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  • Parquets et glissades

     

    Chronique parue dans la Tribune de Genève du jeudi 10.01.08

     

    Ca pourrait sonner comme une chanson de Jean Nohain : quand un procureur attaque un autre procureur, que se jettent-ils, d’une hermine l’autre : des histoires de procureurs, of course !

     

    Mais quand ledit procureur, dans toute la perversité du système genevois, se trouve issu d’un parti, les missiles deviennent évidemment politiques. Ca n’est plus une compétence contre une autre, mais une conception de la justice, une vision du parquet. Hier, dans les colonnes du Temps, c’est bel et bien le socialiste Bertossa qui assassine le radical Zappelli. Au fait, on prend combien, pour meurtre avec préméditation ?

     

    J’ai une idée de verdict, pour Monsieur Bertossa : juste un rappel, amical. Que sont certaines affaires russes devenues, qui devaient, nous disait-on, révolutionner le rapport de la justice à l’argent sale ? Cette croisade incantatoire contre les crimes en col blanc, qu’en reste-t-il, aujourd’hui, en termes de résultats concrets ?

     

    Oh, je ne prétends pas que Monsieur Zappelli soit parfait, le parquet est chose trop glissante pour y laisser s’aventurer la perfection du monde. Mais son recentrage sur une criminalité plus prosaïque, certes moins prestigieuse à pourchasser, moins sonore à claironner, a pu rencontrer çà-et-là, quelque succès.

     

    Enfin, la gauche ayant un candidat officiel contre Daniel Zappelli, peut-on espérer que ce dernier prenne le droit de ferrailler lui-même, sans tirs de couverture de la part du Commandeur ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Le zeste sucré de l'archaïsme



    Édito Lausanne FM – Jeudi 10.01.08 – 07.50h



    Moderne et décomplexé. C’est l’image que veut donner de lui Nicolas Sarkozy. Il arpente, en jeans, les sites touristiques d’Egypte, avec à son bras l’une des plus belles femmes de France. Il appelle les gens par leur prénom. Il s’exprime sur sa vie privée, la montre, la met en scène. Il voudrait au fond, comme l’Orléans Louis-Philippe, être davantage roi des Français que roi de France, le « roi bourgeois », comme on avait appelé ce monarque, entre 1830 et 1848.

    La question est : « Les Français veulent-ils d’un Président un jeans ? ». Je n’en suis pas sûr du tout. L’image du chef de l’Etat, chez nos voisins, vient du fond des âges. Quarante rois, puis la République. Puis, avec de Gaulle, la République qui rétablit la monarchie. Puis, avec François Mitterrand, qui avait pourtant tant combattu ce style, dans son pamphlet « Le Coup d’Etat permanent », en 1964, la quintessence, dès 1981, du style royal à l’Elysée : figure marmoréenne, immobilité de sphinx, étanchéité des réseaux de relation, puissance de la Maison personnelle, bref le Roi.

    Mais pas n’importe quel roi. Les Français aiment les souverains, mais pas les signes extérieurs de richesse. Ce qu’ils ont tant aimé, en de Gaulle, c’était son côté monastique : le moine-soldat, la rigueur personnelle, l’homme qui ne s’est pas enrichi d’un seul centime pendant son règne. L’homme qui pouvait être orgueuilleux, comme Louvois dans le Grand Siècle, parce qu’en contrepartie de cet orgueil, il assumait la fonction sacrificielle de tout donner, toute sa personne, à son pays. Auquel il vouait une passion intransigeante, mystique, d’un autre âge.

    L’homme qui, le premier, a voulu changer cela, c’est Giscard. Mal lui en a pris. Il était jeune, brillant, il est d’ailleurs loin d’avoir eu un mauvais septennat, mais il a totalement raté son image présidentielle. Il a voulu se mêler au peuple, au bon peuple, il a voulu « décomplexer » la fonction. C’était peut-être louable. Mais ça n’était pas, dans un pays chargé d’une Histoire aussi incomparable, ce que les Français voulaient. Mitterrand, avec génie, a corrigé cette dérive.

    Nicolas Sarkozy est un homme intelligent. Il devrait comprendre que l’image du play-boy est aux antipodes d’une certaine conception profonde, nourrie de tant de références, du service suprême de l’Etat, en France. Il serait tout de même dommage que cet homme compétent, dynamique, inventif de nécessaires réformes, finisse par se griller sur une simple, une élémentaire question d’image.

    Il rêve, comme un enfant, la modernité. Mais sous-estime les vertus – paradoxales, délicieuses et sucrées comme un zeste – de l’archaïsme.



     

  • L'Amérique et nous



    Édito Lausanne FM – Mercredi 09.01.08 – 07.50h



    Il est, bien sûr, totalement impossible de savoir qui, le 4 novembre prochain, sera élu président des Etats-Unis d’Amérique. Barack Obama ? Hillary Clinton ? Un républicain ? Nous n’en savons rien. Et les premières figures qui s’imposent dans les primaires de janvier ne sont pas nécessairement, comme ceux qui entrent papes au conclave, les élus de novembre.

    Une chose est sûre : cette campagne va nous passionner. D’abord, parce qu’elle va tourner la page de George Bush, et beaucoup, par avance, s’en réjouissent. Un président dont l’Histoire équilibrera et affinera le bilan, mais dont la mémoire restera marquée du sceau de l’aventure militaire en Irak.

    Aussi, parce que les Etats-Unis sont, au fond, un régime présidentiel. La personne du chef de l’Etat, comme en France, est le pivot, non seulement des institutions, mais de toute l’attention médiatique. Le président, dans une constante galerie des glaces, se mire, se représente, se met en scène. On ne voit, on ne montre que lui. Et cette personnalisation du pouvoir, dans les grandes heures, a souvent sonné le salut : discours de Roosevelt au lendemain du 7 décembre 1941 (Pearl Harbor), causeries au coin du feu de ce même président d’exception, effet Kennedy, effet Reagan, effet Clinton. Oui, le premier personnage de l’Etat ne se contente pas de régner : il donne des signes, des inflexions, à la terre entière.

    Cette année électorale, avec sa galerie de figures nouvelles, va être, pour nous, l’occasion de tourner nos regards vers l’Amérique. Les Etats-Unis, ce grand pays cette grande Histoire déjà, et surtout cette culture, si mal connue : la littérature, avec ses incroyables rebelles, les arts plastiques, le cinéma. Aucun Suisse, aucun Européen, quels que soient ses sentiments personnels face une certaine politique américaine, son arrogance, son impérialisme, ne peut rester indifférent à cette campagne électorale. Elle sera – elle est déjà – l’un des événements politiques les plus importants de 2008.