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Liberté - Page 967

  • Pour une démocratie directe inventive, créatrice et dérangeante

     

    Sur le vif - Dimanche 04.01.15 - 17.24h

     

    Mon vœu le plus cher, pour mon pays en 2015, est celui d’une démocratie directe vivante et inventive, qui continue de permettre au plus grand nombre (quatre millions de votants potentiels) de faire valoir ses vues. Par exemple, par le biais d’initiatives populaires. Non seulement ces dernières ne sont pas de trop, comme on essaye de nous le faire croire, mais elles donnent au corps électoral de l’ensemble des citoyens l’occasion de s’exprimer sur des sujets que les élus parlementaires ont négligés. Au final, le souverain tranche. Il dit oui ou non, oui au 9 février, non à Ecopop. Il arbitre plutôt sagement, je trouve, instinctivement garant de l’équilibre des décisions, sur le long terme. Ce suffrage universel vaut tous les corps intermédiaires, toutes les assemblées de notables, toutes les cléricatures d’intérêts, tous les lobbys de l’économie et de la finance.

     

    En 2015, je plaiderai encore et toujours pour un système où le suffrage universel prime sur les décisions parlementaires, par exemple par l’usage du référendum. Les élus, dans les Grands Conseils cantonaux ou aux Chambres fédérales, sont là pour faire des lois et contrôler les exécutifs (c’est déjà une vaste et noble tâche). Ils ne sont pas là pour s’approprier la parole politique, monopoliser un débat qui doit, tout au contraire, être celui de la totalité des citoyennes et citoyens de notre pays.

     

    L’initiative et le référendum ne sont pas absolument pas des corps étrangers à notre démocratie, des intrus, comme on tente de l’accréditer. Ils en font totalement partie. Ils sont dûment prévus et codifiés dans notre ordre constitutionnel. Ces droits extraordinaires, que tant de voisins nous envient (à commencer par nombre de nos amis français, fatigués de ce système où tout vient d’en haut), ne s’usent que si on ne s’en sert pas. Chaque fois qu’on en fait usage, au contraire, c’est la vitalité de notre pays qui en sort gagnante : nos quelque quatre millions de citoyennes et citoyens sont largement assez mûrs, assez adultes pour discerner le bon grain de l’ivraie. Pourquoi leur intelligence collective aurait-elle moins de bon sens, d’instinct de l’intérêt supérieur du pays, que celle de 246 élus fédéraux ?

     

    Les droits populaires, en Suisse, sont de plus en plus attaqués par la classe et la caste politique, le lobby des élus qui n’a jamais pu supporter cette concurrence du suffrage universel. Ils ont tort. Il s’agit pour le corps des citoyens de le leur signifier. En leur rappelant qu’ils ne sont là que pour deux choses (faire des lois, qui d’ailleurs peuvent être corrigées en référendum, et contrôler l’action du gouvernement). Qu’ils le fassent déjà, ce boulot, plutôt que de tournicoter entre eux dans un jeu de miroirs autiste et consanguin. Le leur signifier, aussi, en faisant vivre par l’exemple le droit d’initiative et de référendum : en Suisse, le débat politique appartient à tous les citoyens, il n’a pas à se laisser confisquer par les seuls parlementaires.

     

    J’invite mes concitoyens à la plus grande méfiance face au discours visant à discréditer notre démocratie directe. Partout en Europe, les peuples se réveillent. De France, d’Allemagne, on se prend à imaginer des systèmes qui, tout en respectant le génie propre à chacune de ces nations, permettent aux citoyens d’influencer davantage, d’en bas, la prise de décision politique. En France particulièrement, le corps des citoyens n’est convoqué aux urnes que pour élire, très rarement pour décider sur des sujets thématiques. Lorsque c’est le cas, le débat est dévié par un plébiscite, pour ou contre le président en place. Lorsque le peuple, comme en mai 2005, dit non au Traité européen, on lui dit qu’il n’a rien compris, mal voté, et on tarabiscote le système pour imposer autrement le Traité. Cela, les Français en ont assez. Le pouvoir citoyen, dans les années qui viennent, ils risquent d’être amenés à l’exiger plutôt durement : nous sommes peut-être à l’aube, dans ce pays, d’un bouleversement en profondeur – et dans la douleur – du système.

     

    Pour l’heure, nous Suisses, vivons notre démocratie. Jetons-nous dans le débat d’idées, n’en laissons en aucun cas le monopole aux élus, déposons des textes qui suscitent la discussion dans l’ensemble du pays. N’ayons pas peur de secouer une classe politique qui brille trop souvent par sa léthargie. Décidons des grands contours de notre destin à l’échelle de quatre millions. Laissons nos élus faire des lois, contrôler les gouvernements et les administrations. Mais le débat politique doit être le nôtre. Celui des plus de quatre millions de citoyennes et citoyens de cette magnifique démocratie. A tous, je souhaite une année politique vivante, inventive, surprenante et dérangeante.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le pitoyable "avertissement" à Rémy Pagani

     

    Sur le vif - Lundi 22.12.14 - 16.57h

     

    Attendre le 22 décembre, trois jours avant Noël, la trêve des vacances ayant déjà commencé, pour publier, comme en catimini, un petit chef d’œuvre de tartufferie où l’attaque politique se camoufle sous la terminologie des juristes de la Couronne. Tel est le procédé dont vient d’user, face à Rémy Pagani, le président du Conseil d’Etat François Longchamp. L’homme qui s’ennuie. L’homme qui trompe cet ennui par de petits procédés bien tatillons, un jour contre les Communes, le lendemain contre un adversaire politique de son parti en Ville de Genève. L’homme qui règne par l’administratif. Président pour cinq ans, mais secrétaire général à vie.

     

    Il faudrait faire lire à haute voix, par quelque héraut, dans les écoles, le communiqué présidentiel publié aujourd’hui à 14h, pour que puisse s’en dégager toute la puissance de vengeance du pouvoir face à un opposant, par la voie dite « administrative », lorsque politiquement on n’arrive plus à en faire façon. Comme dans l’affaire des Communes, cet automne, le président régit et régente, brandit le triangle parfait, définit le cadastre. Bref, il administre.

     

    Et il est malin, en plus. Il sait que toute la droite, nettement majoritaire dans ce canton, sera heureuse de voir M. Pagani, sa bête boire, sanctionnée. Le grand régisseur aura de son côté la raison administrative, celle du convenable, l’appui des moutons de son groupe parlementaire. Laissons-les, ces Bienheureux, s’auto-congratuler. N’attendons que ce jour de mai qui verra le second tour des élections municipales. Et nous verrons bien, ce jour-là, ce que pense le peuple souverain de M. Pagani.

     

    Pour ma part - mais je ne suis qu'un citoyen de la Ville parmi des milliers d'autres - je veux dire ici, bien que je ne partage pas ses options politiques, ma confiance dans le magistrat Pagani, et ma reconnaissance pour son engagement en faveur de la Cité.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Mes voeux pour Genève

     

    Publié dans GHI - 22.12.14

     

    A part de sérieux problèmes de circulation et un manque cruel de logements, Genève ne se porte pas si mal. La ville est magnifique, aussi belle sous le soleil que romanesque sous la pluie, le niveau de vie est élevé, une démocratie vivante nous amène à régulièrement nous engueuler entre nous, ce qui est très sain, et fait du bien. Il fallait d’abord dire cela, poser le constat de ce bonheur de vivre en comparaison internationale, avant d’émettre pour 2015 des vœux d’amélioration. Oui, Genève est une ville heureuse dans un canton heureux. Ce qui devrait justement amener ceux d’entre nous qui en profitent à davantage d’attention pour les oubliés de cette prospérité. Notre canton en compte : en cette période de Fêtes, pensons à eux.

     

    Mon vœu principal leur sera donc destiné. Dans un canton où le salaire moyen (ou le revenu moyen, pour ceux qui, comme les indépendants, ne touchent pas de salaire) est aussi élevé, la solidarité et la répartition s’imposent face aux plus démunis. Non comme une aumône ! Mais comme l’exercice normal d’une redistribution républicaine. Car enfin, quel sens donner à sa vie, si on la gagne correctement, et qu’on tombe autour de soi, dans les rues, les trams, sur des personnes manifestement nécessiteuses ? Quel sens peut revêtir une réussite individuelle si c’est juste pour émerger d’un océan de précarité ? Bien sûr, il faut commencer par se battre pour soi, pour sa famille, et ça n’est déjà pas facile. Mais à quoi bon l’aventure citoyenne, si chacun ne contribue pas – un peu, au moins – au relèvement du niveau moyen de prospérité ?

     

    Surtout, n’oublions jamais les plus faibles. Il existe, à Genève, de nombreuses personnes âgées qui doivent compter chaque sou pour s’en sortir. Il existe des chômeurs en fin de droit, qui doivent aller à l’aide sociale, avec tout ce que cela peut impliquer dans la tête, par rapport au rôle que chacun doit jouer dans une collectivité publique. Il existe des travailleurs pauvres : ils ont un emploi, mais ce dernier ne suffit pas. Se soucier de tous ces gens-là ne doit pas être le fait de la charité, mais du souci de construire ensemble un corps social plus sain, plus dynamique, plus solide. A partir de là, on pourra, entre la droite et la gauche, se disputer sur la question du curseur : jusqu’où aller dans la mise en œuvre de la répartition ? Cela se discute, et c’est le propre de la dialectique politique que d’en mener le débat. Mais soyons au moins d’accord sur le principe.

     

    Nous sommes en Suisse, au cœur de l’Europe, nous avons une Histoire sociale, de remarquable conquêtes (comme l’AVS, en 1947, notre fleuron). Nous avons, pour pas mal d’entre nous, des sensibilités spirituelles, nous sommes surtout unis autour d’une idée républicaine. Bref, nous ne sommes ni dans l’Angleterre de Mme Thatcher, ni dans certains Etats américains ne prônant que la réussite individuelle. Nous avons à Genève une école, avec de formidables enseignants  qui transmettent à nos enfants leurs passions. Nous avons des milliers d’infirmières qui veillent nos malades. Une immense majorité d’entre elles franchissent deux fois par jour la frontière. Eh bien, je leur dis bravo et merci. A tous, j’adresse mes meilleurs vœux pour les Fêtes de fin d’année.

     

    Pascal Décaillet