Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 972

  • Serge Dal Busco : une chance pour Genève

     

    Sur le vif - Dimanche 07.12.14 - 17.48h

     

    L’homme de caractère, c’est dans la tempête qu’on le reconnaît, pas dans la tiédeur des agapes. Celui qui fait front. Celui qui ne se laisse démonter ni par les attaques, ni par le vent mauvais. Dans l’actuel septuor qui dirige Genève, un caractère émerge, doucement, mais creusant son sillon avec toujours plus de force : Serge Dal Busco. Ni matamore, ni glaçon : juste un homme qui mène son entreprise. Un homme qui se bat.

     

    Je dis ici qu’il émerge doucement : il n’a pas l’autorité statutaire du glaçon pour parler au nom du collège, ni la faconde festive de son collègue de parti pour vibrionner dans le vide sidéral de la mondanité sociale. Cette équipe a des maillons faibles, deux à mes yeux, comme il y en eut deux dans le collège précédent. Elle a son évanescence diaphane, entrée en troisième législature comme on entre dans un Ordre silencieux, ou dans l’ère glaciaire. Elle a son petit rusé qui sait se taire quand ça va mal, histoire de ne pas compromettre sa future carrière fédérale, mondiale, cosmique. Et puis, elle a la chance d’avoir Serge Dal Busco.

     

    L’homme est rude, incroyablement bosseur, déterminé. Il a hérité du Département des finances alors que les caisses sont vides, la conjoncture moins souriante que sous M. Hiler, le renflouement des caisses de pension plombe pour des décennies toute audace d’investissement, et ne parlons pas du CEVA. Homme d’exécutif, il n’a pas le contact très aisé avec la ductilité parlementaire, c’était déjà le cas lorsqu’il était député. Attaqué sur une mythologie d’absentéisme en Commission des finances, concoctée entre la droite ultra-libérale et une partie de la gauche, il répond par des faits : « Mercredi, j’y ai siégé huit heures ». Il n’accuse personne, ne braille pas, donne juste une réalité factuelle.

     

    Serge Dal Busco est un démocrate-chrétien, totalement mûri dans la philosophie de cette tradition politique, mais avec en plus, face à la dimension d’Etat, la raideur régalienne d’un radical. Du PDC, il a toutes les qualités : la chaleur, la famille, la convivialité. Des radicaux, il a la tenue. Nous avons un peu moins perçu cette dernière dans les frasques de son collègue de parti.

     

    Alors oui, j’affirme ici que Genève tient, avec cet homme-là, la puissance de travail, de caractère, de solitude qui, un jour, au service du plus grand nombre, pourrait faire la différence. Non comme un homme providentiel, cela n’est guère dans nos traditions suisses. Mais comme celui dont l’ardeur et l’amour du pays donneront l’exemple. J’ai souvent identifié, dans mes textes, les maillons faibles, je le fais en général bien en amont de la meute. Il ne me déplaît pas, non plus, de percevoir les maillons forts. Ces derniers sont simplement plus rares. Mais assurément, Serge Dal Busco en fait partie.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Conseil d'Etat : le Vaisseau fantôme

    images?q=tbn:ANd9GcS1EEI6jDbH9eklNsTAOFvAQf3rTclgg1sPzz3BLtsjgmP3XEkMKQ 

    Publié dans GHI - Mercredi 03.12.14

     

    En présentant au public de Dresde, fière capitale de la Saxe, la Première de son opéra « Le Vaisseau fantôme », le 2 janvier 1843, Richard Wagner aurait-il éprouvé, avec 170 ans d’avance,  comme une prémonition de l’actuel Conseil d’Etat genevois ? Pour ma part, j’adore cette œuvre, que j’ai vue pour la première fois à l’âge de seize ans. Il y est question d’un Hollandais volant, qui dérive sur les mers. Un Vaisseau fantôme, par définition, ne sait où il va. Il a perdu tout contrôle de lui-même. Le pilote est évanescent, diaphane comme nuage sous la lune. L’équipage invisible, muet. Le livre de bord, englouti au fond des mers. Dans la cabine de pilotage, un vieux compas rouillé, battu par le vent glacé.

     

    A l’image du Hollandais volant, le gouvernement de Genève donne davantage l’impression de dériver que de tenir un cap. Il aura suffi que survienne le premier automne, avec le rugissement d’une grève, la promesse d’une autre, le traditionnel bras-de-fer autour du budget, pour que ces fiers enfants de la Gaule s’évaporent comme marins d’eau douce, soudain moussaillons clopinant sur le pont arrière : ne manquent que l’orchestre, le frisson de l’ultime baiser, la grâce immaculée de l’iceberg. Car enfin, dans la première grève des TPG, on a commencé par laisser un bleu monter à l’abordage, avec menaces, rodomontades. Il a fait le matamore, oui, mais au matin s’est démonté, dès la première clarté. Il avait parlé de faire intervenir la police, c’était en ordre avec son collègue, pourquoi pas l’armée. Au final, il n’y eut ni l’une, ni l’autre. On n’aura, dans cette affaire, ruiné que son propre crédit.

     

    Le matamore ayant un peu trop ruminé, croyez-vous qu’on eût publiquement montré une quelconque désapprobation ? On aurait pu, soit le soutenir, soit signifier la distance. On ne fit ni l’un, ni l’autre. On ne régna que par le silence. On ne se montra pas. On ne parla pas. On rasa les murs en trottinant, d’une passerelle l’autre, dans la nuit fantomatique des flots impérieux. Le voilà donc, le Conseil d’Etat 2013-2018 ! Le voilà, ce singulier attelage où celui qui parle trop dispute la vedette à ceux qui trop se taisent, comme si toute parole, toute intervention, se trouvaient par nécessité frappées du sceau de décalage. Un concert dont toute la partition aurait trouvé son édification sur le principe de la fausse note.

     

    Face à cette non-pertinence, l’impertinence s’impose. Qui sommes-nous, après tout ? Mais enfin, des citoyens, tout de même, pas des sujets ! Le respect de l’autorité, lorsque cette dernière ne s’impose pas d’elle-même, a des limites. Face à la pression sociale, face à l’extrême difficulté d’élaborer un budget, on aimerait entendre le collège parler avec vision, cohérence. Alors que chacun s’efforce, dans son coin, de préserver le pré-carré de son dicastère, brandissant des menaces de licenciements dès que la tragi-comédie budgétaire de l’automne feint de toucher à un Département. Apeurés, les ministres ! Le signal, dans la cabine de pilotage, ou sur le pont avant, n’est pas le meilleur pour inspirer la confiance. Malgré la grâce de l’orchestre. Et le sourire de l’iceberg.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le dimanche qui rassure le bourgeois

     

    Sur le vif - Dimanche 30.11.14 - 14.54h

     

    J’ai voté trois fois oui, ce sera trois fois non, dont acte. J’ai toujours respecté les décisions du peuple : le 9 février j’étais dans le camp des vainqueurs, là je suis dans celui des perdants, c’est la vie. L’essentiel, c’est que notre démocratie directe a parfaitement fonctionné. Trois objets ont été soumis au peuple et aux cantons. Il y a eu une vaste campagne, au niveau national, des débats vifs et éclairants. Au final, le souverain a tranché. Que demander de mieux ?

     

    Le grand vainqueur, aujourd’hui, c’est la démocratie directe. Cet appel, tous les trois mois, au suffrage universel, permet d’y voir plus clair. En avoir le cœur net. Par exemple, le fait que le souverain ait dit oui le 9 février sur l’immigration massive, et non aujourd’hui à Ecopop (qui, entre autres, paie cher son absence d’unité de matière et cette histoire de planning familial en Afrique qui n’avait rien à y faire), ce oui et ce non précisent, affinent, cisèlent les données dont dispose désormais le Conseil fédéral pour la suite de notre politique migratoire.

     

    Le peuple et les cantons ne veulent pas d’Ecopop, mais veulent le contrôle des flux d’immigration du 9 février 2014. Ce contrôle, il va falloir maintenant l’instituer, le mettre en application, sans faillir, sans tricher, sans jouer au plus fin. On sait maintenant que c’est cela que veulent les Suisses, mais pas le pourcentage donné dans Ecopop sur le solde migratoire. Alors OK, on ne fait pas le second, mais de grâce on exécute la volonté populaire, sur le premier.

     

    Pour le reste, il est tellement édifiant, dans notre bonne Suisse, de voir le bourgeois souffler et s’éponger. Notre pays, peut-on lire dans les premiers commentaires du Temps ou du PLR (ce sont d’ailleurs exactement les mêmes, celui-là étant le porte-parole de celui-ci), aurait retrouvé le bon sens, la raison. Traduction : une majorité a voté dans la direction que nous voulions. En clair, si le peuple vote comme nous, il est doté des facultés médicales et psychiques de la raison. S’il vote contre nous, il est frappé de folie.

     

    Là est le vrai fossé de notre pays. Entre ceux qui décrètent le bien, le raisonnable, et ceux qui osent interroger le frisson tellurique. Cette faille-là, malgré le cri d’aisance du bourgeois en ce premier dimanche de l’Avent, est loin, très loin d’être comblée.

     

    Pascal Décaillet