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Commentaires GHI - Page 79

  • Couchepin, Delamuraz : portraits croisés

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.05.22

     

    Je pourrais écrire un livre sur mes zones de convergences avec Pascal Couchepin, Conseiller fédéral de 1998 à 2009, dont j’ai suivi de près la carrière politique pendant plus de vingt ans, et aussi sur ce qui nous sépare. Les différences, d’abord : ses relations au capitalisme financier, au libéralisme économique, aux Etats-Unis d’Amérique (Irak, 2003), n’emportent pas mon adhésion. Le point commun : le goût de l’Etat. Il fut un homme d’action, et moi un simple observateur, un commentateur. Je l’ai tant de fois interviewé, surtout en radio, quand il était chef de groupe à Berne, puis Conseiller fédéral, mais aussi en TV. Et toujours, quel que fût mon accord ou mon désaccord avec ses propos, j’ai apprécié l’intelligence de l’homme, sa clarté, sa lucidité. Il est un esprit avec qui le dialogue est un enrichissement. Il aime discuter, croiser le fer, comme on le fait dans les bistrots valaisans, depuis la nuit des temps.

     

    Avec Jean-Pascal Delamuraz, son prédécesseur au Conseil fédéral (1983-1998), que j’ai très bien connu aussi, j’ai beaucoup moins le souvenir de discussions : son verbe fusait par irruptions, parfois des traits de génie, des formules pour l’Histoire (« dimanche noir », 6 décembre 1992, échec de l’EEE), des piques, des saillies d’humour comme des comètes, mais pas ce goût de l’argument démonstratif du radical valaisan. Au fond, le radical vaudois ne cherchait pas tant à convaincre qu’à exister très fort, si possible dans le cœur des gens. Le Valaisan, dans la grande tradition philosophique du Freisinn, croit aux lumières de l’argument juste. Peut-être sa très longue expérience de minoritaire, comme radical, dans un Valais naguère dominé par les conservateurs, lui a-t-elle aiguisé, dès les très jeunes années, cette nécessité de la démonstration comme une arme. Pour tenir tête à la scholastique. Le moins qu’on puisse dire est qu’il s’en est servi.

     

    Delamuraz, Couchepin : deux monstres sacrés du radicalisme romand, les derniers grands, au niveau fédéral, comme à Genève nous eûmes Guy-Olivier Segond. Ils étaient réputés ne pas s’aimer, le second guettant toute faiblesse du premier pour un jour prendre sa place. C’est possible. Mais jamais, de ma vie, je n’ai entendu l’un dire du mal de l’autre. Ils étaient infiniment différents, c’est sûr, Delamuraz buveur, jouisseur, fraternel dans le contact physique, Couchepin toujours se dominant. Le Valaisan, apôtre de la Raison triomphante, celle de Kant et de toute la philosophie allemande de l’Aufklärung, à qui le radicalisme suisse doit tant. Le Vaudois, où semblait toujours poindre la folie, toujours à la lisière de la démesure, l’homme qui surprend, l’homme qui surgit.

     

    Pourquoi je vous parle de ces deux hommes ? Parce qu’ils m’ont marqué. Ils viennent d’une très grande famille politique, celle qui a fait la Suisse moderne. Ils avaient, comme nous tous, des qualités, des défauts, connaissaient leurs propres faiblesses, leurs limites. Ils aimaient leur pays. Ils étaient de cette espèce rare, en voie de disparition, qu’on appelle des hommes d’Etat.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Fin de règne

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.05.22

     

    50,8% de non ! Pour les opposants à la réforme du Cycle d’orientation, soumise en votation ce dimanche 15 mai, la victoire est courte, disons quelques cheveux. Mais elle est réelle. Il faut saluer tous ceux, dans les deux camps, qui ont mené ce combat difficile. La bataille fut âpre, pas toujours compréhensible : la réforme n’était pas aisée à expliquer au grand nombre, et les arguments des adversaires, encore plus complexes.

     

    Mais le peuple a tranché. De peu, il contribue à plomber la fin de règne de l’actuelle cheffe du DIP, qui est encore en fonction pour un an. Les affaires sont nombreuses, on les connaît. La confiance n’est plus au rendez-vous. La machine écrase tout. Le politique ne semble plus guider les hauts-fonctionnaires. La potion est amère.

     

    Il faut maintenant laisser se dérouler cette ultime année, sans ajouter de l’huile sur le feu. Le bilan de l’équipe sortante est assez clair pour qu’on ne s’y étende pas, sauf affaire nouvelle qui viendrait à surgir d’un placard.

     

    Tourner doucement la page, oui, pour se projeter dans l’avenir. En 2023, au moment des élections, les socialistes auront tenu le DIP pendant 44 ans, sur 62, depuis 1961. 24 ans sous Chavanne, dix ans sous Charles Beer, dix ans sous la titulaire actuelle. Aujourd’hui, leur gestion est un échec. D’autres, provenant d’une autre philosophie politique, doivent maintenant prendre les rênes. Avec un souffle nouveau. Une ambition nouvelle. Non au service d’une structure, ni surtout d’un compagnonnage. Mais de la connaissance. Et de sa transmission. Là est le défi. Là, l’enjeu.

     

    Pascal Décaillet

  • Vous allez nous les nettoyer, ces écoles !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.05.22

     

    Renoncer au grand nettoyage d’été de nos écoles genevoises, faute de moyens. Rien que ces quelques mots suscitent, auprès des citoyens et des contribuables, la colère la plus dévastatrice. Et le rage, partout dans le canton, de Céligny à Chancy, de Jussy à Satigny, de donner au petit monde qui nous gouverne un phénoménal coup de balai. C’est la Tribune qui révèle l’affaire, vendredi 13 mai. Il n’y aurait pas assez d’argent pour procéder, entre deux années scolaires, à la plus élémentaire mesure d’hygiène : faire à fond les classes, les couloirs, les toilettes, les locaux de gymnastique, les réfectoires de nos bâtiments scolaires.

     

    A ce niveau de scandale, on n’a même plus envie de savoir si la responsabilité incombe à l’Instruction publique, aux Infrastructures, aux deux, au Conseil d’Etat dans son ensemble. Non. On a juste besoin de crier sa colère. D’aucuns, avant moi, l’ont fait depuis vendredi. Eh bien, continuons : cette décision, d’une mauvaise foi inimaginable, est tout simplement inacceptable. Non seulement il va falloir nettoyer à fond les écoles, mais aussi les Ecuries d’Augias chez nos bureaucrates, nos apparatchiks, et certains de nos élus. En clair, l’origine de ce chantage (pas d’argent, pas de nettoyage) doit être identifiée. Ses responsables, sanctionnés. L’autorité politique l’ayant couvert, placée devant ses responsabilités. Nous, les citoyennes et citoyens, et notamment les contribuables, tondus comme dans aucun autre canton pour engraisser un Etat-mammouth, nous devons nous montrer sans la moindre indulgence par rapport aux lascars ayant laissé courir l’équation : « Pas de moyens, pas de propreté à la rentrée ». S’ils veulent se lancer dans une carrière de maîtres-chanteurs, qu’ils aillent chanter Wagner, à Nuremberg.

     

    « Pas de moyens » ! Mais on se fout de qui, là ? Faut-il rappeler ici le budget mirobolant du DIP, ou, d’une manière générale, de l’ensemble de la machine d’Etat à Genève ? Faut-il évoquer la lourdeur de l’administration, le poids de l’appareil et des états-majors, l’utilité fort relative de certains services de recherches, la liturgie pétrifiée des habitudes ? Faut-il revenir sur les innombrables affaires qui ont plombé le Département pendant cette législature, malaise chez les directeurs de Collèges, Foyer de Mancy, etc. Mais surtout, l’argument nauséabond du manque d’argent : un milliard de plus de rentrées financières à l’Etat l’an dernier, train de vie inconsidéré de la fonction publique, de loin la plus onéreuse de Suisse par habitant. Et il n’y aurait pas de quoi nettoyer nos écoles, après deux années Covid, cet été ? Foutaise. Et je pèse mes mots.

     

    Le scandale, c’est celui de l’éternel chantage au manque d’argent, qui suinte la vengeance face à de récents combats budgétaires perdus, alors que des ressources financières, l’Etat de Genève en dispose, beaucoup plus que n’importe lequel des 25 autres cantons. Plus jamais les citoyens, plus jamais les contribuables, les cochons de payeurs de ce canton, ne doivent laisser passer une affaire de ce genre. Il faudra un grand nettoyage. Et pas seulement dans les écoles.

     

    Pascal Décaillet