailles, un petit pays, avec quatre langues, l’allemand, le français, l’italien, le romanche, des cours d’eau vers Méditerranée, Mer du Nord, Adriatique, et même la Mer Noire (eh oui, l’Inn !). Indépendants, restons-le, je vous en conjure ! Mais Européens, jusqu’aux tréfonds, nous le sommes. C’est un paradoxe. Comme sait en réserver la vie à ceux qu’elle aime. A tous, excellentes Fêtes de fin d’année !

     

    Pascal Décaillet

  • Eloge de la langue allemande

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 07.12.22

     

    Pendant plusieurs années, avant d’être journaliste, j’étais prof d’allemand. J’ai pratiqué ce métier avec ardeur. Je n’ai, à vrai dire, jamais eu l’impression de « travailler », avec toute la contrainte que peut porter ce mot : enseigner une langue vivante, à la fois décortiquer sa grammaire et faire parler les élèves, il y a dans ce chantier tant d’inattendu, de joie, d’échanges, que le processus relève de la passion. Quand je croise d’anciens élèves dans les rues de Genève, ils me saluent en allemand, nous rions, c’est la vie qui passe, la vie qui va.

    La langue allemande, avec l’italien et quelques autres, est l’une des plus belles du monde. Il faut l’aborder, à l’école, en donnant toute puissance à sa musicalité : lire des textes à haute voix, tous ensemble, lire des poèmes en cheminant dans la juste métrique et la juste durée (comme en musique) de chaque syllabe, passer à ses élèves des Lieder, Schubert, Brahms ou Mahler, ou même Hindemith, avec le texte sous les yeux. La langue, c’est la vie. Un poème lu à haute voix (ou mieux : chanté), c’est la consonne et la voyelle sublimées par le souffle surgi de nos entrailles. La grammaire est intellectuelle, il en faut comme d’un solfège, mais la langue elle-même est pulsion vitale.

    Je ne supporte pas d’entendre que l’apprentissage de l’allemand serait trop complexe, ingrat, inaccessible. C’est faux. Il existe un chemin vers la connaissance de la langue qui, certes exigeant, n’en est pas moins jouissif. Pour cela, il faut mettre en avant la langue elle-même, dans ce qu’elle a d’imprévisible et de sensuel. Prenez la traduction de la Bible par Luther en allemand de son temps (1522), faites lire le texte aux élèves sur une Cantate de Bach, ou un Psaume, ils sentiront la force de ce qui surgit. Passez-leur ce moment inimaginable de l’Elektra (1903) de Richard Strauss, livret du poète viennois Hugo von Hofmannsthal, où Electre reconnaît son frère Oreste, ils ne l’oublieront jamais.

    L’Histoire de l’Allemagne, c’est l’Histoire de la langue allemande. Plurielle, dialectale, décentralisée, comme d’ailleurs la langue grecque, dont elle est si proche. Avec des inventeurs de mots : Luther, oui, et puis quatre siècles après lui, Bertolt Brecht (1898-1956), dont il faut absolument faire lire les Lehrstücke à haute voix par les élèves, chacun tenant un personnage, un autre encore pour le chœur, et pourquoi pas chanter ensemble les moments musicaux de l’immense compositeur Kurt Weill ?

    On dit de l’allemand qu’elle n’est pas une langue facile. Mais quelle langue est facile ? Le grec, avec la complexité de ses formes verbales ? L’italien, avec ses nuances raffinées de grammaire ? Le français, pour un étranger ? Je propose qu’on chemine vers la langue comme à un rendez-vous d’amour. Dans les veines, de l’inquiétude. Dans le cœur, un irrépressible besoin d’ouverture. Au fond de l’âme, la pulsion de trouver les mots. Les syllabes. Le souffle. Le rythme. Pour rompre le silence. Et pourquoi pas, soyons fous, passer à l’aveu.

     

    Pascal Décaillet