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Liberté - Page 968

  • Le déplacement du curseur

     

    Sur le vif - Dimanche 21.12.14 - 16.55h

     

    La majorité de droite élargie (PLR, MCG, UDC) sur la question amirale du budget, mère de toutes les batailles, ne doit rien au hasard. Elle est, comme nous l’expliquions ici hier, le fruit d’une évolution parfaitement perceptible, depuis des années, des fronts politiques genevois. Elle était, depuis longtemps, prévisible. Encore faut-il, pour cela, que les observateurs de la vie politique s’affranchissent des apparences du moment pour se projeter dans la réalité à venir.

     

    Une telle posture exige une certaine puissance de solitude, une épaisseur du cuir. Entrer en matière sur la préférence cantonale, non pas aujourd’hui (tout le monde le fait), mais il y a cinq ou sept ans, lorsque les partisans de cette option étaient pestiférés. Voir venir le regroupement des forces de droite, ci-devant appelée « élargie », non seulement maintenant, alors que ces dernières viennent de s’imposer dans une bataille majeure, mais il y a cinq ans, six ans, sept ans, alors qu’on ne jurait que par l’axe du centre. Avertir de l’existence de maillons faibles (deux par législature en général) dans un collège, non lorsque cette faiblesse ministérielle commence à faire l’unanimité, mais en amont, alors que les intéressés sont populaires, sympathiques, immergent les réseaux sociaux de leur populisme facile. Bref, les meutes de la vingt-cinquième heure, c’est bien gentil, mais la solitude glacée de la première heure, c’est en général un peu plus risqué.

     

    Ce qui était prévisible, à Genève, c’est le déplacement du curseur. Cette nouvelle droite peut, si elle le veut, mener Genève dans les quatre ans de législature qui nous restent. Sans doute ne le fera-t-elle pas, d’ailleurs, ou juste ponctuellement, parce qu’elle est éminemment fragile, divisée à l’interne, et parce que nous sommes dans un système où nulle majorité stable ne tient. Mais enfin, tout de même, en laissant le PDC ruminer dans ses retranchements moralistes de sacristie, et en allant chercher ailleurs l’appui nécessaire pour donner à Genève un budget, le PLR a donné un signal relativement historique, depuis les années trente. C’est cela, au-delà des chiffres du budget, qui s’est produit vendredi, dans l’Histoire politique genevoise. De grâce, sachons la lire. La mettre en perspective historique. Insérer l’événement ponctuel dans sa ligne de continuité. Pour cela, il faut des observateurs et commentateurs capables de s’affranchir du pointillisme, appréhender un mouvement d’ensemble.

     

    Cette droite élargie est désormais investie d’une responsabilité. Si elle veut survivre à cette victoire ponctuelle sur le budget 2015, elle se doit d’établir, puis de présenter à l’opinion publique un minimum d’armature idéologique commune. Oui, disons un minimum. A cet égard, une remarque : nulle cimentation des droites genevoises ne pourra s’opérer sur la seule idée du profit financier, spéculatif, de la vassalité du politique face à l’univers bancaire, du culte de la réussite individuelle. Ce qui doit réunir les différentes familles de la droite genevoise, c’est l’idée républicaine. Cette dernière implique une attention majeure à l’édification collective d’une société qui n’oublierait personne, et où il y aurait d’autres valeurs  - tiens, par exemple l'école - que l’argent et l’insolence. Ce souci de solidarité et de redistribution, pourquoi faudrait-il en laisser le monopole à la gauche ?

     

    Si cette nouvelle majorité tient compte, dans les mois qui viennent, de cette impérieuse nécessité d’un langage républicain, avec vision d'Etat, elle pourra rendre à Genève de fiers services. Si, au contraire, elle se contente de monter des coups, une fois l’an, sur la question du budget, ou sur d’improbables affaires immobilières ou financières, elle se diluera dans l’insignifiance.

     

     Pascal Décaillet

     

     

  • Droite élargie, horizons rétrécis

     

    Sur le vif - Samedi 20.12.14 - 17.36h

     

    Un budget dominé par la droite élargie, la gauche marginalisée, le PDC réduit à pleurnicher : tout ce qui s’est passé jeudi et vendredi en plénum était, d’un bout à l’autre, prévisible. Non depuis quelques semaines, mais depuis plusieurs années. Il faut lire la politique dans sa mémoire historique, placer l’événement sur sa ligne de continuité, renvoyer hors sujet les moralistes.

     

    Droite élargie : oui, maintenant, c’est fait. Mais il faut rappeler que l’émergence de cette nouvelle donne trouve ses racines dans la dernière législature, voire celle d’avant. Le vote final, hier, du budget, a constitué pour toute une génération politique une seconde douche glacée, après celle du 6 octobre 2013, ce dimanche de l’élection législative voyant à la fois les Verts s’effondrer et le MCG passer à 20 députés.

     

    Quelle génération ? Mais celle, parbleu, qui n’a cessé de s’imaginer le MCG comme une parenthèse de l’Histoire, un mauvais rêve, dont on allait bien se réveiller. Encore aujourd’hui, au lendemain du vote du budget, le chef du groupe PDC qualifie de « séditieux » un parti qui, jusqu’à nouvel ordre, fut porté par les voies démocratiques à son actuelle représentation parlementaire, les mêmes voies qui, le même jour, avaient envoyé beaucoup moins de députés PDC au Parlement. Il y aurait donc « sédition » quand le peuple préfère une formation rivale, s’étant engagée dans le même débat démocratique, l’ayant simplement gagné. Singulier diagnostic démocratique, Monsieur le Bon Docteur.

     

    J’ai été le tout premier, il y a plusieurs années, à parler à Genève de droite élargie. C’était encore sous le poids idéologique dominant de ces deux précédentes législatures, où M. Longchamp ne tarissait pas d’éloges sur son collègue M. Hiler, ce cher David, et où les Verts, tout heureux de collaborer à maintes facettes du pouvoir, s’employaient à briller dans l’ordre de l’illisible. Eh bien cette époque-là, entre l’active collaboration des Verts et les ultimes tentatives de charnière du PDC (j’allais dire « du MRP »), est révolue. Nous avons eu, avec cette affaire budgétaire, une démonstration de force de la mécanique de droite de la nouvelle législature : ensemble, le PLR, le MCG et l’UDC peuvent, s’ils le décident, faire ce qu’ils veulent.

     

    Pour autant, voyez-vous, je ne m’en réjouis pas. La droite élargie que j’appelais de mes vœux il y a plusieurs années, c’était pour mettre fin à cette indéchiffrable physique des fluides que, dans son seul intérêt, M. Longchamp faisait donner, établissant ses majorités avec l’active collaboration du centre. Eh bien cela aussi, c’est fini. Le même, devenu président à vie du Conseil d’Etat, ne rechigne pas une seconde à établir le levier des décisions avec l’appui de ces Gueux auxquels il n’a cessé de vouer tant d’arrogance. Il ne perd pas le nord, M. Longchamp : lorsque l’axe du pouvoir, ci-devant appelé « curseur » (M. Aellen me comprendra), se déplace vers la droite, il laisse faire. Et se tait.

     

    Je ne m’en réjouis pas, parce que la droite élargie que j’esquissais il y a plusieurs années n’avait pas vocation à s’articuler autour des forces de l’argent, de la domination par les puissants et les possédants, la mise à l’écart des plus faibles. Bref, je ne rêvais pas que cela se fît pour la plus grande gloire de l’idéologie libérale, bénéficiant désormais de l’appui de l’aile ploutocrate des Gueux. J’aurais aimé une droite élargie se fondant sur d’autres valeurs, autour de l’idée républicaine. Je ne tire donc, pour ma part, aucune satisfaction d’une nouvelle donne que, paradoxalement, j’avais été l’un des premiers, naguère, à appeler de mes vœux.

     

    On rappellera enfin, en cette période de Fêtes, que la seule quête de la prospérité individuelle n’apporte que peu de bonheur, si c’est pour enjamber dans la rue la masse des quémandeurs et des nécessiteux. On ajoutera que l’aventure républicaine doit se fonder dans l’espace commun, comme une construction collective. Et que le niveau de civilisation d’une société, comme chacun sait, se mesure à tout ce qu’on peut entreprendre pour les plus faibles, les plus fragiles. Je n’ai pas exactement perçu cette dimension-là dans les ultimes arbitrages sur le budget 2015 de l’Etat de Genève.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Deux hommes d'honneur

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.12.14

     

    Dominique Louis, Jean-François Duchosal. Le premier fut chef adjoint du Protocole à l’Etat de Genève, le second chef de la sécurité à l’aéroport. Les deux sont colonels. J’ai eu l’honneur de servir sous les mêmes drapeaux qu’eux, au régiment d’infanterie 3.

     

    Je crois que j’aime les histoires d’hommes. Celles avec de la mélancolie, de la verve, de l’humour, du désespoir, du panache. L’histoire de ces deux hommes me plaît, parce qu’elles sont, l’une et l’autre, entièrement vouées à l’idée de servir. Son éloquence, sa faconde, Dominique Louis les a mises au service de l’intérêt public. Jusqu’à devenir, en 25 ans, un incomparable héraut de l’Escalade. Il n’a pas brillé pour lui-même, il a mis son talent au service d’une cause plus ample.

     

    Ses vacances, Jean-François Duchosal les passait le plus souvent en Afrique, dans des missions humanitaires bénévoles. Il y avait déjà, chez ce futur pèlerin, la quête spirituelle du moine-soldat. La seule jouissance de la matière ne le satisfaisait pas.

     

    Il existe, à Genève, pas mal d’hommes et de femmes comme Dominique et Jean-François. Dans cette cité du luxe et du paraître, il se pratique d’autres valeurs, qui furent tout autant portées par la Réforme, l’humanisme, puis l’ouverture aux catholiques, le service des armes et celui de l’école. Le don de soi. L’abnégation. L’émotion face à la bannière. A ces deux hommes, je dis merci. Ils sont pour moi des exemples.

     

    Pascal Décaillet