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Liberté - Page 989

  • PLR : la fusion est un échec

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 10.02.15

     

    Il y a eu, dans l’Histoire de la Suisse moderne, un très grand parti. Il a jeté les bases de notre pays, inventé notre système politique, lancé la Suisse industrielle et financière, percé nos grands tunnels, donné naissance aux grandes écoles, largement contribué à la mise en place de nos assurances sociales. Il s’appelait le parti radical. Issus, en matière politique comme dans le domaine économique, de l’Europe des Lumières, porteurs de l’héritage de la Révolution française, on a commencé, au début du dix-neuvième siècle, par les appeler « les Républicains ». Ils étaient adeptes du « Freisinn », le libre arbitre, au sens philosophique très large. Ils aimaient passionnément l’Etat, l’institution, mais aussi l’industrie, le travail, le progrès. Toute l’Histoire de la Suisse, de 1848 (voire déjà 1798) à aujourd’hui, ce fut la leur. Leur construction. Leur œuvre. Jusqu’à une époque récente. Jusqu’à, hélas, leur fusion avec les libéraux.

     

    Les libéraux, c’est aussi une tradition très intéressante. Mais seulement dans trois cantons : Genève, Vaud, Neuchâtel. Aussi un peu Bâle-Ville. C’est tout. Aucune dimension nationale. Aucun rôle important sur le plan fédéral. Mais assurément, dans ces trois cantons-là, un rôle majeur, à la fois patricien, culturel, identitaire. Une très grande richesse d’individus : Olivier Reverdin à Genève, Jean-François Aubert à Neuchâtel, tant d’autres. Un rôle très attaché à la dimension cantonale de la politique : les libéraux ont longtemps été les idéologues, ô combien talentueux, du fédéralisme. Assurément une belle lignée politique, qui aura marqué nos dix-neuvième et vingtième siècles, en Suisse romande.

     

    Seulement voilà, la greffe a été une erreur.  Les conceptions du monde ne sont simplement pas les mêmes. Les radicaux, parti d’Etat. Les libéraux, entièrement construits autour de l’idée de réussite individuelle. On ne mélange pas impunément ce qui ne se marie pas. Les radicaux, parti de l’industrie. Les libéraux, parti de la finance. Les radicaux, très attachés à la dimension confédérale de la Suisse. Les libéraux, chantres des cantons comme Etats, les plus souverains possibles à l’intérieur du pays. Les radicaux, parti de dimension nationale, présents dans tous les cantons. Les libéraux, ultimes repaires de la résistance patricienne à Genève, Vaud et Neuchâtel. Dès le départ, quelles que fussent les bonnes volontés, le mariage n’avait aucune chance. C’était comme importer du cassoulet dans l’ambiance éthérée d’un salon de thé.

     

    A Genève, malgré les louables efforts de tous, la fusion est un échec. Aux élections de l’automne 2013, le PLR, nouveau groupe au Grand Conseil, a essuyé une perte sèche par rapport à l’addition des deux députations de naguère, la libérale et la radicale. Surtout, l’influence politique de la famille recomposée, certes encore importante, est en perte de vitesse. Sa lisibilité aussi. Ses grandes figures sont en recul. Oh, ils leur reste de beaux jours, ils vont encore placer l’un des leurs – un libéral – à la tête de la FER (Fédération des Entreprises Romandes), on n’a pas fini d’entendre parler d’eux. Mais le déclin commence à poindre, inexorable. La fusion, assurément, y aura été pour beaucoup. Ils n’aiment pas qu’on le dise. C’est pourtant la réalité.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Genève : un léger parfum de surpopulation

     

    Sur le vif - Vendredi 13.02.15 - 16.02h

     

    C’est mon confrère Jean-François Mabut qui relève les toutes dernières statistiques : la population genevoise a augmenté de 8334 personnes l’an dernier, plus de 1,8%, un record. C’est le taux de croissance le plus élevé depuis les années soixante, que j’ai connues enfant : elles étaient celles du baby-boom, de l’arrivée massive de travailleurs immigrés, de cités satellites qui poussaient comme des champignons, et avec elles les écoles d’André Chavanne. Aujourd’hui, Genève flirte avec le demi-million de résidents, assurément dépassé si l’on inclut, notamment, les sans-papiers. Officiellement, 482'545 résidents déclarés. Un chiffre encore, dont je doute qu’il soit comparable dans n’importe quelle agglomération sur le continent européen : le canton de Genève compte 41,3% d’étrangers. La Ville, davantage. Ces chiffres ne comptabilisent pas les mouvements pendulaires, soit les dizaines de milliers de passages quotidiens de la frontière, pour venir travailler sur Genève, puis repartir le soir.

     

    A-t-on le droit de s’interroger sur cette explosion démographique sans se faire immédiatement taxer de xénophobe ? Est-il encore permis de considérer comme enjeu majeur la régulation de la croissance démographique dans notre canton ? Ose-t-on encore émettre des doutes sur la pertinence du volontarisme immigrationniste de nos autorités, notamment depuis l’entrée en vigueur, en 2002, de la libre circulation des personnes ? Ou alors, faut-il accepter les grands principes de M. Longchamp en enfouissant la tête sous le sable, et en attendant qu’un jour, par aventure, cette croissance veuille bien se calmer ?

     

    Car les statistiques sont claires : depuis des années, ce sont bien les « migrants » qui font monter la courbe. On en pensera ce qu’on en voudra, ce sont les chiffres, c’est un fait. Et c’est surtout, le résultat d’une politique : celle de M. Longchamp et de son idéologie cristallisant comme un dogme la notion de libre circulation. Qu’il faille des échanges, nous sommes tous d’accord : il ne s’est jamais agi une seconde de fermer les frontières. Qu’il faille accueillir l’Autre, le reconnaître pleinement, se garder de tout dénigrement, d’accord aussi. Mais on a le droit, et sans doute aussi le devoir, de poser la question, calmement, respectueusement, de l’avenir démographique d’un canton dont chacun sait qu’il est tout, sauf extensible. Quant à nos frontières, n’en déplaise à M. Longchamp et à son discours de Saint-Pierre, il ne s’agit pas, tel Richelieu dans le conflit avec l’Espagne et avant la Paix des Pyrénées, d’envisager celles qui nous seraient « naturelles » (oh, le dangereux concept, bonjour la Vistule et le Niémen), mais de respecter celles qui sont en vigueur aujourd’hui. On pourrait imaginer que le respect des frontières de la Suisse fasse partie du cahier des charges du Président du Conseil d’Etat genevois.

     

    Poser la question démographique, ça n’est pas rejeter l’Autre. Loin de là. C’est envisager l’avenir avec d’autres critères que la simple application dogmatique de la libre circulation. Par exemple, la qualité de vie dans le canton, le respect de l’environnement, celui de notre sol et de notre hydrographie, et jusqu’à l’aménagement du paysage, lequel ne doit pas relever du hasard, ni de l’entassement, mais d’une volonté d’urbanisme  humaine, imaginative, au service de la population résidente. Le 9 février 2014, le peuple et les cantons n’ont aucunement dit non à l’altérité, aucunement rejeté la mixité. Ils ont juste demandé qu’on se calme un peu. Et que l’on régule. Pas la fermeture des frontières : la ré-gu-la-tion ! Genève est un canton suisse. Elle devra aussi prendre sa part dans la mise en œuvre de cette volonté populaire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Préférence nationale

     

    Sur le vif - Jeudi 12.02.15 - 15.31h

     

    Nous l’avons écrit hier ici même, le Conseil fédéral commence enfin à aller dans le bon sens en mettant en consultation les premiers contingents exigés par le souverain le 9 février 2014. Entre cette décision et ce qu’il faudra négocier avec Bruxelles, la voie sera très étroite. Mais il n’y a pas que la diplomatie. Il n’y a pas que l’extérieur. Il n’y a pas que notre image. Il y a l’essentiel, qui est de l’ordre de la politique intérieure : après des années d’immigrationnisme, des années de libre circulation dont on aimerait bien savoir à qui elle a profité en priorité, des années où un certain patronat a exagérément profité de l’ouverture des frontières (pour des bénéfices bien timidement redistribués), c’est dans une nouvelle ère que la politique économique suisse doit entrer.

     

    De grâce, qu’on ne vienne pas nous parler d’une ère de la fermeture : il ne s’est jamais agi de fermer les frontières. Mais une ère de retour à une certaine régulation, oui. Disons, le curseur déplacé dans ce sens. Une ère de valorisation du marché intérieur. Une attention beaucoup plus soutenue aux demandeurs d’emplois suisses, ou tout au moins résidents. Une main tendue aux plus faibles, aux plus délaissés de notre communauté nationale. Une vraie collaboration, enfin, avec les offices cantonaux de placement, pour éradiquer le chômage. Cela, principalement dans un canton comme Genève : trop de chômeurs (record suisse), trop de personnes à l’assistance. Dans le même temps, des dizaines de milliers de passages quotidiens de la frontière. Faut-il être grand clerc pour déceler que quelque chose ne va pas ?

     

    Fallait-il vraiment qu’un nouveau parti, sur la scène depuis une décennie, fût si longtemps le seul à le dénoncer, tandis que MM Longchamp & Cie persistaient dans leur dogme de la libre circulation à tout prix, avec leur Grand Genève, leur arrogance, leur sanctification de l’immigration? Fallait-il que le PLR suisse, main dans la main avec le grand patronat (cf. campagne du 9 février 2014), s’obstinât, à n’en plus finir, à nous chanter les louanges de l’ouverture des frontières, le Tessin étant exsangue, de nombreux Genevois délaissés, des milliers de résidents au chômage, l’emploi donné à des personnes venues de l’étranger ? Non, il fallait une réaction venue d’en bas, elle était inévitable : ce fut le 9 février 2014.

     

    Aujourd’hui, en dégageant absolument ces deux mots de la paternité et du contexte sémantique de ceux qui, Outre-Jura, furent les premiers à les énoncer, en demeurant dans le total respect des personnes et des peuples, il n’est pas inopportun de parler, en matière d’emploi, de préférence nationale. Cela n’a strictement rien d’incongru : l’écrasante majorité des pays de la planète la prônent et l’appliquent ! Rien de plus normal, pour n’importe quelle communauté humaine ayant établi des règles au sein d’un espace délimité, que de songer en priorité à la prospérité des siens. Il n’y a là nulle xénophobie, nul rejet de l’Autre en tant que tel. Vous avez déjà essayé d’aller travailler en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis ? La Suisse a le droit, comme n’importe quel pays au monde, de contrôler ses flux migratoires. Et de favoriser ses résidents sur le marché de l’emploi.

     

    Seulement voilà, il y a le grand patronat. J’insiste, « le grand », et encore pas tous. Mais enfin, il y a certains milieux, dans ce pays, chez qui on aimerait que l’idée de patriotisme économique recommence à signifier quelque chose. Eh oui, l’économie, sa vitalité, ses prises de risques, son inventivité, sa puissance combative, tout cela au service de l’humain. Au service, avant tout, des hommes et des femmes qui sont là. Et non au seul service du profit et des actionnaires. Point n’est besoin d’être de gauche pour aspirer à cela ! Mais soucieux du corps social, oui. Attaché aux grands équilibres qui permettent à la société suisse de vivre bien, dans le respect mutuel, en mettant l’accent sur la qualité du développement commun. La Suisse est un tout petit pays. Une petite fleur fragile. Il faut la cultiver avec douceur. Le respect du terreau y compte pour beaucoup. C’est notre tâche à tous, citoyenne, fière et fraternelle.

     

    Pascal Décaillet