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Liberté - Page 965

  • Candidature Loretan : bienvenue, M. Passepartout !

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    Sur le vif - Vendredi 29.05.15 - 16.07h

     

    Raymond Loretan, 60 ans, sera donc le candidat du PDC genevois au Conseil des Etats. Dans la stratégie de la droite genevoise pour tenter d’attaquer le bastion de gauche à la Chambre des Cantons, c’est un bon choix : je connais M. Loretan depuis de longues années, nous étions à Berne en même temps, lui comme conseiller personnel de M. Koller puis comme secrétaire général du PDC suisse, moi comme correspondant parlementaire. C’est un homme de valeur, intelligent, polyglotte, connaissant très bien la Suisse : sous les lambris des Etats, il serait parfaitement à son aise.

     

    Donc, M. Loretan a parfaitement le droit d’aspirer à siéger au Stöckli, et le PDC genevois, celui de l’envoyer dans ce combat. Mais il se trouve qu’il est aussi président de la SSR. Et que nous sommes à dix-sept jours d’une votation très importante concernant cette institution. Peut-on, pendant ces dix-sept jours de campagne, demeurer à la tête de la SSR, en s’étant dévoilé comme candidat ? La question se pose. M. Loretan remet certes son mandat le 22 juin, dont acte. Disons qu’il aurait pu – ou dû – le remettre avec effet immédiat, pour clarifier les choses.

     

    Mais l’important n’est pas là. Ce qui frappe, c’est à quel point cette double casquette pendant dix-sept jours, président et candidat d’un parti aux Chambres fédérales, semble sans problème passer la rampe dans l’opinion, dès lors qu’il s’agit du PDC. Car enfin, imaginez que, dans n’importe quel canton suisse, tiens disons Zurich, le président en exercice de la SSR se fût porté candidat UDC aux Etats. Je vous l’affirme : dans les minutes qui suivaient, un concert de protestations s’élevait, pour demander sa démission immédiate de l’institution. Je dis cela pour l’UDC, mais il est bien possible que si notre homme avait été socialiste, ou même PLR, les voix auraient aussi grincé.

     

    Seulement voilà, le PDC, c’est le parti Passepartout, pour reprendre le nom de ce sympathique héros de Jules Verne. Être PDC, dans la tête des gens, c’est presque comme si on ne faisait pas de politique. C’est tellement centriste, gentil, accommodant, poli et policé, ça fait tellement partie du paysage institutionnel, que ça passe. Partout.

     

    Pourtant, le PDC suisse est un parti comme un autre. Son Histoire (sur laquelle, comme vous savez, j’ai pas mal écrit, notamment les années de résistance des catholiques conservateurs, entre 1848 et 1891) est passionnante. C’est un vrai parti, avec de belles figures, une idéologie politique bien précise. Bref, le PDC est un parti, autant que l’UDC. Autant que les socialistes. Autant que le PLR. Il se partage d’ailleurs le pouvoir avec un d’entre eux depuis 1891, deux d'entre eux depuis 1930, trois d'entre eux depuis 1943.

     

    Le problème, ça n’est donc pas la candidature de M. Loretan. C’est l’aspect passe-partout de son parti, cette capacité à passer entre les gouttes de la critique : tout ce qui vient du PDC semble normal. Voilà donc la candidature passe-partout de M. Passepartout. Quelque part, dans cet éther de notre ciel politique qui semble – sans doute par le fruit d’un miracle – échapper par nature à toute turbulence. Comme les deux héros de Jules Verne, quelque part dans le ciel du monde, dans la douce tiédeur de leur Montgolfière.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Voir Annemasse et jouir

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    Sur le vif - Mercredi 27.05.15 - 16.26h

     

    Officiellement, la future liaison ferroviaire appelée « CEVA » a une fonction : relier Cornavin à Annemasse, en passant par les Eaux-Vives, non sans avoir tournicoté aux quatre coins de Genève. Officieusement, ce chantier gigantesque, aubaine pour les gens du gros œuvre, en a une autre, que nous avons personnellement plaisir à souligner ici depuis des années : avoir servi de catalyseur aux partis gouvernementaux pour faire réélire les leurs aux élections cantonales de l’automne 2009. Pour être dans le coup, il fallait être Pro-CEVA. Les anti-CEVA, c’était la Marge.

     

    Si vous étiez Pro-CEVA, un tapis jonché de fleurs parfumées vous était déroulé pour la législature 2009-2013, tiens la présidence du Grand Conseil, par exemple. Si vous étiez du Bois, du Bâtiment, si vous arboriez le Tablier de Constructeur, c’étaient quatre années magnifiques qui vous attendaient : les honneurs, les courbettes, les adoubements, les compliments. Si, par malheur, vous faisiez partie en 2009 des opposants à ce projet, alors vous alliez avoir 48 mois pour le payer. On allait vous traiter de pisse-vinaigre et de peine-à-jouir, de gâche-métier, de Gueux. Oui, toute cette législature 2009-2013, avec des Verts si prompts à collaborer avec le Bourgeois, tellement heureux de leur importance « dans les Commissions », au « Bureau », sans parler du « Perchoir », ultime achèvement des carrières arrangeantes et silencieuses, tout cela aura encensé le Pro-CEVA, ostracisé l’Anti.

     

    Alors voilà, aujourd’hui, c’est l’air de rien, en sifflotant, par Pravda Bleue interposée, qu’on nous murmure, sous un titre d’une complicité pulvérisant le mur du ridicule, l’existence d’un dépassement de crédit de 40 millions. « Pour éviter les ratés, style Bel-Air ou Cornavin ». Certes, un esprit aventureusement sceptique pourrait se risquer à objecter que le réaménagement de ces places, on aurait éventuellement pu l’intégrer dans la réflexion d’avant la votation de 2009. Mais bien sûr, immédiatement, ledit esprit se verrait taxé de rabat-joie, mauvais coucheur, perdant de pacotille.

     

    Donc, nous ne dirons rien. Nous nous tairons. Et puis, pour notre part, avouons-le : nous nous réjouissons tellement de ce jour, béni entre tous, où nous pourrons prendre le train de Cornavin, pour tenter l’immortel voyage de nous rendre en Annemasse. Ce jour-là. Il n’y aura plus ni Marge, ni Gueux, ni Tablier d’honneur, ni Murailles de Fraternité. Non, il n’y aura plus que l’extase de l’ultime voyage. Un aller-simple nous suffira. Le retour, ce sera pour une autre vie.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tous esclaves, tous Hébreux !

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    Sur le vif - Lundi 26.05.15 - 16.11h

     

     

    Quelqu'un pourrait-il gentiment expliquer aux huiles du DIP que le Chœur des Esclaves, dans Verdi, n'est pas - du moins à notre connaissance - composé d'esclaves professionnels, mais de choristes qui jouent les esclaves, entonnent un air d'esclaves, écrit sur une partition?

     

     

    De même, il n'est pas dit que pour chanter dans le Chœur des Hébreux, l'appartenance à la religion juive soit obligatoire.

     

    Ou encore, les Pèlerins qui entrent dans le Wartburg, chez Wagner, ne font pas chaque jour, entre deux représentations, le trajet de Rome à pied.

     

    Je doute également que la Traviata meure vraiment chaque soir sur scène.

     

    Donc, poliment leur dire que chanter une prière chez Britten, ça n'est pas encore prier.

     

    Cela s'appelle une fiction. Cela s'appelle une démarche artistique. Cela s'appelle une distance. Cela s'appelle de l'art.

     

    Ignorer cela, au plus haut niveau de quel Département ? Hélas, hélas, hélas : celui-là même, justement, dont on attendrait qu'il sensibilise les élèves à ce qu'est un rôle, une représentation, une mise en scène.

     

    Parce que les initier à cela, c'est justement les arracher à l'enfantine cruauté d'une nature qui nous fait prendre les sorcières des films pour de vraies sorcières, les bandits pour des bandits. Riche de cette initiation, on décapitera moins l'infidèle. On brûlera moins les livres. Et peut-être, allez rêvons, on se laissera moins tétaniser par une petite clique qui, à Genève, est entrée en laïcité comme d'autres en religion.

     

    Pascal Décaillet