Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Commentaires GHI - Page 62

  • Baisse d'impôts

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.11.22

     

    « Baisse d’impôts » : Nathalie Fontanet, en direct mardi 15 novembre à Genève à chaud, a lancé sa campagne, avec ces trois mots. Dans un contexte explosif, elle a osé le bouton rouge. Femme de droite, ministre des Finances, minoritaire dans un gouvernement de gauche depuis un an et demi, la seule survivante du PLR au Conseil d’Etat donne le ton. La doxa de la gauche, qui ne jure que par l’impôt, elle l’attaque de front. Et elle a mille fois raison.

     

    Dans la même émission, Nathalie Fontanet confirme le chiffre qui circule à Genève, et qui tient du scandale : 36% des habitants, en âge d’être fiscalisés, ne payent pas d’impôts. La baisse annoncée par la ministre-candidate touche donc les 64% que nous sommes, nous les classes moyennes, nous les gens qui bossons dur, gagnons notre vie, mais n’en pouvons plus de la strangulation fiscale. La majorité silencieuse.

     

    Alors oui, il fallait appuyer sur le bouton rouge. Il fallait oser dire « baisse d’impôts », affronter enfin de face les collègues de gauche au Conseil d’Etat, également candidats. On respire, on laisse monter en soi l’énergie du combattant, on attaque. C’est cela, la politique. N’appelle-t-on pas cela « une campagne » ? Comme celles « d’Italie, de Prusse ou d’Espagne », chez Brassens.

     

    Que les classes moyennes ne se trompent pas. On paye beaucoup trop d’impôts sur le revenu à Genève, celui sur le fruit de notre travail, notre sueur. Il faut en payer moins. Et que l’Etat, tentaculaire et dépensier, se redimensionne et freine sa voracité. C’est aussi simple que cela. Et cela tient en trois mots : baisse d’impôts.

     

    Pascal Décaillet

     

  • On ne vit plus, on ne meurt plus, on "transite"

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.11.22

     

    Le Conseil d’Etat s’est-il transformé en agence de pub ? A n’en plus finir, il nous bichonne des slogans. Et les jette au vent, comme miettes aux moineaux. Et le bon peuple est censé picorer, tout heureux de la graine providentielle. Chaque citoyen est un migrateur de passage, on compte sur lui pour reprendre le refrain. Ainsi, depuis deux ou trois ans, s’est soudainement imposé, dans la liturgie gouvernementale, un mot plutôt laid, technocrate, infecté par la banalité de la syllabe maudite : la « transition ».

     

    On disait de Jean XXIII (1958-1963), quand j’étais tout petit, qu’il allait être un « Pape de transition », ce qu’il ne fut d’ailleurs pas du tout, puisqu’il lança le Concile Vatican II. On parle aussi, dans un ordre plus viscéral », de « transition intestinale » : un concept assurément vital, mais, reconnaissons-le, peu porté à l’éclat rhétorique, dans les conversations mondaines, ni à l’éternité littéraire. Bref, jusqu’à une période toute récente, ce mot, « transition », n’était usé que par des Cardinaux cacochymes ou des spécialistes en médecine gastrique, il ne figurait que timidement dans les traités de style, au mieux en latin et en abrégé, dans l’apparat critique.

     

    Mais le Conseil d’Etat genevois, inventeur de mots comme d’autres lancent des jupes ultra-courtes en collections d’été, nous a fait de la « transition » son mantra. On garde le nom, on varie juste l’adjectif : « transition » énergétique, écologique, climatique. Nul doute que les chercheurs en sciences sociales de l’Université de Lausanne, qui ont pyjama et pantoufles sur nos ondes publiques, nous balanceront bientôt de la « transition » sexuelle, genrée, chromatique, rivalisant ainsi avec Ovide dans l’art de la Métamorphose.

     

    Un exemple ? Le parc impressionnant des « bâtiments de l’Etat » (faut-il à tout prix, au passage, que ce dernier ait le statut de propriétaire immobilier ?) doit de toute urgence, nous répètent les clercs, être rénové. A entendre nos ministres, on a l’impression que ces travaux ne peuvent souffrir le moindre délai, sous peine d’avènement anticipé de l’Apocalypse. Le Conseil d’Etat a même chiffré le coût de ces menus aménagements : un milliard. Autant dire une paille, un frisson de néant. Une feuille morte, sur un traité de Newton. Vous avez bien lu : un milliard, pour la seule « transition écologique des bâtiments de l’Etat », vous savez ces locaux où travaillent, les jours ouvrables, de 9h à 17h, ces frères et sœurs en humanité appelés « fonctionnaires ». Pour la « transition » de l’ensemble du parc immobilier genevois, impliquant le privé, il faudra évidemment compter d’autres milliards, cosmiques et sidéraux, je n’ai pas dit « sidérants ».

     

    Nos gouvernants lancent des mots, font tourner la planche à billets, font valser le futur à coups de milliards, nous martèlent le catéchisme de la « transition ». On ne naît plus. On ne meurt plus. On se contente de transiter. Entre deux rivages du néant.

     

    Pascal Décaillet

  • Vous vous ennuyez ? Lisez Plutarque !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.11.22

     

    Depuis plus d’un demi-siècle, je dévore la Vie des hommes illustres. Signé Plutarque, l’un des plus grands biographes de l’Antiquité, au premier siècle de notre ère. L’un des auteurs grecs à m’avoir le plus marqué. Je l’ai lu très jeune, dans la langue. Dans ses Vies parallèles, il compare le parcours des Grecs et des Romains célèbres, Alexandre et César, Démosthène et Cicéron. Il est lui-même à cheval sur les deux civilisations, et passe de longs séjours dans une Rome qui a certes vaincu le monde grec, mais se trouve profondément influencée par le monde hellénique, ce qu’un célèbre vers d’Horace résume en cinq mots.

     

    A lui seul, par son recul historique, sa connaissance intime des antécédents, l’immensité de sa culture littéraire, Plutarque incarne le lien entre Rome et la Grèce. Et je me demande même s’il ne symbolise pas, aux yeux d’une postérité qu’il a profondément influencée (Shakespeare, Rousseau, Beethoven), l’Antiquité elle-même. Je me permets un conseil : lisez Plutarque. Choisissez, je vous prie, la remarquable traduction de Jacques Amyot : vous y entendrez chanter le français du seizième siècle, et la douceur même de cet archaïsme vous portera dans la passion des temps anciens.

     

    Plutarque n’est pas un historien, dans le sens scientifique donné aujourd’hui à ce mot, ni dans la ligne de rigueur de l’immense Athénien Thucydide, l’auteur de « La Guerre du Péloponnèse », qui vécut cinq siècles avant lui. Mais il est un narrateur d’exception. Le jeune Rousseau, qui le lisait déjà avec son père, restera toute sa vie sous son influence. Beethoven le lit avec passion. Et je crois que tout adolescent, helléniste en herbe, ayant d’abord dû passer par les récits de batailles de Xénophon, puis commencé à pratiquer les Dialogues de Platon, la Poétique d’Aristote, les tragédies de Sophocle, découvre comme un chemin de bonheur, d’humanité, de génie narratif, dans cet auteur au fond assez tardif (huit siècles de littérature grecque le précèdent, depuis les temps homériques).

     

    Oui, pour un jeune, amoureux de textes, d’Histoire et de musique, il y a, dans la totalité du monde restituée par Plutarque, des fragments de vérité. Pas toujours celle de l’historien, au sens actuel. Mais celle de l’âme humaine. Longtemps, on l’a d’ailleurs décrit comme un « moraliste », non dans le sens d’un donneur de leçons, mais plutôt dans celui d’un spécialiste des mœurs. Je me souviens du Professeur André Hurst, nous parlant de Plutarque avec une infinie science : non seulement l’œuvre, mais les éditions critiques, l’immensité de la postérité, c’était tout simplement passionnant de l’écouter.

     

    Alors quoi, moraliste, historien, biographe, romancier ? Depuis deux millénaires, on lui colle des étiquettes. Et si le génie de cet esprit était, justement, d’échapper à toutes les nomenclatures ? Tenez, je voulais vous parler d’autre chose au début, de politique genevoise, du pouvoir, de la justice. Et puis voilà, comme détourné pas mes passions souterraines, je vous ai parlé de Plutarque. Peut-on jamais prévoir ce que votre propre plume vous réserve ? Excellente semaine à tous !

     

    Pascal Décaillet