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Franz Weber, d'écorce arrachée



Édito Lausanne FM – Mercredi 30.01.08 – 0803h



Il arrive et parle, existe en plaidant, mais plaide-t-il vraiment ? Submergé de flots d’émotion, qu’il ne contient que partiellement. Franz Weber, 80 ans, et maintenant en combat contre les nuisances des F-18, c’est une vague, une marée, un maelström par lui-même débordé. S’arrêtera-t-il un jour ? – Jamais.

Franz Weber a sauvé le site de Delphes, et, à ce seul titre, siège chez les immortels. La nature, les animaux : des vignes de Lavaux aux Baux-de-Provence, des chevaux sauvages d’Australie aux éléphants du Togo.

Il nous a dit, hier soir, qu’il avait perdu sa mère à l’âge de 9 ans, qu’il avait dû fréquenter un home d’enfants, que la nature, dès ce moment, avait tenté de le consoler. « La nature est notre mère. Je ne veux pas perdre ma mère une seconde fois ».

Franz Weber n’est pas un homme politique, c’est un romantique allemand. Après l’avoir quitté, hier soir, je suis allé ouvrir quelques poèmes, et j’ai pensé à lui : Novalis, mais surtout Hölderlin, qui, sans être littéralement romantique, a sublimé l’idée de nature, comme expression d’une intuition intérieure, d’un sentiment profond, archaïque. Oui, j’ai relu ce « Wie wenn am Feiertage », qu’un Jean Ziegler – eh oui – est capable de vous réciter par cœur. Weber, Ziegler : c’est peu dire qu’un lien puissant réunit ces deux fibres humaines. Ces deux-là, oui, sont d’écorce arrachée avant que d’être.

Chez Weber, la foule des sentiments, la chaleur de cette résurgence, ces images entremêlées qui se pressent dans le verbe, cette ébullition un peu brouillonne, tout cela – qui chez d’autres serait signe de faiblesse – c’est sa force, sa nature.

Franz Weber, un homme sur la Terre. Un homme jeté là, comme nous tous, un beau jour, trouvant reconnaissance dans le jeu de signes et de miroirs qu’il appelle « nature ». Il parle de l’innocence des animaux, mais il parle aussi de l’innocence des hommes. Il parle aussi du mal, lorsque atteinte est portée à cet espace sacré.

Franz Weber n’est pas un politique, mais sans doute un religieux, au sens très large. Au sens où pouvaient l’entendre les Grecs, ou certains Indiens d’Amérique. La nature comme legs, comme ostensoir. Qu’il ait, parmi mille combat, choisi Delphes, ne trompe pas. Franz Weber ne protège pas seulement la nature, il cherche, en elle, le sens de la vie. A 80 ans, il est un homme qui se bat, il est un homme debout. Un exemple.

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