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Commentaires GHI - Page 71

  • Droite genevoise : bienvenue au casse-pipe !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.10.22

     

    « Suicide, mode d’emploi » : si la droite genevoise souhaite diffuser un tous-ménages, à un peu plus de cinq mois des élections cantonales, le titre est tout trouvé ! Jamais les différentes composantes de cette famille de pensée politique ne sont apparues, au stade de la pré-campagne, dans un ordre aussi dispersé. C’est le règne de la fragmentation, on s’observe, on se critique mutuellement, on se flingue par petites phrases interposées, on se jalouse, on se déteste. On en oublierait presque de parler de l’adversaire, le seul qui vaille, le seul qui mérite un combat acharné : la gauche. Cette dernière, ravie de contempler la discorde chez l’ennemi, se frotte les mains, se lèche les babines. S’apprête à savourer sa victoire d’avril 2023. Eh oui, la politique c’est comme la guerre : unis, on gagne ; divisés, on perd. C’est aussi simple que cela. Nul besoin d’avoir fréquenté d’antiques Sorbonnes pour s’en aviser.

     

    L’obsession de tous ? Un génitif pluriel de la langue latine, appelé le « quorum ». Les fameux 7% de voix qu’il faut obtenir, pour avoir le droit de siéger au Parlement. Pas facile à atteindre pour les nouveaux partis (Verts libéraux, par exemple). Pas facile, non plus, à conserver, pour les partis déjà installés qui craignent de le perdre (MCG, UDC, Ensemble à Gauche, voire… PDC). A vrai dire, tous ont la trouille ! On dira que c’est un beau moteur, c’est motivant. Hélas, l’impression qui domine est celle des règlements de comptes intérieurs à la droite, le plus spectaculaire étant l’actuel climat entre PLR et MCG. Une véritable catastrophe ! Un soir, à Genève à Chaud, le président du MCG, dans un débat sur la grève des fonctionnaires, interpelle un avocat PLR, député, sur le montant de ses honoraires. Le lendemain, sur un réseau social, un ancien président du MCG se livre à la même attaque, face à un autre avocat PLR, député, l’un des meilleurs du Grand Conseil. C’est bas, c’est sous la ceinture, ça n’est pas du niveau du débat politique. Du moins pas celui que, pour ma part, j’entends maintenir dans les différentes arènes où s’affrontent les idées.

     

    Bouffer du PLR : quelle mouche a piqué le MCG ? Ils n’ont rien d’autre à faire ? Aucun autre adversaire prioritaire ? Mais ça n’est pas tout : l’écueil qui guette la droite genevoise, c’est la fragmentation de l’offre, en son sein. UDC, MCG, PLR, PDC, Verts libéraux, nouveau parti de Pierre Maudet, voire celui de Luc Barthassat. C’est peut-être rafraîchissant, mais c’est beaucoup trop ! Cette joyeuse dispersion promet, à l’intérieur des droites, une bagarre généralisée, que seul le magnifique poème « Les Ouménés de Bonada », d’Henri Michaux (dont je vous recommande absolument la lecture) peut restituer à sa juste mesure. On va s’entre-déchirer, à droite, pour le quorum. Pendant ce temps, la gauche, toujours disciplinée en période électorale, avancera en ordre de bataille. Pour le Grand Conseil, et surtout pour le Conseil d’Etat, cette attitude paye. La dispersion, elle, mène toujours à la défaite.

     

    Pascal Décaillet

  • Croquer la pomme

     

     Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.10.22

     

    L’Ecole genevoise est un champ de ruines. Tout est à reconstruire. D’innombrables profs, pourtant, font admirablement leur boulot, bossent, adorent leur matière, la transmission, ont une haute idée de leur mission, déploient des efforts d’imagination pour faire passer leurs branches, parfois ingrates. Les élèves, eux, ne sont absolument pas plus sots que les générations les ayant précédés. Les parents, certes parfois insupportables dans leur comportement. Mais enfin, le problème n’est pas là. Il est ailleurs.

     

    Le problème, ce ne sont pas les intervenants. Ni ceux qui transmettent, ni ceux qui reçoivent la connaissance. Il reste, partout, d’excellents élèves, certains travaux de Matu sont de petits chefs d’œuvre. Non, il faut chercher ailleurs. Dans la structure du Département. Dans l’encadrement, devenu une machine étouffante. Dans l’absence de vision claire sur les objectifs de transmission. Dans l’obsession du contrôle, qui atteint chez certains apparatchiks des proportions dantesques. Les profs font leur boulot. Les élèves ne demandent que la puissance de séduction née d’une autorité sur la matière, et d’une passion de transmettre. Mais l’Appareil, avec un grand A, à la manière d’une nouvelle de Kafka, paralyse les énergies, au lieu de les galvaniser.

     

    Le défi premier de celui – ou celle – qui reprendra le DIP, c’est rendre l’espoir. Faire régner la joie de la connaissance partagée. Leur faire croquer la pomme, à tous. Et si le fruit est défendu, la saveur intellectuelle, la jouissance spirituelle, n’en seront que décuplées.

     

    Pascal Décaillet

  • L'allemand, l'italien, pas l'anglais !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.10.22

     

    D’abord, tordons le cou à la langue anglaise : elle ne mérite que cela. En quel honneur nous, à Genève, Canton membre de la Suisse, pays où l’on parle quatre merveilleuses langues (l’allemand, le français, l’italien, le romanche), aurions-nous à nous plier à l’usage de mots anglophones ? On parle anglais en Angleterre, aux Etats-Unis, dans pas mal de pays certes, mais enfin nous sommes ici au cœur d’une Europe continentale dont nous ont façonnés deux mille ans d’Histoire. Nous sommes au carrefour des mondes latins et germaniques. Chaque Suisse romand devrait, en plus du français, parler couramment l’allemand et l’italien. Pourquoi ce culte de l’anglais ? Pourquoi, sinon par génuflexion, depuis 1945, face à la toute-puissance des Etats-Unis d’Amérique, son impérialisme ? Les réseaux de domination, de colonisation des esprits, ça passe par la langue. Que le dominant essaye, c’est ma foi son rôle. Qu’un petit pays neutre, libre et souverain, comme la Suisse, se prête au rôle du dominé, n’est pas digne de notre ambition nationale.

     

    Tenez, il suffit qu’un type me parle de « start-up » pour que je voie rouge. D’abord, sur le fond : à quoi rime cette valorisation de la seule naissance, alors qu’une entreprise doit justement être jugée sur sa capacité à durer, de longues années, ayant conquis les cœurs et les confiances, l’estime de ses partenaires. C’est le fruit d’un long travail, recommencé, sacrificiel, à des années-lumière des éphémères de cocktails. Et puis, pourquoi l’anglais ? On pourrait, que sais-je, parler de « jeune pousse », ça passe bien, c’est court, imagé, facile à dire. Mais non, dans ces ineffables années 90 où régnaient le prétendu triomphe définitif du capitalisme (après la chute du Mur), des sottises comme « la fin de l’Histoire », l’argent facile, les flux spéculatifs mondialisés, la religion du boursicotage, il a fallu gonfler la cuistrerie ambiante jusqu’à désigner d’un mot anglais une entreprise n’ayant pour seule vertu que d’être à peine née. La plupart étant d’ailleurs, on l’a vu, mort-nées avant que d’être, mais c’est sans doute un détail.

     

    Car la plupart ne survivent pas. On en aura juste parlé au début, pour faire mode, réunir des capitaux, éblouir la galerie, échanger des mots anglais devant une coupe de champagne. Moi, je condamne le mot « start-up », je condamne la vanité prématurée de ce qu’il désigne, je condamne la soumission colonisée de ceux qui nous imposent la langue anglaise, avec leurs costards-cravates, leur code de dressage vestimentaire, leurs fantasmes de l’Ouest, sans avoir le centième du génie d’un Kafka, au début de « L’Amérique », ou d’un Cassavetes, en amorce du films « Gloria », lorsqu’ils nous décrivent les splendeurs d’une entrée dans la Jérusalem Céleste appelée New York. L’Ouest oui, mais transfiguré.

     

    Je nous invite tous à parler allemand (vous connaissez mon tropisme pour cette langue), mais aussi italien. Lire Thomas Mann, Hölderlin, ou les saisissants poèmes du cinéaste Pasolini. Je nous invite tous à aimer notre Europe continentale, lire le grec, ancien et moderne. Ne pas craindre l’archaïsme. Fuir la langue des dominants. Et de leurs complices.

     

    Pascal Décaillet