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Commentaires GHI - Page 74

  • Croquer la pomme

     

     Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.10.22

     

    L’Ecole genevoise est un champ de ruines. Tout est à reconstruire. D’innombrables profs, pourtant, font admirablement leur boulot, bossent, adorent leur matière, la transmission, ont une haute idée de leur mission, déploient des efforts d’imagination pour faire passer leurs branches, parfois ingrates. Les élèves, eux, ne sont absolument pas plus sots que les générations les ayant précédés. Les parents, certes parfois insupportables dans leur comportement. Mais enfin, le problème n’est pas là. Il est ailleurs.

     

    Le problème, ce ne sont pas les intervenants. Ni ceux qui transmettent, ni ceux qui reçoivent la connaissance. Il reste, partout, d’excellents élèves, certains travaux de Matu sont de petits chefs d’œuvre. Non, il faut chercher ailleurs. Dans la structure du Département. Dans l’encadrement, devenu une machine étouffante. Dans l’absence de vision claire sur les objectifs de transmission. Dans l’obsession du contrôle, qui atteint chez certains apparatchiks des proportions dantesques. Les profs font leur boulot. Les élèves ne demandent que la puissance de séduction née d’une autorité sur la matière, et d’une passion de transmettre. Mais l’Appareil, avec un grand A, à la manière d’une nouvelle de Kafka, paralyse les énergies, au lieu de les galvaniser.

     

    Le défi premier de celui – ou celle – qui reprendra le DIP, c’est rendre l’espoir. Faire régner la joie de la connaissance partagée. Leur faire croquer la pomme, à tous. Et si le fruit est défendu, la saveur intellectuelle, la jouissance spirituelle, n’en seront que décuplées.

     

    Pascal Décaillet

  • L'allemand, l'italien, pas l'anglais !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.10.22

     

    D’abord, tordons le cou à la langue anglaise : elle ne mérite que cela. En quel honneur nous, à Genève, Canton membre de la Suisse, pays où l’on parle quatre merveilleuses langues (l’allemand, le français, l’italien, le romanche), aurions-nous à nous plier à l’usage de mots anglophones ? On parle anglais en Angleterre, aux Etats-Unis, dans pas mal de pays certes, mais enfin nous sommes ici au cœur d’une Europe continentale dont nous ont façonnés deux mille ans d’Histoire. Nous sommes au carrefour des mondes latins et germaniques. Chaque Suisse romand devrait, en plus du français, parler couramment l’allemand et l’italien. Pourquoi ce culte de l’anglais ? Pourquoi, sinon par génuflexion, depuis 1945, face à la toute-puissance des Etats-Unis d’Amérique, son impérialisme ? Les réseaux de domination, de colonisation des esprits, ça passe par la langue. Que le dominant essaye, c’est ma foi son rôle. Qu’un petit pays neutre, libre et souverain, comme la Suisse, se prête au rôle du dominé, n’est pas digne de notre ambition nationale.

     

    Tenez, il suffit qu’un type me parle de « start-up » pour que je voie rouge. D’abord, sur le fond : à quoi rime cette valorisation de la seule naissance, alors qu’une entreprise doit justement être jugée sur sa capacité à durer, de longues années, ayant conquis les cœurs et les confiances, l’estime de ses partenaires. C’est le fruit d’un long travail, recommencé, sacrificiel, à des années-lumière des éphémères de cocktails. Et puis, pourquoi l’anglais ? On pourrait, que sais-je, parler de « jeune pousse », ça passe bien, c’est court, imagé, facile à dire. Mais non, dans ces ineffables années 90 où régnaient le prétendu triomphe définitif du capitalisme (après la chute du Mur), des sottises comme « la fin de l’Histoire », l’argent facile, les flux spéculatifs mondialisés, la religion du boursicotage, il a fallu gonfler la cuistrerie ambiante jusqu’à désigner d’un mot anglais une entreprise n’ayant pour seule vertu que d’être à peine née. La plupart étant d’ailleurs, on l’a vu, mort-nées avant que d’être, mais c’est sans doute un détail.

     

    Car la plupart ne survivent pas. On en aura juste parlé au début, pour faire mode, réunir des capitaux, éblouir la galerie, échanger des mots anglais devant une coupe de champagne. Moi, je condamne le mot « start-up », je condamne la vanité prématurée de ce qu’il désigne, je condamne la soumission colonisée de ceux qui nous imposent la langue anglaise, avec leurs costards-cravates, leur code de dressage vestimentaire, leurs fantasmes de l’Ouest, sans avoir le centième du génie d’un Kafka, au début de « L’Amérique », ou d’un Cassavetes, en amorce du films « Gloria », lorsqu’ils nous décrivent les splendeurs d’une entrée dans la Jérusalem Céleste appelée New York. L’Ouest oui, mais transfiguré.

     

    Je nous invite tous à parler allemand (vous connaissez mon tropisme pour cette langue), mais aussi italien. Lire Thomas Mann, Hölderlin, ou les saisissants poèmes du cinéaste Pasolini. Je nous invite tous à aimer notre Europe continentale, lire le grec, ancien et moderne. Ne pas craindre l’archaïsme. Fuir la langue des dominants. Et de leurs complices.

     

    Pascal Décaillet

  • Conseil d'Etat 2023 : aucun intérêt !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.10.22

     

    Je l’écris, ici même, depuis des années : la comédie des personnages, dans la politique genevoise, ça suffit. Journaliste et éditorialiste politique depuis bientôt quatre décennies, ayant couvert des dizaines de campagnes, dans les Communes, les Cantons et la Confédération, passionné par la chose publique, détestant qu’on parle de vie privée, me m’intéressant qu’à l’intérêt supérieur des citoyennes et citoyens, je ne peux tout simplement plus voir le jeu de miroirs des ambitions personnelles. Je ne demande à personne de partager mon point de vue, je mesure toute la part de séduction d’une mise en scène politique comme joute des champions, mais là, à Genève, je ne peux plus. Je veux des idées, des thèmes, des priorités claires, de droite comme de gauche, peu importe.

     

    Bref, je privilégierai pour ma part, dans mes traitements, l’élection parlementaire, qui est un combat d’idées, à celle du Conseil d’Etat, qui est un combat de coqs. Et si je vous présente des dizaines de candidats, tous partis confondus, à partir de février, ce seront des postulants au Parlement. Avec, je l’espère vivement, une foule de visages nouveaux. Vous faire connaître les jeunes femmes et les jeunes hommes qui feront la politique demain, voilà un enjeu autrement plus excitant que faire tourner le manège des vieux briscards. Les débats autour des idées, je pourrais en mener, sans faiblir dans mon enthousiasme, jusqu’à mon dernier souffle. Les règlements de comptes entre requins, j’en ai soupé, comme dirait mon ami Christophe Darbellay.

     

    Vous comprenez, le Conseil d’Etat, à Genève, plus personne n’y croit. Voilà plusieurs législatures que face à chaque équipe, on se demande si on n’a pas affaire à la pire depuis James Fazy. Mais non, la suivante pulvérise le record ! Alors, ami lecteur, je te le dis franchement : il m’est parfaitement indifférent de savoir qui va composer l’équipe 2023-2028. Bien sûr, les nouveaux candidats, pleins de fraîcheur face à l’équipe sortante lessivée, rivaliseront de mille tours pour nous faire envie. Mais je n’ai aucune illusion sur la suite. Ceux qui seront élus oublieront très vite leurs sourires, se noirciront de la malédiction du pouvoir, se retrancheront derrière des commis de basses œuvres, n’écouteront plus que leurs courtisans, et le tour sera joué ! Citoyen, je ne fais plus confiance à personne. Le pouvoir est une véritable saloperie. Il corrompt, salit, il isole, il crée des monstres.

     

    Tout au contraire, l’élection parlementaire sera passionnante. Avec un enjeu, très clair : une majorité de droite, ou une majorité de gauche. N’écoutez pas les bobos prétentieux qui vous disent « La droite, la gauche, c’est dépassé ». Pas du tout ! C’est même, dans la Genève d’aujourd’hui, plus actuel que jamais. Pouvoir d’achat, finances, économie, fiscalité, formation, santé : un univers sépare les thèses de ces deux camps. Et le vrai pouvoir, à Genève, où se jouent les décisions finales, c’est bien le Parlement. Un choc d’idées, qu’on espère étincelantes, dans la bataille du Grand Conseil, sera autrement riche et fructueux que le triste jeu des ambitions personnelles.

     

    Pascal Décaillet