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Liberté - Page 976

  • Pierre Maudet doit balayer devant sa porte

     

    Commentaire publié dans GHI - 19.11.14


     
    La grande mode, dans la presse romande, c’est de dérouler le tapis rouge à Pierre Maudet pour qu’il puisse s’exprimer, sans le moindre contradicteur et si possible sur une double page, sur tous les sujets possibles et imaginables, comme représentant du progrès, de la vision d’avenir, de la réforme. Dernier épisode en date : deux pages du Temps, vendredi 14 novembre, pour que le surdoué de la politique genevoise nous dise tout le mal qu'il pense de la classe politique suisse, incapable à ses yeux de construire un après-9-février.


     
    Tout cela est très bien, et j’avoue être le premier, lorsqu’il vient sur mon plateau TV, à décocher à Maudet ces fameuses « questions subsidiaires », que nous adorons lui et moi, et où il est souvent bien meilleur, dans les réponses, que sur les sujets – parfois pesants – sur lesquels il était censé venir. Mais l’exercice commence à présenter des limites : à trop briller hors de son cercle d’autorité (la sécurité à Genève, ce qui n’est pas rien !), l’éternel jouvenceau aux mille ruses pourrait encourir le grief de botter en touche. Et se voir formuler l’invitation à balayer devant sa porte, s’occuper des sujets qui le regardent, ceux sur lesquels il a prise.
     


    Justement, ces derniers ne manquent pas. Malaise dans la police, grogne dans le monde pénitentiaire, directeur de Curabilis qui démissionne, police des polices envoyée sur place, pour ne prendre que quelques exemples. Dès lors, un peu plus de parole intérieure et un peu moins de propos externes ne seraient pas nécessairement à négliger. Vous remarquerez à quel point, dans ma formulation, je demeure poli. Parce que Pierre Maudet, au fond, je l’aime bien.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Grève TPG : le PLR perd les pédales

     

    Sur le vif - Mercredi 19.11.14 - 16.20h

     

    Coïncidence : le jour même où nombre de Genevois enfourchent leur vélo, le PLR s’emploie à perdre les pédales. Dans l’affaire de la grève des TPG, on peut lire, çà et là, sous les plumes érectiles de certains membres de ce parti, des propos dont les intonations rappellent allègrement les très riches heures de MM Cavaignac ou Thiers, orfèvres dans l’art de la répression. De la présidence du parti, dont les accents soudainement virils abreuvent nos sillons, jusqu’à de jouvencelles voix, tout occupées à plaire à leurs conseillers d’Etat, ah plaire à François, plaire à Pierre, plaire à « Monsieur Longchamp », comme l’appelait naguère Béatrice Fuchs, dans la phase antérieure à celle de sa révolte, disons sa période rose.

     

    On pensait que le propos premier de cette belle journée ensoleillée serait la chronique d’une grève. On entendait déjà les accents de l’Internationale génialement revisitée par Stéphane Grappelli (Milou en Mai) ravir nos mémoires. Las ! Nous n’eûmes le spectacle politique que de l’obédience de l’Entente, principalement PLR, devant le quatuor majoritaire qui la représente au Conseil d’Etat. Hier soir, le ministre des transports annonce tambours battants à « Genève à chaud » l’intervention de la police, tout en assurant le service minimum dès 06.30h. Résultat : ni police (nul ne s’en plaindra), ni service minimum, puisque ce fut au final le service zéro, tout étant bloqué.

     

    On se dit, dans tels cas, que la parole ministérielle mériterait d’être sept fois retournée, ainsi qu’il en va dans l’adage biblique. Au reste, le collègue ministre de la police était-il au diapason ? Et quand bien même il le fût, la police, dont on connaît à Genève la tendance prétorienne, aurait pu se refuser à intervenir contre des collègues de la fonction publique. Le beau gouvernement que voilà : un ministre qui dit ses transports tout haut, à qui manque une confidente racinienne, une sorte de Céphise, à l’aube des nuits cruelles. Un autre, chargé de la police, qui a l’habileté de se taire. Un président qui s’enrobe de silence et d’absence. Ça n’est plus un collège, c’est la confrérie de l’évanescence.

     

    Reste que le peuple genevois, par deux fois, a voté une baisse de tarifs. Que pour se venger, le Conseil d’Etat a voulu punir les usagers et les TPG par des baisses de prestations, des suppressions de postes et des licenciements. Que cette manière de faire, mesquine, suinte l’arrogance et surtout la défensive. Que la grève est dûment prévue dans notre ordre légal, et n’a strictement rien « d’anti-démocratique ». Enfin, que les petits valets et les petits laquais de leurs ministres gagneraient à s’affranchir, se durcir le cuir, se mesurer par l’opposition plutôt que par la servilité à leurs maîtres. Tout le reste n’est que catalogues de prestations ou nouvelles lignes de trams, sujets assurément captivants, mais que vous trouverez en d’autres chroniques, sous d’autres plumes, érectiles ou non.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Les gros jaloux face au succès des initiatives

     

    Sur le vif - Dimanche 16.11.14 - 17.16h

     

    La mode, dans les cercles, est de conspuer les initiatives. Il y en aurait trop, elles fuseraient dans tous les sens. Il s’agirait impérieusement de les limiter. En restreindre le droit de dépôt. Contrôler et censurer sévèrement leur contenu. Les invalider sans hésitation, dès qu’elles viendraient à contrevenir à cette théologie externe à notre périmètre citoyen, à laquelle on donne le nom de « droit supérieur ». Voilà ce que veulent nous concocter une foule de beaux esprits, parlementaires fédéraux, juristes, juges de touche du convenable, éditorialistes de la SSR (ah, Roger, plaire à Roger !), de Tamedia ou de Ringier (ah, plaire à Jacques, ou Frank A, ou Michael). Bref, tous ceux que froisse cette éruptive vitalité démocratique surgie d’en bas. Parce qu’elle les surprend, les devance, les irrite, les exaspère. Il est vrai qu’il est vexant d’avoir un adversaire ayant toujours un coup d’avance. Alors, si on pouvait le disqualifier, le sortir du jeu, vous pensez, quelle aubaine !

     

    Du coup, ils n’ont plus qu’un but : se débarrasser de cet insupportable poil à gratter qui chatouille et dilate la parfaite géométrie des lois qu’entre eux, ils nous concoctent. Faire passer pour sale, déplacé, hors sujet, les initiatives et les référendums. Il y en a même qui poussent le culot jusqu’à proclamer que la démocratie directe « nuit aux institutions », alors qu’elle en fait intrinsèquement partie, dûment prévue dans notre ordre constitutionnel. Bref, désorientés par le nombre des initiatives, leur succès grandissant (ce qui est très nouveau, récent, et pourrait prendre encore de l’ampleur), ils ne savent plus quoi inventer pour se débarrasser du monstre. Si ce n’est, justement, le traiter en monstre ! Le dénigrer. Le rabaisser. Le ravaler à l’ordre de « l’émotionnel », comme si leurs débats à eux étaient gouvernés par la parfaite algèbre de la raison.

     

    La vérité, c’est que la démocratie directe gagne du terrain en Suisse. Entre 1949 (initiative sur le retour à la démocratie directe, justement) et 1987 (initiative dite de Rothenthurm, sur la protection des marais), seul un texte était passé, celui accepté en 1982 visant à « empêcher des abus dans la formation des prix ». Aucune initiative agréée par le peuple et les cantons en plus de trente ans. Et une seule en trente-huit ans ! A l’époque, elles venaient souvent de la gauche, les initiatives, et jamais on n’entendait cette dernière se plaindre de leur foisonnement. Aujourd’hui, soyons clairs, c’est le succès grandissant de textes déposés par l’UDC qui rend fou de rage le reste de la classe politique. Ils en ont le droit, mais au moins qu’ils nous avancent les vraies raisons de leur colère, plutôt que venir nous débiter leurs grandes leçons sur la conformité du droit supérieur. Ils ne font plus de la politique, ils nous font de la morale : la morale des perdants.

     

    Les initiatives populaires fédérales nous permettent, depuis 1891 (une année-clef de la Suisse moderne, celle de la fin de la totalité radicale au Conseil fédéral, avec l’entrée du premier catholique conservateur, le Lucernois Joseph Zemp), de faire surgir au plan national un thème politique ignoré, ou laissé pour compte, ou sous-estimé par les élus. Double vertu : d’abord, les initiatives privilégient les thèmes sur les personnes ; ensuite, elles ont pour théâtre d’opérations le pays tout entier, jouant en cela un rôle majeur dans la conscience politique nationale.

     

    Oui, les initiatives, nous arrachant régulièrement à nos seules préoccupations cantonales, nous hissent vers l’horizon confédéral, puisque c’est là qu’elles se jouent. Acceptation du moratoire nucléaire en 1990, de l’initiative des Alpes en 1994, de l’adhésion à l’ONU en 2002, de la lex Weber en 2012, du texte de Thomas Minder sur les rémunérations abusives en 2013, du renvoi des criminels étrangers en 2010, de l’initiative contre l’immigration de masse le 9 février 2014. Liste non exhaustive. Que de thèmes que nous n’eussions jamais empoignés si ce droit fondamental n’existait pas !

     

    Les initiatives populaires fédérales, depuis 123 ans, privilégient les thèmes et les combats d’idées (peut-être, pour cela, font-elles peur à ceux qui préfèrent la mise en valeur des personnes, avec des visages, si possible le leur, sur des affiches ?). En plus, elles élargissent notre champ d’attente politique, permettant à plus de quatre millions de citoyennes et citoyens de se prononcer plusieurs fois par an sur des sujets d’envergure nationale. Donc, de vivre entre Suisses (et non seulement entre Genevois, Valaisans, Vaudois, Zurichois) notre citoyenneté active. Fantastique vertu, qui doit nous amener à rejeter sans appel les gesticulations des cercles, corps intermédiaires et beaux esprits visant à les brider, les opprimer, en réduire le champ d’action. Voilà les vrais enjeux, il fallait une fois le dire.

     

    Pascal Décaillet