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Commentaires GHI - Page 81

  • Profs, enseignez notre Histoire politique !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.05.22

     

    Profs d’Histoire, ça vous arrive, de temps en temps, d’aborder encore avec vos élèves le cheminement de nos idées politiques, la genèse et le développement de nos partis en Suisse, disons depuis la Révolution française ? Pour être exact : depuis la République Helvétique (1798), ou tout au moins depuis le printemps des peuples de 1848, l’année de la création la Suisse fédérale, la Suisse moderne. L’Histoire du parti radical, le grand parti qui a fait la Suisse, sept conseillers fédéraux sur sept, de 1848 à 1891. Ces radicaux qui ont forgé nos institutions, créé les grandes écoles fédérales, lancé le pays dans l’aventure industrielle et ferroviaire, percé le Gothard, développé la chimie bâloise, la banque, les grandes assurances. Un legs incomparable, même face à leurs homologues de la Troisième République, en France.

     

    Profs d’Histoire, parlez-vous avec vos élèves des autres courants politiques de notre destin national ? L’Histoire de ce qu’on appelle aujourd’hui la démocratie chrétienne, en bref le parti catholique, favorable au Pape, vaincu du Sonderbund, pendant ces 43 années d’opposition. Les nuances, Canton par Canton, à l’intérieur de cette famille catholique : les conservateurs, les chrétiens-sociaux, l’aile syndicale, les Noirs, les Jaunes. Totalement passionnant ! Comment voulez-vous comprendre la politique valaisanne, jurassienne, fribourgeoise, et même genevoise, sans une connaissance intime de cette palette ?

     

    Profs d’Histoire, évoquez avec vos élèves le long chemin de la gauche, en Suisse, les socialistes par exemple, pour parvenir enfin aux affaires, en pleine guerre, en 1943, au Conseil fédéral. Là aussi, donnez les nuances : entre communistes et socialistes, entre gauche participative et gauche plus radicale, entre partisans de la lutte des classes et sociaux-démocrates. Là aussi, enseignez cette Histoire Canton par Canton. Notre Suisse est plurielle, nuancée, magique et fragile jusque dans ses différences.

     

    Profs d’Histoire, enseignez la genèse de l’UDC, du parti agrarien du Bernois Rudolf Minger jusqu’à aujourd’hui, en passant par Ogi et Blocher. Ces partis-là, et puis tous les autres bien sûr, les Verts, les libéraux. Et par pitié, pas seulement les partis ! Le prodigieuse Histoire de nos assurances sociales, des premiers contrats collectifs jusqu’à la grande date de 1947, la décision d’introduire l’AVS. Et puis, plus tard, la prévoyance professionnelle, les assurances maternité, le long combat de l’égalité entre hommes et femmes. Notre Histoire suisse est l’une des plus passionnantes d’Europe. Il n’y a, en elle, rien d’ennuyeux. Juste un long chemin de destin, celui des humains qui, patiemment, ont construit ce magnifique pays. Et notre démocratie directe ! Et l’Histoire de nos initiatives !

     

    Profs d’Histoire, enthousiasmez vos élèves. La Suisse le mérite. Son chemin, au milieu de l’Europe, est absolument remarquable. Elle n’a pas à en rougir. Un élève, lorsqu’il quitte l’école pour entrer dans la vie professionnelle, doit avoir ces connaissances-là. C’est votre devoir de les transmettre.

     

    Pascal Décaillet

  • Premier Tambour

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 27.04.22

     

    Le culot de Jean-Luc Mélenchon ! Faisant irruption au soir d’un second tour auquel il n’avait pas été invité à participer par le peuple français, le chef de file de La France insoumise appelle les Français à « l’élire Premier ministre ». Et puis quoi, encore ? Lui faire couler un bain chaud ? Lui offrir une édition originale des Discours de Saint-Just et Robespierre ? Lui ériger un échafaud en or, en Place de Grève ? Une intervention déplacée, prétentieuse, n’ayant au fond qu’une vertu : souligner l’égo démesuré de ce tribun surdoué, assoiffé de Lumières, et pas seulement celles de Voltaire et Montesquieu, quelques projecteurs faisant parfaitement l’affaire.

     

    C’est vrai, Mélenchon parle bien. Il fut, dans cette campagne 2022, le meilleur orateur. Son verbe est incandescent, il sait créer un rapport immédiat avec le public. Mais existe-t-il encore, de Strasbourg à Perpignan, de Nice à Dunkerque, une seule porte assez large pour laisser passer sa tête ? Il y a des moments où ce fervent républicain se prend pour le Roi.

     

    Ainsi, « Elisez-moi Premier ministre ! ». L’homme peut rêver d’une Sixième République, mais il se trouve que la France vit encore à l’heure de la Cinquième. Au suffrage universel, le peuple élit un Président. Ce dernier, et nul autre, choisit son Premier ministre. Il le fait, bien sûr, en fonction d’un rapport de forces législatif. Mais nul ne peut lui imposer la personne. Sous la Cinquième, désolé Monsieur le Premier Tambour des exécutions, on n’élit pas le Premier ministre. Vous le savez du reste très bien. Votre formule est un raccourci. Comme le sont les condamnés. Après vos réquisitoires.

     

    Pascal Décaillet

  • Macron et l'océan du convenable

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 27.04.22

     

    La victoire d’Emmanuel Macron, ce dimanche 24 avril, nous invite à nous interroger sur un phénomène, d’une présence écrasante dans le monde de la presse et des médias, que j’appellerais « l’océan du convenable ». De quoi s’agit-il ? De l’incroyable propension des commentateurs, éditorialistes, pies bavardes des chaînes privées françaises (à quelques belles exceptions près), à se ranger instinctivement, comme par atavisme, du côté du pouvoir. Comme si le journaliste était devenu un être tellement faible, tellement fragile (il l’est souvent économiquement, il faut le reconnaître), qu’il aurait besoin d’un protecteur. Un mécène, comme dans la musique, jusqu’à la fin du dix-huitième siècle. Alors, pourquoi prendre des risques ? On veut bien être un bel esprit, faire briller sa plume ou sa voix, décocher des chroniques comme des flèches de curare, mais l’insolence a ses limites.

     

    Entre Marine et Macron, ce beau petit monde choisira toujours le second. Par conviction ? Sans doute, la sincérité n’est pas ici en cause. Mais c’est justement là l’inquiétant : tous sont pour Macron, ou presque, alors que plus de deux Français sur cinq (13 millions, près de 42%) ont donné leur voix à Marine. Ça pose tout de même un léger problème de représentativité des journalistes, non ? De même, en Suisse, connaissez-vous beaucoup de médias (à part la Weltwoche) qui affichent ouvertement leur sympathie pour les idées de l’UDC, premier parti du pays, près d’un Suisse sur trois ? Ils est où, l’éditorialiste sur trois qui partagerait au grand jour les valeurs de cette famille politique ? A la vérité, il n’y en a pas un sur vingt !

     

    En Suisse aussi, nous avons notre océan du convenable : il faut être à gauche, ou alors dans la droite européiste et libre-échangiste, bref PLR ou Centre. Là, vous n’aurez jamais aucun problème. Nul ne vous cherchera noise. Nul ne vous collera d’étiquettes, du style (chaque fois qu’on présente un journaliste de la Weltwoche) : « proche de l’UDC ». En clair, votre « proximité » ne sera précisée que si elle relève du camp du Mal. Pour celui du Bien, nulle estampille ne sera nécessaire. Là, on vous considère comme normal. Rafraîchissant, non ?

     

    La réélection d’Emmanuel Macron est sans appel. L’homme est légitimé, pour cinq nouvelles années, à présider la France. Il faut bien sûr en prendre acte. Mais le risque est énorme, avec la servilité naturelle des médias français, et surtout des petits marquis surexcités des chaînes privées parisiennes, d’un phénomène « Dieu », avec tout ce qu’il a de ridicule, comme au début du second septennat de François Mitterrand. Que les partisans de Macron se prosternent devant lui, grand bien leur fasse. Mais enfin, les journalistes ! Ils peuvent bien être macroniens, aucun problème. Mais, à deux ou trois exceptions près, où sont les résistants ? Où sont ceux qui oseront dire, cartes sur table : « Ces deux Français sur cinq qui soutiennent Marine, ces 42%, ces treize millions, j’en fais partie ».

     

    Pascal Décaillet