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Commentaires GHI - Page 66

  • La Bande des Quatre : jusqu'à quand ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.02.23

     

    Les radicaux : le grand parti qui a fait la Suisse moderne, à partir de 1848. Les conservateurs-catholiques, ou l’autre aile, les chrétiens-sociaux : deux grandes racines de ce qu’on appellera le PDC, aujourd’hui le Centre. De 1848 à 1891, pendant les 43 premières années de la Suisse fédérale, ces milieux catholiques, vaincus du Sonderbund en 1847, constituent l’opposition à la toute-puissance de la Suisse radicale. Les socialistes : un parti très important dans notre Histoire, premier conseiller fédéral en 1943 (Ernst Nobs, ZH), un immense conseiller fédéral de 1959 à 1973 (Hans-Peter Tschudi, BS), des figures de légende dans les cantons (à Genève, André Chavanne, qui révolutionne l’école). L’UDC : au Conseil fédéral depuis 1929 (Rudolf Minger, BE), la souche agrarienne, la tendance Blocher, premier parti sous la Coupole fédérale depuis plusieurs législatures.

     

    Les radicaux, le PDC, l’UDC, les socialistes : tels sont, dans l’ordre d’arrivée au gouvernement fédéral, les partis qui ont fait le vingtième siècle. Aujourd’hui encore, ils sont, à Berne, nos quatre partis gouvernementaux. Peut-être les choses changeront-elles cet automne, après les élections fédérales du 22 octobre, mais enfin, jusqu’à nouvel ordre du peuple (et de lui seul), la Suisse impressionne par sa stabilité. Quatre grands partis, quatre traditions politiques, cohabitent depuis de longues décennies. Tout au plus, tous les quatre ans, les unes perdent-elles quelques plumes au profit des autres, mais ces correctifs demeurent mineurs.

     

    Regardez nos voisins ! Pendant tout le vingtième siècle, la France a connu la Troisième République jusqu’en 1940, puis Vichy jusqu’en 44, puis la Quatrième jusqu’en 58, et enfin la Cinquième. L’Allemagne a connu le Reich impérial jusqu’en 1918, la République de Weimar jusqu’en 33, le Troisième Reich jusqu’en 45, puis deux pays de 49 à 90, enfin la Réunification. Je vous fais grâce de l’Italie. Oui, nous sommes un pays stable ! Est-ce une vertu ? Je l’ignore. Mais c’est ainsi.

     

    La stabilité n’est pas un but en soi. Ni la conservation des acquis. La politique est un tissu vivant, évolutif, les régimes naissent et meurent, rien n’est éternel. N’oublions jamais que notre système actuel est né d’une puissante Révolution européenne, le printemps des peuples de 1848. Partout en Europe, il a balayé les rois, les patriciens. La Suisse était au cœur du continent. Elle n’a pas échappé au maelström.

     

    Radicaux, PDC, socialistes, UDC : jusqu’à quand, la Bande des Quatre ? Un jour, les Verts ? Ou d’autres encore ? Ce qui impressionne tout de même, c’est que des partis issus des grands combats du 19ème siècle (radicaux, socialistes) existent encore, sous le même nom, en 2023 ! Alors oui, notre politique fédérale porte la marque de quatre puissantes masses tectoniques, venues de la diversité des cantons, solidifiées à Berne. Elles ne sont pas éternelles, rien ne l’est. Mais elles sont, en comparaison internationale, rudement coriaces.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Bonnet orange

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.02.23

     

    De deux choses, l’une. Soit les partis n’ont plus aucune raison d’être, et alors soyons clairs : on les abolit, on fait la politique sans eux, on les remplace par des comités d’initiatives ciblés, je serais loin d’être opposé à ce modèle.

     

    Soit on estime qu’ils ont encore une utilité. Alors, désolé, on rétablit, dans chaque formation, un minimum de connaissances sur l’Histoire du parti, cantonal comme fédéral, au passage aussi l’Histoire du pays. On pétrit ses adhérents de philosophie politique, quitte à s’engueuler à l’interne, ce qui est d’ailleurs très sain. Et on envoie au front des lascars avec un minimum de répondant sur l’identitaire sémantique et dialectique de sa formation.

     

    Mais des gens qui sont juste là parce qu’ils ont vu de la lumière, et que l’ambiance est sympa, c’est un peu juste. Ainsi, pour prendre un exemple au hasard, le seul fait d’arborer un bonnet orange, même pas phrygien, même pas blanc comme celui de Jacques Duclos, sans rien connaître aux racines philosophiques, plurielles, complexes, passionnantes, du parti qui affiche cette délicieuse couleur orangée, c’est insuffisant.

     

    Si les partis doivent continuer à exister, alors qu’ils donnent à leurs nouveaux adhérents des séminaires de formation. On ne peut pas juste, comme ça, projeter sur la scène publique des gentils paroissiens souriants. Il faut du coffre. De l’ancrage dans le temps long. Le sens de l’Histoire. Sinon, on va à la kermesse, on boit des verres, on danse, la vie est belle. Mais la politique, c’est un peu plus que tout cela.

     

    Pascal Décaillet

  • Aide à la presse : en quel honneur ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.01.23

     

    C’est incroyable, le nombre de puissants intellectuels qui se torturent les méninges, dans d’improbables Facultés de sciences sociales, souvent alémaniques d’ailleurs, pour nous proposer, tous les trois ou quatre mois, un nouveau modèle, révolutionnaire selon eux, « d’aide à la presse » ! Qui sont-ils, ces lumineux chercheurs ? Qui les a mandatés pour nous pondre d’onéreux rapports, ennuyeux comme la face obscure de la lune, sur le meilleur moyen de « sauver le journalisme en Suisse » ? Pourquoi font-ils cela ? Que connaissent-ils du métier ? L’ont-ils, au moins quelques années, pratiqué de l’intérieur ? De quel droit, de quelle autorité intellectuelle, ou professionnelle, viennent-ils statuer sur le « journalisme de qualité » ? Qui les a légitimés pour émettre des jugements sur un monde qu’ils ne connaissent pas ?

     

    Surtout, la question essentielle : au nom de quoi faudrait-il à tout prix « sauver la presse » ? Si tel journal payant, au numéro ou à l’abonnement, n’a plus les moyens de survivre, parce que les annonces l’auraient déserté par exemple, ou surtout parce que plus personne ne voudrait le lire, en quel honneur faudrait-il que l’argent public soit affecté à la rescousse ? L’argent des contribuables ! Comme si nous tous, qui payons des impôts, n’étions pas déjà suffisamment tondus comme cela. Il faudrait que le fruit de notre travail, à nous, qui constitue hélas l’essentiel des ressources fiscales, soit attribué à des opérations de repêchage d’entreprises privées ayant échoué. Mais alors, pourquoi la presse, et pas la cordonnerie, la blanchisserie, le lavage de voitures, l’épicerie fine ? Dans quel monde vit-on, pour oser proposer cela ?

     

    L’argument de nos chers théoriciens : « Il faut sauver la presse, parce qu’elle est indispensable à la démocratie ». Je le conteste, frontalement. Ce qui est vital, c’est la liberté de circulation de toutes les opinions, je dis toutes. Cette liberté, ce courage, cette vivacité, vous les trouvez particulièrement dans les médias, vous ? Je dis qu’on y trouve plutôt la conformité. Pour la différence, celle qui heurte, celle qui dérange, celle qui ose mettre en cause le pouvoir, il faudra plutôt vous rendre sur les réseaux sociaux, haïs par les universitaires, mais de plus en plus appréciés par le public. Bien sûr, certains vont trop loin, voient des complots partout, exagèrent la posture d’opposition. Mais combien de plumes insoupçonnées, de regards rafraîchissants, de courages solitaires, que vous lirez rarement dans la grande presse officielle, adoubée par les puissants !

     

    S’il faut sauver quelque chose dans l’ordre de l’expression, ce ne sont pas des entreprises qui périclitent. Ni même le métier de journaliste, qui n’est pas éternel. Non, il faut sauver la démocratie, qui nous est  si chère. Pour cela, chacun doit pouvoir s’exprimer. Rien ne doit être tabou. Seule la loi doit être respectée. La loi, oui. Mais pas l’opinion dominante. Ni les dogmes des puissants. Il ne faut pas sauver la presse. Mais la liberté indivisible de chacune de nos âmes.

     

    Pascal Décaillet