Sur le vif - Mercredi 18.03.15 - 17.41h
La Tunisie : comment évoquer sans émotion ce pays où je me suis toujours senti comme chez moi, cette ville de Tunis que j’ai visitée à quatre reprises, et justement ce Palais du Bardo où avait été signé, entre le bey et la France de Jules Ferry, le Traité qui, jusqu’à l’indépendance de 1956, allait installer le protectorat de Paris sur Tunis ? Pays si proche. Pays chargé d’Histoire et de culture. Longues lectures de Lacouture, sur la genèse de l’indépendance tunisienne, le Destour, le Neo-Destour, Bourguiba, le départ des Français, la crise de Bizerte. Tout cela, oui, mais au final, une séparation sans aucune comparaison, en termes d’arrachement et de dureté, avec ce que fut, de 1954 à 1962, l’Histoire d’un pays voisin, également tant aimé de votre serviteur, l’Algérie.
A l’heure où j’écris ces lignes, ayant invité des Tunisiens de Genève pour mon émission ce soir, je n’ai encore aucune idée des motivations des auteurs de l’attaque terroriste du Musée du Bardo, près de l’Assemblée Nationale. Nous le saurons plus tard. Ce qui est sûr, c’est la chaleur de ma pensée pour ce pays. Avec ces 19 morts, il y a dans la récente Histoire de la Tunisie quelque chose de cassé. Plus rien ne sera-t-il comme avant ? Ce pays, qui a fait sa Révolution il y a quatre ans, ne s’en était jusqu’à aujourd’hui, en comparaison nord-africaine, pas si mal sorti. Non sur le social, non sur l’économique, non sur le chômage des jeunes, cette plaie, mais sur quelque chose de plus essentiel : le sang, contrairement aux pays voisins, n’y coulait presque pas dans les rues.
Aujourd’hui, il a coulé. Sur le lieu même qui, sous la Troisième République, et justement sous l’un de ses ministères les plus brillants, avait été celui de l’École obligatoire, avait scellé un lien très important avec la France. Donc, avec l’Europe, si proche. Donc, avec nous. Il ne m’est pas indifférent que cet attentat fût perpétré dans ce lieu-là. Pour le reste, silence et prière. En direction de ce pays si cher, dont le charme secret a tant à nous apprendre. A mes amis tunisiens, et justement tunisois, je dis ce soir la puissance de mon lien et de mon respect pour leur pays.
Pascal Décaillet