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Liberté - Page 957

  • Illisibles Verts

     

    Commentaire publié dans GHI - 25.02.15


     
    Il y a un peu plus de trente ans, lorsqu’ils sont apparus sur la scène politique, il paraît que les Verts servaient à quelque chose. A l’époque déjà, tout en partageant leurs préoccupations légitimes pour notre environnement, je me méfiais viscéralement, non d’eux (car ce parti est riche de belles individualités), mais de leur discours post-moderne, prétendant s’affranchir de l’Histoire, du poids des nations et des frontières, au profit d’un monde nouveau.
     


    Aujourd’hui, le tragique de l’Histoire revient. Les frontières sont toujours là, les gens les réclament. L’attachement aux nations n’est pas mort, les citoyens s’en prévalent. Les grands rêves transfrontaliers, Union européenne par ci, Grand Genève par-là, s’effondrent comme des châteaux de cartes. Le frisson libertaire issu de 68 s’est fracassé contre les récifs du réel. La seule chose qui reste aux Verts, c’est leurs discours sur la protection de la nature. Mais, hélas pour eux, tous les autres partis, aujourd’hui, le tiennent aussi.
     


    Voilà donc les Verts face au miroir de leur illisibilité politique. Où sont-ils ? A droite ? A gauche ? Ils sont même pour la loi sur la police, signée Maudet ! Ils ont pénétré les arcanes du pouvoir, au point maintenant de s’y accrocher. Mais leur traçabilité, leur identité font cruellement défaut. Au point que les bons vieux partis issus de la lutte des classes – le parti socialiste, par exemple, mais aussi Ensemble à Gauche – dont les Verts se gaussaient tant naguère, les reléguant au monde de Zola, finiront par leur survivre. Ironie de l’Histoire, où l’ancien enterre le moderne. Parce qu’il vient, lui, de quelque part, avec de la mémoire, du sang, du tragique, des combats. Et non surgi d’un simple rêve libertaire, soluble dans le néant.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Pierre le Grand, et Pierre tout court

     

    Sur le vif - Jeudi 26.02.15 - 17.09h

     

    Bien sûr, Pierre Ruetschi, en édito de la TG ce matin, défend la loi sur la police. Parce que c’est une loi Maudet. Et que Pierre Ruetschi a toujours, au millimètre près, défendu MM Maudet et Longchamp. De façon systématique, implacable, depuis des années. Il a toujours défendu, avec ardeur, le pouvoir en place, pour lequel il semble éprouver une fascination naturelle, viscérale. Laissons ce pouvoir changer de couleur, cela finira bien par arriver un jour, et je gage que M. Ruetschi, faisant preuve d’admirables capacités d’adaptation, le défendra, ce nouveau pouvoir-là.

     

    C’est son droit. Chacun d’entre nous a le droit d’être pour ou contre la loi sur la police, et de plaider publiquement sa cause. Comme individu, et même comme rédacteur en chef de la Tribune de Genève : chaque journal est libre d’afficher ses opinions. Aucun problème avec cela. D’autant moins que sur l’objet qui nous intéresse, la voix du oui mérite d’être entendue. Le problème, ça n’est donc pas la loi sur la police : exprimons-nous, tous, et le 8 mars le corps électoral tranchera. Non, le problème, c’est la systématique. La répétition. L’accumulation. Toujours, le premier quotidien à Genève s’aligne sur le PLR. Sur MM Maudet et Longchamp. Je dis bien « le quotidien TG », et non « Pierre Ruetschi » : lorsque le rédacteur en chef s’exprime dans l’éditorial, il engage son journal.

     

    Et encore cela, c’est son droit ! Disons juste, comme je l’avais noté l’autre jour, qu’il faudrait une têtière, ou un sous-titre : « La Tribune de Genève, organe du PLR ». Il n’y aurait à cela aucune honte : la NZZ, par exemple, assume depuis la fin du dix-huitième siècle, avec une constance et une rigueur remarquables, son statut de voix du Freisinn, le radicalisme suisse, et c’est un journal dont je crois bien n’avoir jamais manqué un numéro depuis trois décennies. Et cette têtière, je serais le premier à m’en féliciter : je suis un passionné, depuis plus de quarante ans, de la presse d’opinion, je collectionne les journaux, j’ai travaillé sur la presse à l’époque de l’Affaire Dreyfus, tout cela est mon monde, mon univers, et vive la gauche, et vive la droite, pourvu qu’elles soient assumées, que la couleur soit annoncée.

     

    Le problème avec la TG, c’est qu’elle est – peut-être à tort – perçue par le public comme un journal ouvert, œcuménique, rassembleur, équilibré. Et là, avec la systématique pro-PLR, pro-Maudet et pro-Longchamp, de la ligne éditoriale de Pierre Ruetschi, il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut choisir : soit on s’affiche comme un journal d’opinion, soit on joue la carte du « gentil journal neutre, ouvert à tous, reflet de la population ». Mais il y a un moment où jouer sur les deux tableaux devient difficile.

     

    Parce que là, dans le cas de la loi sur la police, c’est plus qu’une prise de position. C’est un véritable décuplement en puissance de l’argumentaire Maudet, certaines expressions semblant littéralement inspirées par celui qu’un nombre croissant de policiers appellent « Pierre le Grand » : « Il est plus que temps de changer de régime et de recadrer une corporation dont le professionnalisme ainsi que l’engagement sont réels… quand elle n’est pas en mode revendication ». Princières syllabes. On dirait la Grande Russie, avec ses Palais d’été et d’hiver. Celle des grands romans du dix-neuvième, aussi, avec ses maîtres et ses valets. En ce jour de la Saint Nestor, rendons hommage à ces derniers : grâce à eux, la vie est plus nette, plus propre. Le pouvoir, plus visible. A travers la vitre. Ou mieux : sans vitre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Thomas Bläsi, salutaire emmerdeur

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.02.15

     

    A quoi sert un parlementaire ? A deux choses : faire des lois, et contrôler l’action du gouvernement et de l’administration. Oui, un député sert à cela, qui n’est certes pas rien, et à nulle autre chose. Il n’a absolument pas le monopole du débat politique (qui nous appartient à nous tous, les citoyens), encore moins celui de l’expression publique, il doit juste faire des lois et contrôler l’exécutif. Cette seconde fonction, hélas, beaucoup ne l’assument pas, trop heureux de faire partie du « même monde » que les conseillers d’Etat. Cette ignorance de l’une de leurs missions fondamentales est catastrophique, dévastatrice pour le crédit du Parlement, elle renforce dans le public l’idée du « tous copains ». Mais heureusement, il y a des exceptions. Parmi elles, un nouveau député, depuis l’automne 2013, qui prend incroyablement à cœur sa tâche de contrôle : Thomas Bläsi.

     

    De qui s’agit-il ? D’un député UDC de 43 ans, pharmacien, président de la Commission de la Santé du Grand Conseil, qui multiplie, depuis quelques mois, les motions, interpellations, questions écrites, et autres voies d’investigation parlementaires, visant à obtenir des explications du gouvernement, principalement sur sa gestion des affaires de santé. Le nouveau député est tout simplement infatigable, au point qu’il commence très sérieusement à exaspérer le ministre de la Santé, le conseiller d’Etat Mauro Poggia. Ce dernier vient pourtant du MCG, parti « allié » avec l’UDC, au sein de ce qu’on appelle depuis l’automne 2013 « la Nouvelle Force », qui constitue près d’un tiers de l’électorat. On aurait pu imaginer que Thomas Bläsi attaque des ministres de gauche ou de l’Entente : non, il s’acharne sur un « allié » MCG. Est-il fou ? Que lui prend-il ? Quelle étrange mouche tropicale l’a-t-elle piqué ?

     

    La vérité, c’est que Thomas Bläsi fait simplement son boulot de député. Comme Jean Romain, pendant des années, face au DIP, Bläsi, toujours sur le ton de la plus parfaite courtoisie, toujours en absolue connaissance des dossiers qu’il empoigne, jamais agressif, se contente de relever des faits et de demander des explications. C’est exactement le rôle d’un parlementaire, sa mission face au gouvernement. C’est lui qui a été à l’origine de la demande d’une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Adeline. Lui qui a soulevé le « traitement de faveur » de la division privée des HUG par rapport aux cliniques privées, sujet qui a rendu fou de rage le ministre Poggia. Lui qui a dénoncé le projet de grande pharmacie dans le nouveau bâtiment des lits des HUG. Lui qui vient de déposer une motion concernant les dysfonctionnements au Service de dermatologie des HUG. Et ça n’est pas fini : d’autres motions, concernant le traitement d’autres parties du corps, vont suivre.

     

    Pour Mauro Poggia, de quoi perdre patience. On imagine volontiers le conseiller d'Etat MCG passant ses nerfs, dans son bureau, en visant avec des fléchettes une cible aux allures de Thomas Bläsi. On se représente volontiers l’intrépide pharmacien, petit-fils de l’aide de camp de Charles de Gaulle, dans le rôle de « L’Emmerdeur », magnifiquement incarné naguère par Jacques Brel. On attend la prochaine motion. Et, à couvert, les prochaines foudres de Mauro Poggia.

     

    Pascal Décaillet