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  • L'universelle araigne



    Édito Lausanne FM – Mardi 15.01.08 – 07.50h



    La rigueur, la patience de l’araignée, la détermination, la précision. Ce sont les qualités, éminentes, d’un homme que la Suisse romande connaît peu, trop peu, Hans-Rudolf Merz, le ministre fédéral des Finances. La vraie révolution, depuis quatre ans, de la manière d’envisager la politique financière de la Confédération, c’est lui. Aussi efficace sur les lames de fond qu’il est retenu sur la forme. Merz n’est pas un lyrique. Tout au plus quelques pointes, quelques piques, beaucoup d’humour, la connaissance de six langues, et une grande culture.

    Alors, qui est-il, cet homme qui nous annonce aujourd’hui, dans le Temps, un excédent de plus de quatre milliards pour les comptes 2007 ? Avant tout, un libéral. Un homme du Freisinn, ce concept de philosophie politique et économique dont la NZZ est le temple, qui concilie liberté de pensée et responsabilité individuelle. Un homme qui croit aux vertus de la concurrence, avec toute l’extrême difficulté que comporte, à vivre au quotidien, l’acceptation de ce principe. Concurrence entre les entreprises, lutte contre les cartels, mais aussi concurrence fiscale, internationale et intérieure à la Suisse.

    C’est aussi un homme qui nous a tous pas mal choqués, par ses premières déclarations, au début de son premier mandat, entrant en matière sur la privatisation d’espaces qui, à nous Romands en tout cas, nous paraissaient d’essence régalienne, c’est-à-dire ne devant relever que du domaine de l’Etat. À la réflexion, il apparaît qu’il voulait surtout lancer des balises pour tester l’opinion publique. Reste, aujourd’hui, la seule chose qui compte pour un grand argentier : les résultats. Et il faut bien avouer qu’ils sont bons.

    Le grand défi de Merz, à court terme, c’est la votation fédérale du 24 février prochain sur la réforme de l’imposition des entreprises, où on notera au passage qu’il ravit le leadership de la réflexion sur les PME à Doris Leuthard. Il s’agit de vitaliser les petites et moyennes entreprises, qui constituent 95% du tissu économique de notre pays. En allégeant leur charge fiscale. Cette votation, dont le libellé a l’air technique, est totalement politique, et son enjeu est passionnant. De son résultat, dépendra la politique future de la Confédération pour ceux qui, jour après jour, se battent pour l’esprit d’entreprise, l’emploi, la prospérité du pays. En jeu aussi, la manière avec laquelle l’opinion publique suisse entrevoit le statut du petit entrepreneur. C’est, bel et bien, une votation-test, et Hans-Rudolf Merz, qui l’a compris, ne va cesser, dans les semaines qui viennent, de monter en première ligne pour convaincre.

    L’occasion pour nous, notamment en Suisse romande, d’accueillir pour des débats et de mieux connaître cet homme secret et efficace, solitaire, d’une arachnéenne opiniâtreté. Et qui pourrait bien, par la patience du celui qui tisse en sachant où il va, jouer un rôle central dans la nouvelle dynamique du Conseil fédéral.

  • Burkhalter le conquérant



    Édito Lausanne FM – Lundi 14.01.08 – 07.50h



    Il s’appelle Didier Burkhalter, il est conseiller aux Etats du canton de Neuchâtel, radical, c’est un homme apprécié, compétent et courtois. Pourtant, il vient de commettre, vendredi, dans les pages Opinions du Temps, l’une de ces amphigouriques aberrations dont l’actuelle direction de sa formation semble raffoler. Il déclare : « Je suis de l’avis qu’un parti ne devrait pas avoir pour but premier de gagner des électeurs à tout prix ».

    Diable. Je commence à comprendre. La voilà donc, la subtile, la colossale finesse des éléphants du grand vieux parti. La quintessence des tortueux contours de la pensée fulvio-pellienne, densifiée en quelques syllabes par l’un des chouchous des journalistes parlementaires, des gens du sérail, de ceux qui hantent le Palais fédéral, depuis tant d’années, sans en trouver la sortie.

    La phrase de Monsieur Burkhalter me fait penser à ces responsables d’émissions que personne ne regarde ou n’écoute, et surtout dont personne ne parle, et qui nous disent : « Surtout pas de course à l’audience ! ». Sur le fond, ils n’ont peut-être pas tort. Mais est-ce à eux de le dire ? Ne seraient-ils pas plus crédibles s’ils avaient, au moins, donné la preuve par l’acte qu’ils savent parler aux gens, conquérir quelques auditeurs ou spectateurs ?

    Venir d’un parti qui n’a pas franchement brillé dans ces élections fédérales, qui a totalement raté sa communication (alors qu’il aurait de vitales idées d’avenir à faire passer), et venir prôner la relative importance de la conquête des électeurs, voilà qui est assez plaisant. Monsieur Burkhalter est certes un homme de valeur, il m’arrive souvent de l’écouter sur les ondes. Et, tout aussi souvent, de ne saisir qu’à moitié la clarté de son message. C’est sans doute sa recette très secrète pour gagner.

    Gagner devant qui ? La seule ambition, apparemment, de Monsieur Burkhlater, c’est de s’imposer un jour, sans trop tarder, devant ses 245 collègues de l’Assemblée fédérale. Entre initiés, devenir un jour l’élu. Pour cela, en effet, point trop besoin de l’appétit de conquête des cœurs et des âmes du grand public. On fait de la politique entre soi, dans le sérail, comme sous la Quatrième République, dans le seul enclos parlementaire, qui est à la fois chambre d’échos, galerie des glaces et antichambre des ambitions. Avec de tels meneurs, je souhaite bonne chance à ce grand vieux parti qui, faute d’être encore grand, ne semble plus compter que sur quelques zestes de prudente vieillesse pour nous conquérir et nous séduire.


  • La pub ou les birkenstocks



    Édito Lausanne FM – Vendredi 11.01.08 – 07.50h



    Une télévision publique sans pub. C’est l’idée lancée cette semaine, pour la France, par Nicolas Sarkozy. Une idée vraiment très étrange, illustrant soit la totale méconnaissance des vrais mécanismes de l’audiovisuel par le président français, ce qui serait étonnant, soit quelque sourde volonté, de sa part, de se reconstituer un bon vieux fief de sons et de lumières bien à lui, ressusciter l’ORTF.

    Mais laissons la France. Et donnons raison à Gilles Marchand, le directeur de la TSR, lorsqu’il défend avec virulence, ce matin, la présence de publicité dans l’espace public suisse. Il la justifie, notamment, par les appétits des grands groupes étrangers sur un gâteau qui, de toute manière, existera toujours, et Dieu merci, tant qu’il y aura des entreprises désireuses de faire savoir qu’elles existent, et ayant encore un budget pour cela.

    Imaginer, une seule seconde, qu’une télévision serait meilleure sous prétexte qu’elle serait sans pub, c’est vivre dans un autre monde. Le monde d’une télé d’Etat, vivant de l’impôt, donc sous perfusion, toute corrélation entre son inventivité, sa puissance créatrice et ses revenus ayant été coupée. C’est la négation même de l’entreprise, la négation du risque, c’est le retour aux sandales et aux birkenstocks, dans les bureaux.

    Surtout, il faut en finir avec cette idée que la publicité serait le diable. Les annonceurs sont loin d’être des rêveurs. Ils n’ont aucun intérêt à investir en faisant jouxter leurs pubs avec des programmes de mauvaise qualité. Et puis, une chaîne télé, comme un journal, comme devrait l’être aussi une chaîne radio, c’est une entreprise commerciale. L’équipe qui la compose, tous niveaux confondus, doit en être consciente. Elle doit savoir que la vie est un combat, que rien, jamais, n’est acquis. Qu’on peut mourir à tout moment. Elle doit, aussi, connaître et analyser la concurrence, l’affronter, apprendre à gagner.

    Vous connaissez mes positions sur l’existence même, à terme, d’un mammouth de service public en Suisse, faisant financer par la redevance, par exemple, des séries américaines, ce qui m’échappe un peu. Je sais que cette option, pour l’heure, n’est pas majoritaire. Alors, tant qu’existent encore des télévisions publiques, de grâce, donnons leur les moyens d’exister vraiment. En attendant le jour, pas nécessairement si lointain, où une vraie concurrence, rompant avec les décennies régaliennes, permettra à l’audiovisuel suisse de faire émerger les meilleurs, dans la vérité des coûts, la vérité des mérites, la vérité des talents.