Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Pierre Weiss, portrait bissextil



    Édito Lausanne FM – Vendredi 29.02.08 – 07.50h



    Dans quelques jours, Pierre Weiss sera le nouveau président du parti libéral suisse. Le nouveau, et le dernier, puisque libéraux et radicaux, déjà réunis en un seul groupe parlementaire à Berne, vont bientôt fusionner. Le mot « Freisinn », en allemand, ce concept puissant, surgi des Lumières, qui invoque à la fois la liberté des idées et celle du commerce, serait bien mieux traduit par « libéral » en français, que par « radical », qui en appelle, lui, aux racines de nos institutions, évidemment le legs de la Révolution française.

    Pierre Weiss est l’un des hommes les plus agréables à fréquenter de la classe politique en Suisse romande, qu’on partage ou non ses options politiques. Pétillant, pétulant, primesautier comme un premier communiant, instinctif, rapide. Il aime, comme nul autre, prendre de vitesse l’univers entier : ses adversaires, mais beaucoup plus encore ses amis. Encore qu’il n’ait pas d’amis. Qui a des amis, en politique ? Vous en avez, vous, des amis ? Un peu d’observation de cette faune-là, et vous découvrirez très vite que, comme dans l’univers de Racine ou Mauriac, le pire ennemi, toujours, est dans la famille.

    Cette donnée, Pierre Weiss l’a très vite intégrée. Puisque le politique est un homme seul, autant assumer. Transformer cette pesanteur sisyphéenne en un éternel plaisir solitaire, chaque jour recommencé. Ourdir, tramer, contourner. Projets de loi, interpellations, éditos fort bien tournés, pointes et piques, trucs et ficelles. De l’instinct, un groin hors du commun pour humer la faille de l’adversaire. S’il le pouvait, il prendrait de vitesse une comète. La dimension du plaisir, chez Weiss, est essentielle.

    À cela s’ajoute une qualité fort rare dans le monde politique, la culture. Avec Weiss, on ne s’ennuye jamais. Ne vous imaginez pas que son univers de références se limite à Tocqueville et Raymond Aron. Prendre un verre avec lui est un bonheur d’échanges, où l’humour est toujours présent, mais aussi l’opéra, les citations, les bons mots qui fusent comme des flèches de curare. Avec un tel homme à la tête du parti libéral, au demeurant injustement non élu au Conseil national l’automne dernier (il n’a pas tenté de mendier ses voix), c’est l’incarnation de l’hédonisme politique qui arrive, encore un peu plus, sur le devant de la scène.

    On en viendrait presque à regretter la fusion promise. On voudrait que la mariée arrive en noir, juste pour la farce, pour avoir monté un ultime coup, tenté de refaire l’Histoire. L’Aventure, salée, toujours réinventée. Allez, c’est promis : un portait comme celui-là ne peut relever que de l’aventure bissextile. Je ne recommencerai pas avant quatre ans.


  • Péage urbain: qu'a voté Pierre Maudet?



    Édito Lausanne FM – Jeudi 28.02.08 – 07.50h


    S’il fallait résumer les trois grands axes politiques de la Ville de Genève, on pourrait dire : taxer, taxer, et taxer. Mais aussi punir. Punir les automobilistes d’être ce qu’ils sont, brandir des chiffres de pollution de l’air qui nous annoncent la fin des temps. Se prendre pour Londres. Et nous promettre, ultime lapin surgi d’un chapeau melon, ce magnifique concept qui s’appelle péage urbain.

    Que Genève déborde de voitures, nul n’en disconvient. En construisant enfin une traversée de la Rade (qui, une fois ou l’autre, verra le jour), une immense partie du trafic pendulaire qui, aujourd’hui, engorge le pont du Mont-Blanc, en sera détournée. En mettant l’accent sur des transports publics efficaces, en réinventant (comme cela se fait déjà, progressivement) des lignes de tram stupidement arrachées dans les années soixante, on incitera les gens à ne plus prendre leur voiture. Il y en a encore beaucoup trop, c’est vrai, à se déplacer d’un point à l’autre de la ville en automobile.

    Mais cette idée de péage ! Dès qu’on peine à trouver une solution incitative, inventer une taxe. Une de plus. Typique de cette majorité de gauche. Typique de Patrice Mugny. Le faire de façon unilatérale, sans la moindre concertation avec le canton, alors que tout le problème de la mobilité, à Genève, doit être pensé à grande échelle, en considérant les grands axes de pénétration, la France voisine. Vraiment, les citoyens de Genève ont le droit de savoir qui a voté quoi, au sein du gouvernement de la Ville, sur cette question. En clair : l’élu de droite, Pierre Maudet, s’est-il rallié à ses quatre collèges de gauche ?

    Pire : Patrice Mugny annonçait sans sourciller, hier soir, que la consultation du Conseil municipal, sur ce projet, ne lui apparaissait pas comme prioritaire. « Seulement en cas d’investissements lourds ». En clair, on évangélise le bon peuple, à la machette, à la grande cause Verte, sans consulter ses représentants. Il appartient au peuple de Genève, souverain, de répondre, le jour venu, comme il se doit, à ce coup de majesté du Prince. Et de ses acolytes.

  • Le nez du sphinx



    Édito Lausanne FM – Mercredi 27.02.08 – 07.50h



    Pascal Couchepin tombant sur Marcel Ospel, dans l’édition de « Bilan » qui sort aujourd’hui, voilà qui va réchauffer les chaumières, aiguiser la rage vindicative des petits sur les grands, faire grimper un peu le mercure sur le thermomètre de popularité du président de la Confédération. On ne me dira pas que ça n’est pas un peu le but, non ?

    Pascal Couchepin a sans doute raison de penser beaucoup de mal de ce dirigeant de l’UBS qui a perdu des milliards dans des engagements aventureux sur les marchés à risque de l’immobilier américain. Mais franchement, démolir Ospel aujourd’hui, cela relève-t-il d’un exceptionnel courage ? Venir dire, après tout le monde, que les revenus de ce banquier sont pharaoniques, ce qui est aussi vrai que le nez sur la figure du sphinx, vous trouvez qu’il y a là une transgression d’une audace extrême ?

    L’affaire Ospel rappelle celle du « Duce ». Il y a, dans ces fusées verbales éclairantes (échapperaient-elles parfois au tireur ?), comme un alignement sur l’opinion largement majoritaire dans le pays, qui étonne de la part d’un homme ayant maintes fois, dans d’autres circonstances, su prouver sa force de solitude contre les courants dominants. Cette stratégie est une erreur : le Couchepin que les Suisses aiment et respectent, c’est celui, justement, qui brave et ignore le vent des modes, pas celui qui s’aligne. Il n’est jamais meilleur que lorsqu’il jette aux orties toute prétention à la popularité. La solitude contre tous les vents, venus de tous les points cardinaux, c’est un art qui s’affûte dès l’enfance, quand on est natif d’une ville qui s’appelle… Martigny.