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  • La grève, un jeu dangereux



    Édito Lausanne FM – Jeudi 31.01.08 – 07.50h



    En Suisse, la grève ne fait pas partie de notre culture politique. Elle n’en fait pas partie depuis plus de sept décennies. Il y a eu, certes, des grèves, il y en a, il y en aura, mais ce mode d’action demeure – et doit demeurer – l’ultima ratio, le dernier recours lorsque toutes les négociations ont été épuisées.

    Le contraire du système suisse, c’est la France. Où l’on fait la grève pour un rien. Où on la fait même, parfois, avant de commencer à discuter. C’est un lourd héritage, pesant, encombrant, de la lutte des classes, avec un patronat souvent obtus, et surtout de méga-centrales syndicales disproportionnées, des empires, des pieuvres, testant leur pouvoir au niveau national, prenant toutes leurs décisions à Paris.

    Et puis surtout, s’il est un genre de grève risqué, c’est bien celle des fonctionnaires. Et, parmi les fonctionnaires, encore plus, celle des enseignants. Quelle que soit la justesse intrinsèque de leurs revendications, ils seront toujours perçus, par les employés du privé, par les petits indépendants, comme ceux qui ont de longues vacances, et dont l’emploi est garanti.

    Se mettre en grève, descendre dans la rue, quand on est enseignant, est un jeu dangereux. S’imaginer qu’on va conquérir la sympathie du public est un leurre. Croire encore, en 2008, que l’acte même de la grève demeure auréolé de dimension héroïque ou révolutionnaire, c’est avoir mal saisi l’évolution des mentalités. Et, en Suisse, parmi d’autres indices, le résultat des élections fédérales du 21 octobre dernier. Où on ne peut pas franchement dire que la gauche idéologique, dans les urnes, ait brillé de mille feux.

  • Franz Weber, d'écorce arrachée



    Édito Lausanne FM – Mercredi 30.01.08 – 0803h



    Il arrive et parle, existe en plaidant, mais plaide-t-il vraiment ? Submergé de flots d’émotion, qu’il ne contient que partiellement. Franz Weber, 80 ans, et maintenant en combat contre les nuisances des F-18, c’est une vague, une marée, un maelström par lui-même débordé. S’arrêtera-t-il un jour ? – Jamais.

    Franz Weber a sauvé le site de Delphes, et, à ce seul titre, siège chez les immortels. La nature, les animaux : des vignes de Lavaux aux Baux-de-Provence, des chevaux sauvages d’Australie aux éléphants du Togo.

    Il nous a dit, hier soir, qu’il avait perdu sa mère à l’âge de 9 ans, qu’il avait dû fréquenter un home d’enfants, que la nature, dès ce moment, avait tenté de le consoler. « La nature est notre mère. Je ne veux pas perdre ma mère une seconde fois ».

    Franz Weber n’est pas un homme politique, c’est un romantique allemand. Après l’avoir quitté, hier soir, je suis allé ouvrir quelques poèmes, et j’ai pensé à lui : Novalis, mais surtout Hölderlin, qui, sans être littéralement romantique, a sublimé l’idée de nature, comme expression d’une intuition intérieure, d’un sentiment profond, archaïque. Oui, j’ai relu ce « Wie wenn am Feiertage », qu’un Jean Ziegler – eh oui – est capable de vous réciter par cœur. Weber, Ziegler : c’est peu dire qu’un lien puissant réunit ces deux fibres humaines. Ces deux-là, oui, sont d’écorce arrachée avant que d’être.

    Chez Weber, la foule des sentiments, la chaleur de cette résurgence, ces images entremêlées qui se pressent dans le verbe, cette ébullition un peu brouillonne, tout cela – qui chez d’autres serait signe de faiblesse – c’est sa force, sa nature.

    Franz Weber, un homme sur la Terre. Un homme jeté là, comme nous tous, un beau jour, trouvant reconnaissance dans le jeu de signes et de miroirs qu’il appelle « nature ». Il parle de l’innocence des animaux, mais il parle aussi de l’innocence des hommes. Il parle aussi du mal, lorsque atteinte est portée à cet espace sacré.

    Franz Weber n’est pas un politique, mais sans doute un religieux, au sens très large. Au sens où pouvaient l’entendre les Grecs, ou certains Indiens d’Amérique. La nature comme legs, comme ostensoir. Qu’il ait, parmi mille combat, choisi Delphes, ne trompe pas. Franz Weber ne protège pas seulement la nature, il cherche, en elle, le sens de la vie. A 80 ans, il est un homme qui se bat, il est un homme debout. Un exemple.

  • La puissance discrète de l'USAM



    Édito Lausanne FM – Mardi 29.01.08 – 07.50h



    USAM : Union suisse des arts et métiers. L’une des organisations professionnelles les plus importantes du pays, depuis des décennies. Il suffit d’avoir vécu quelques années à Berne, ou de fréquenter de temps à autre la Salle des Pas perdus du Palais fédéral, pour mesurer le poids de cette association, qui regroupe plus de 200 corps de métiers. Lobby, ourdisseur de lois en coulisses, sachant affûter le référendum pour se faire entendre, l’USAM est incontournable. Il suffit de penser à Pierre Triponez, l’un de ses dirigeants, qui aura marqué la Coupole fédérale de son pragmatisme et de son intelligence politique.

    Aujourd’hui, l’USAM est attaquée par l’UDC. On apprenait hier, dans le service de presse du parti, sous la plume du conseiller national argovien Lieni Füglistaller, une véritable OPA du parti de Christoph Blocher sur l’USAM, aujourd’hui en mains nettement radicales. « Ou l’USAM se dote d’une nouvelle direction et adopte une nouvelle culture, ou elle sera confrontée à une organisation concurrente et réellement combative ». Plus dur encore, Füglistaller parle d’organisation devenue gentillette et tombant dans l’insignifiance.

    L’UDC, par exemple, reproche à l’USAM sa position en matière d’assurance maternité. C’est son directeur Pierre Triponez, longtemps conseiller national radical du canton de Berne, qui est le père de ce projet, voté par le peuple. Un projet qui était, par l’intelligence de la négociation entre parties adverses, un modèle de réussite politique en Suisse. Brandir cet exemple comme objectif d’attaque, c’est, résolument, vouloir durcir une organisation dont tout le charme discret passe par le pragmatisme. C’est instaurer une forme de lutte des classes dans un monde plus attentif à la feuille comptable mensuelle qu’aux grandes idéologies. C’est un jeu dangereux, qui pourrait casser quelque chose d’essentiel en Suisse.