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Commentaires GHI - Page 76

  • Non, l'Otan n'est pas un club de gentils !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 13.04.22

     

    Le PLR serait-il devenu le parti de l’étranger ? Son président national, Thierry Burkart, appelle clairement, dans le Tages-Anzeiger du vendredi 8 avril, à un rapprochement de la Suisse avec l’Otan. Il ne dit pas « adhésion », certes, mais enfin, au nom de la Realpolitik, et d’un diagnostic sur la modestie et la fragilité de nos systèmes de défense, il estime que la Suisse doit collaborer avec cette organisation, entraînements communs par exemple, ou achats d’avions de combat américains. C’est au moins clair. Dès le lendemain, samedi 9 avril, l’UDC suisse, réunie en Assemblée, lui répondait par un non cinglant, rappelant que la neutralité du notre pays n’était pas négociable. L’UDC lui a répondu cela, et ma foi, elle a eu raison.

     

    Bien sûr que la Suisse est fragile. C’est justement pour cela qu’il ne fallait en aucun cas, ces dernières décennies, sous prétexte de fin de l’Histoire et de mirages de paix éternelle sur le continent européen, relâcher nos efforts de défense. Un pays qui renonce à assumer lui-même le prix de sa souveraineté (militaire, agricole, alimentaire, industrielle, énergétique, numérique, etc.), est un pays déjà mort, comme nation indépendante. Il ne lui reste que la soumission, ou l’intégration à un grand ensemble. Aucune de ces deux options ne correspond à l’Histoire, ni aux intérêts supérieurs de notre pays. Soumis, personne ne veut l’être, évidemment. Devenir membre d’un Empire, c’est la fin de la Suisse. Il nous faut donc nous défendre nous-mêmes, c’est la seule solution.

     

    Il nous faut surtout, très gentiment, expliquer à M. Burkart, au demeurant le meilleur des hommes, que l’Otan, ça n’est pas un club de gentils. Cela, c’est l’image qu’ils veulent donner, face à l’Empire du Mal (un jour la Serbie, vingt ans plus tard la Russie). Non, M. Burkart : l’Otan, c’est l’organisation militaire à la botte des Etats-Unis d’Amérique. Le vrai patron de l’Otan, c’est M. Biden, le reste c’est du bidon. C’est une organisation hégémonique, au service de l’impérialisme américain. Depuis la chute du Mur, et contrairement à la promesse faite aux Russes, le club des affidés de Washington ne cesse d’étendre ses griffes vers l’Est de l’Europe. Le Pacte de Varsovie s’est dissous, l’Otan continue, plus que jamais. C’est son jeu. C’est le jeu des Etats-Unis. Il nous faut au moins le savoir, et ne pas prendre tout ce petit monde atlantiste pour de gentils protecteurs du « monde libre », détestable expression qui fleure le maccarthysme, et légitime depuis trois quarts de siècle les appétits d’expansion des Américains.

     

    Nous, Suisses, ne changerons pas l’Otan. Ni la politique américaine. Nous sommes bien trop petits pour cela. Mais au moins, ayons la sagesse de demeurer à l’écart de tout Empire, toute tutelle supranationale. Et celle de garder la main sur nos systèmes de sécurité. La garder, ou la reprendre : les trois dernières décennies nous ont plutôt habitués à la niaiserie du pacifisme. Notre survie, comme nation souveraine, exige le sursaut.

     

    Pascal Décaillet

  • Socialistes, génération Minitel

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.04.22

     

    Les plus jeunes, parmi ceux qui me font l’amitié de lire cette chronique, ne connaissent sans doute pas le Minitel. Pour faire court, disons que c’est une invention un peu hybride, dans la France des années 80, entre un téléphone et un écran d’ordinateur, laideur verdâtre, génération préhistorique, vous en trouverez sans doute dans les musées d’Histoire de l’informatique. Aujourd’hui, ça paraît complètement ringard, mais à l’époque, premières années du règne de François Mitterrand, c’était un truc ravageur, révolutionnaire. On se l’arrachait, pour des fonctions aussi existentielles que réserver une table, au restaurant, en tapotant sur un clavier, plutôt qu’en appelant le bistrot. On pensait le Minitel éternel, et puis non, les ordinateurs ont évolué, il est très vite devenu le symbole de la mode qui se démode, la jeunesse qui vieillit.

     

    En écoutant Mme Hidalgo, candidate officielle des socialistes français, le parti de Jaurès, le parti de Mitterrand, le parti de Pierre Mauroy dans la grande tradition du Nord, des mines et de Zola, il m’arrive toujours de penser au Minitel. Intrinsèquement et sans ironie, je la trouve plutôt bien, la Maire de Paris. De la classe. De l’élégance. Des convictions. Une certaine rhétorique. Le problème, c’est le fond de ce qu’elle avance. Son discours est taillé dans le marbre des années 80 et 90. Les années Jospin. Un socialisme justicier, moralisateur, persuadé d’incarner la noirceur des colères ouvrières, mais complètement à côté de la plaque, tant il est devenu bobo, déconnecté. En un mot, le socialisme qui n’a pas vu venir ce dimanche d’avril 2002, où Jean-Marie Le Pen a ravi à Lionel Jospin la place au deuxième tour.

     

    A Genève, en Suisse, en France, le socialisme est infesté par le syndrome du Minitel. Les logiciels de pensée sont dépassés, depuis longtemps. Mais on s’y agrippe, comme à une bouée de sauvetage. C’est le cas de Mme Hidalgo. C’est le cas de toute une génération caviar de socialistes genevois, allaités aux mamelles du pouvoir partagé. Les postes. Les prébendes. Les Conseils d’administration des grandes régies. Les réceptions internationales de la Ville de Genève, droits de l’homme, canapés, flûtes de champagne, on est si bien entre soi. On milite dans une organisation onusienne, on a pour soi la rectitude morale, la justice éternelle. Les ouvriers votent maintenant pour la droite patriotique et populaire, on regarde ça de haut, avec mépris. On hausse les épaules, on enfourche son vélo, on court à la réception suivante, en anglais si possible, on condamne ces « relents populistes », on se dit que ça passera, tout rentrera dans l’ordre. Comme avant. Comme du temps de François, à l’Elysée, de Manuel à la Mairie de Genève. Ce temps des camarades qui réchauffaient les cœurs : on avait avec soi les élans de justice, l’ardeur des électeurs, les parfums de la rose, l’éternité du bien. La nuit, juste un mauvais rêve, de temps en temps, toujours le même : on est invité à l’Elysée, esturgeons et tapis rouge. Juste un détail, un peu pénible : souriante, avenante, c’est Marine qui nous y accueille.

     

    Pascal Décaillet

  • Notre démocratie directe éclate de santé !

     

    Commentaire publié dans GHI - 30.03.22

     

    Nos compatriotes sont-ils bien conscients de la chance que nous avons en Suisse ? La démocratie directe ! Le référendum, mais surtout l’initiative populaire. Par ces deux mécanismes, le corps des citoyennes et citoyens, qu’on appelle « le peuple », existe comme institution à part entière de notre pays. Au même titre que le gouvernement. Au même titre que le parlement. Au même titre que le pouvoir judiciaire. Non seulement il existe, mais le vrai, le seul patron, c’est lui. Le parlement vote une loi ? Des citoyens la contestent ? Ils récoltent des signatures pour un référendum, un beau dimanche le peuple vote. Si le référendum passe, la loi passe à la trappe.

     

    Mille fois mieux : l’initiative ! Mieux, pourquoi ? Parce qu’elle ne se définit pas, elle, par rapport à un travail parlementaire. Je dirais même qu’elle laisse dormir tout le petit monde de la Coupole fédérale. Elle le contourne. Elle le court-circuite. Une idée vient du peuple. Un comité se forme. Il doit réunir cent mille signatures, ce qui est loin d’être facile. Et, à l’issue d’un vaste débat national, un dimanche, le peuple tranche. Si l’initiative passe, c’est la Constitution fédérale qui est amendée. Le parlement doit trouver des lois d’application. Il doit le faire dans l’esprit de l’article constitutionnel voté par le peuple et les cantons (la fameuse double majorité). D’en bas, l’Histoire suisse aura ainsi été écrite. Unique au monde !

     

    Les hommes et les femmes qui lancent des initiatives, tous bords politiques confondus, doivent être salués. C’est un travail extraordinairement difficile. Il faut du courage, de la persévérance. Il faut affronter l’adversité. Subir les quolibets des corps intermédiaires, le mépris des parlementaires, les leçons de juridisme des profs de droit, qui se permettent de décréter quel texte est recevable, lequel ne l’est pas. Ces gens-là, du haut de leur superbe, adorent venir s’interposer dans un processus démocratique où le peuple défie le peuple. Oui, les quelques partisans du premier jour donnent rendez-vous, un beau dimanche, à l’ensemble du corps électoral suisse. Plusieurs millions de citoyennes et citoyens, dûment informés par des mois de campagne et de débats. C’est quand même mieux que 246 parlementaires !

     

    Le droit d’initiative, au niveau fédéral, existe depuis 1891, l’année même où le pouvoir absolu des radicaux (sept conseillers fédéraux sur sept depuis 1848 !) a été tempéré par l’arrivée du premier catholique-conservateur (ancêtre du PDC), le Lucernois Joseph Zemp. En 130 ans, seules 24 initiatives, sur 225 soumises en votation, ont été acceptées. Un peu plus d’un dixième. C’est la preuve de l’extrême difficulté de l’exercice. Sans compter la nécessité d’obtenir la double majorité, peuple et cantons. Oui, ceux qui se battent pour un texte méritent notre admiration. On vote oui, on vote non. Mais le peuple, comme institution vivante de notre système politique, crée l’événement. Et ce rôle est incomparable. Je vous invite à chérir notre démocratie directe. Et même à la renforcer, dans l’avenir.

     

    Pascal Décaillet