Édito Lausanne FM – Vendredi 11.01.08 – 07.50h
Une télévision publique sans pub. C’est l’idée lancée cette semaine, pour la France, par Nicolas Sarkozy. Une idée vraiment très étrange, illustrant soit la totale méconnaissance des vrais mécanismes de l’audiovisuel par le président français, ce qui serait étonnant, soit quelque sourde volonté, de sa part, de se reconstituer un bon vieux fief de sons et de lumières bien à lui, ressusciter l’ORTF.
Mais laissons la France. Et donnons raison à Gilles Marchand, le directeur de la TSR, lorsqu’il défend avec virulence, ce matin, la présence de publicité dans l’espace public suisse. Il la justifie, notamment, par les appétits des grands groupes étrangers sur un gâteau qui, de toute manière, existera toujours, et Dieu merci, tant qu’il y aura des entreprises désireuses de faire savoir qu’elles existent, et ayant encore un budget pour cela.
Imaginer, une seule seconde, qu’une télévision serait meilleure sous prétexte qu’elle serait sans pub, c’est vivre dans un autre monde. Le monde d’une télé d’Etat, vivant de l’impôt, donc sous perfusion, toute corrélation entre son inventivité, sa puissance créatrice et ses revenus ayant été coupée. C’est la négation même de l’entreprise, la négation du risque, c’est le retour aux sandales et aux birkenstocks, dans les bureaux.
Surtout, il faut en finir avec cette idée que la publicité serait le diable. Les annonceurs sont loin d’être des rêveurs. Ils n’ont aucun intérêt à investir en faisant jouxter leurs pubs avec des programmes de mauvaise qualité. Et puis, une chaîne télé, comme un journal, comme devrait l’être aussi une chaîne radio, c’est une entreprise commerciale. L’équipe qui la compose, tous niveaux confondus, doit en être consciente. Elle doit savoir que la vie est un combat, que rien, jamais, n’est acquis. Qu’on peut mourir à tout moment. Elle doit, aussi, connaître et analyser la concurrence, l’affronter, apprendre à gagner.
Vous connaissez mes positions sur l’existence même, à terme, d’un mammouth de service public en Suisse, faisant financer par la redevance, par exemple, des séries américaines, ce qui m’échappe un peu. Je sais que cette option, pour l’heure, n’est pas majoritaire. Alors, tant qu’existent encore des télévisions publiques, de grâce, donnons leur les moyens d’exister vraiment. En attendant le jour, pas nécessairement si lointain, où une vraie concurrence, rompant avec les décennies régaliennes, permettra à l’audiovisuel suisse de faire émerger les meilleurs, dans la vérité des coûts, la vérité des mérites, la vérité des talents.