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Pour la Grèce, voyez Gauchebdo

 

Sur le vif - Vendredi 27.02.15 - 19.21h

 

Les journaux, j’en ai lus dans ma vie des dizaines de milliers, dès l’enfance. Et je continuerai, sur papier ou sur écran, nulle importance. Je continuerai à lire des papiers, des chroniques, de l’écrit, du bien torché, de l’envoyé. Plus le journal est engagé, plus il me plaît. Encore dois-je préciser une chose, essentielle : « engagement » n’est pas nécessairement couleur politique. Mais angle. Clef de lecture personnelle. Eclairage. Valeur ajoutée. Et surtout, ce qui me touche le plus : la dimension de solitude. J’ai beaucoup écrit sur celle d’un Péguy, d’un Léon Bloy. L’homme qui tient la plume est un homme seul. Il ne peut être que cela. Il peut bien sûr avoir une famille, des amis, je le lui souhaite. Mais face à l’acte d’écrire, il est seul.

 

Ces valeurs, que je tiens pour cardinales dans le journalisme, je les retrouve dans Gauchebdo. Le numéro 9, daté d’aujourd’hui (27 février 2015), je viens de le dévorer d’une traite. Il est, une fois de plus, d’une qualité remarquable. Par les sujets choisis. Les angles traités. L’originalité des approches. Le fumet de résistance et de solitude, mais aussi paradoxalement de fraternité, qui se dégage de l’ensemble. Je pense souvent à la communion invisible des lecteurs de ce journal, ce bout de papier les rassemble toutes les semaines, il y a là quelque chose de puissant. Loin des salons mondains (dans la plurielle acception de cet adjectif) que sont les réseaux sociaux, ces labyrinthes en forme de palais des glaces, mais désespérément clos, voilà huit pages de papier qui soudent les âmes.

 

Prenez la Grèce. Celle de Tsipras. L’un des enjeux les plus importants, les plus lourds de sens, du destin européen contemporain, l’autre étant évidemment ce qui se passe entre l’Ukraine et la Russie. Dans le numéro d’aujourd’hui, plusieurs pages sur ce qui se passe dans ce pays. Reportage à Perama, dans la banlieue populaire d’Athènes, cité ouvrière, taux de chômage très élevé. On y entend la voix des gens, leurs angoisses, leurs espoirs. Reportage tiré de l’Humanité : et alors ? N’est-ce pas là un très grand journal, ne fut-il pas fondé en 1904 par un certain Jaurès ? Et puis, un autre reportage, dans l’une des villes qui me sont les plus chères dans ce pays : la cosmopolite et fascinante Thessalonique, où un collectif citoyen a réussi à bloquer la vente de la distribution publique des eaux au groupe français Suez. Tout cela, dans Gauchebdo d’aujourd’hui, est exposé, raconté.

 

J’aime Gauchebdo, pour les mêmes raisons que celles qui me font, de plus en plus, détester (à la capitale exception du cahier littéraire de la NZZ du samedi, et celui de la Frankfurter Allgemeine) les suppléments culturels de nos bons journaux romands. Dans ces derniers, malgré de belles plumes, règne un parfum de promotion et d’obédience aux modes du temps. Dans Gauchebdo, un goût de silex qui ressemble à l’idée de résistance. Et cela, jusque dans l’écriture, se transmet. Ainsi, pour l’expérience grecque, que pour ma part je suis avec passion, voyez Gauchebdo. On n'y parle ni de Mme Merkel, ni de son ministre des Finances, ni de la Banque mondiale, ni du FMI, ni de la Banque centrale européenne, ni de l’échelonnement de la dette. On y parle d’un peuple. On y perçoit son souffle, sa langue, ses souffrances. Et quelque part, dans ce pays de lumière, l’étincelle de l’espérance. Merci, Gauchebdo.

 

Pascal Décaillet

 

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