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Liberté - Page 985

  • Immigration : le PLR ne manque pas de culot

     

    Sur le vif - Mercredi 08.10.14 - 16.49h

     

    Le PLR suisse ne manque pas d’air. Dans un communiqué diffusé cet après-midi, il affiche « la maîtrise de l’immigration » comme l’une de ses deux priorités, avec les bilatérales. Va pour ces dernières, où sa ligne est cohérente, et d’ailleurs sans doute majoritaire dans le pays. Mais l’immigration ! Dans le style récupération éhontée du thème identitaire d’un parti concurrent, le PLR pulvérise tous les records.

     

    Le parti qui ne cesse, depuis deux décennies au moins, d’avancer le thème de l’immigration, n’est évidemment pas le PLR, mais l’UDC. Le parti qui n’a cessé, sur ce thème, de combattre l’UDC, par exemple dans la campagne du 9 février 2014, c’est justement le PLR. Que demandait l’initiative « Contre l’immigration massive », acceptée par le peuple et les cantons à la grande fureur du PLR : précisément, une meilleure « maîtrise de l’immigration ». Ce texte, les gens du PLR, tout au long d’une campagne dûment stipendiée par le patronat, alias Économie Suisse, n’avaient cessé d’en dénaturer l’esprit, les uns parlant de « xénophobie », les autres nous annonçant l’asphyxie économique du pays.

     

    Ne refaisons pas la campagne. Chacun pense ce qu’il veut du 9 février. Mais au moins, appelons un chat un chat. Et sachons reconnaître l’original de la copie, la paternité du plagiat, la prise en compte d’un thème en amont, par rapport  à la récupération. Il y a, dans le parti appelé « PLR », deux composantes de philosophie politique. L’une, la composante radicale, a fait la Suisse moderne, construit et développé l’Etat, dessiné (avec d’autres, dont les socialistes) les contours de nos assurances sociales. L’autre, la composante libérale, malgré de grandes figures humanistes, ne peut pas s’enorgueillir d’un tel legs. Et surtout pas ce qu’elle est devenue depuis une trentaine d’années, apôtre de la dérégulation, casseuse de services publics, prosternée devant le Veau d’Or de l’Argent facile et de la spéculation. Vouloir faire cohabiter radicaux et libéraux au sein d’une même famille, c’est se heurter continuellement à une contradiction majeure, quelque chose de puissant autour du rôle de l’Etat, sur lequel ces deux courants divergent.

     

    Dans tous les cas, le PLR, en affichant la « maîtrise de l’immigration » comme l’une de ses deux priorités, fait preuve d’un culot inégalé dans la politique suisse depuis la guerre. Il pique à un parti concurrent l’un de ses thèmes existentiels. Les électeurs, le jour venu, sauront reconnaître l’original de la copie. Quant au PLR, tant qu’il n’aura pas réinscrit la République au rang de ses priorités, tant qu’il donnera le sentiment d’inféodation aux puissances de la finance, avec ses parlementaires commis-voyageurs des banques privées, des pharmas, ou du lobby des caisses maladie dans la Berne fédérale, il continuera de nager en eaux troubles. Dommage pour ce parti, du moins pour sa composante historique et républicaine, les radicaux.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Notre Lignon, fierté républicaine

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.10.14

     

    Dans un coin perdu des Alpes valaisannes, j’ai écouté avec bonheur, samedi 4 octobre, le reportage « Lignon : touche pas à ma cité ! », signé Francesca Argiroffo et Rino Muccigrosso, sur la Première. Avec justesse et pertinence, ces quinze minutes de radio nous ont rappelé à quel point notre Lignon, à Genève, n’avait rien à voir avec certaines de ces « cités » françaises où l’état de droit a abdiqué face à la violence et au communautarisme.

     

    Notre Lignon – j’utilise à dessein le possessif – se trouve être justement, depuis un demi-siècle, un exemple plutôt réussi de cohabitation. Les habitants y viennent d’un peu partout, les origines et les religions s’entremêlent, mais tout cela s’opère, dans les grandes lignes, sous le sceau du respect mutuel. Et cette attitude porte un nom, qui m’est particulièrement cher : la République.

     

    La République ne se confond ni avec la langue, ni avec l’ethnie, ni avec la classe sociale. Elle est, étymologiquement, l’affaire de tous. Elle promet aux minorités la protection. En contrepartie, elle exige de tous le respect de ses lois. Réduire l’image du Lignon à quelques commentaires stupides sur une vidéo suite à l’incendie de l’église catholique, c’est foutre en l’air des décennies de travail social dans cette cité. C’est un comportement irresponsable. Le Lignon, notre Lignon, mérite mieux.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Des Etats généraux, à en perdre la tête

     

    Sur le vif - Mardi 07.10.14 - 16.38h

     

    A Genève, le dernier must, la mode dernier cri, n’est plus de prendre des décisions, mais de convoquer des états généraux. Ça fait très Versailles, 8 août 1788, où sans doute pour fêter la déferlante de « 8 » dans la date, Louis XVI, cédant aux pressions, avait fini par appeler à siéger une instance qui ne s’était plus réunie depuis… 1615. Eh oui, 173 ans auparavant ! La suite, on la connaît : les Etats se réunissent le 5 mai 1789, le Tiers fait des siennes, le Jeu de Paume défie les baïonnettes, la Révolution française commence.

     

    Nous avons, à Genève, nos petits Louis XVI. Oh, ils ont encore la tête sur les épaules, sont sans doute moins portés sur la serrurerie, n’ont pas à côtoyer l’Autrichienne amatrice de brioche. Mais tout de même. Cette furie des états généraux ! Etats généraux des transports, Rencontres du logement, états généraux de la détention et de la probation (si, vous avez bien lu), tout n’est plus chez nous qu’Assises, échanges, écoute. Les ministres ne gouvernent plus : ils prêtent l’oreille. Avec usure, of course.

     

    Il y a, dans cette mode, une posture. Celle de se prétendre bon prince, en phase avec le terrain, au diapason de la population. Tout, dans l’acte politique, ne serait que procédure de consultation permanente, confession sucrée de l’âme des peuples. On consulte, on fait la synthèse, on brasse, on touille, on assaisonne, et on sert au public à peu près ce qu’il demande.

     

    Telle n’est pas ma conception de l’action publique. La seule « écoute » qui vaille, en démocratie, n’est pas celle de la doxa (l’opinion), mais bien celle du démos : tenir compte du peuple, non lorsqu’il susurre ou murmure, mais lorsqu’il décide. Le peuple en armes, ça n’est pas le peuple qui pérore, mais celui qui vote et qui tranche. Or justement, ce sont souvent les mêmes princes qui, tout appliqués au semblant de l’écoute, sont les premiers à ignorer les décisions du suffrage universel, en freinant au maximum leur application.

     

    Transports, logement, détention : dans les deux premiers ministres concernés, je ne m’étonne pas de la démarche. Elle traduit le populisme sympathique, centriste et attrape-tout (à commencer par l’électeur) du premier, la légèreté du deuxième. Il me plaît moins de découvrir la posture chez le troisième, radical régalien frotté aux dimensions d’exigence de l’ascèse républicaine. Mais sans doute a-t-il cédé là à une mode aussi passagère que l’automne, celle des ultimes et flamboyantes couleurs, pour mieux conjurer l’imminence du frimas. Juste avant les Révolutions, n’est-il pas délicieux de s’imaginer éternel ?

     

     

    Pascal Décaillet