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Liberté - Page 958

  • Bonfanti.com


    Sur le vif - Vendredi 20.02.15 - 13.16h

     

    A deux semaines du verdict populaire sur la loi sur la police (LPol), Pierre Maudet perd les pédales. Il envoie sur le front la cheffe de la police genevoise, Monica Bonfanti. Laquelle, dûment interviewée par deux journalistes de la Tribune de Genève, dont Pierre Ruetschi himself, tout en rappelant son impossibilité de faire campagne en tant que cadre supérieur, s’en vient fondre et fuser au cœur de la mêlée, vêtue de son uniforme et d’un soupçon de probité candide, dépourvue de lin blanc.

     

    Opération de propagande. Télécommandée par Pierre Maudet. Opération-choc. Opération inadmissible, quand on pense à l’armada des sanctions dont sont menacés les membres d’active de la police genevoise qui auraient le malheur, ne fût-ce que par un clic « j’aime », d’effleurer la campagne du 8 mars. S’il y a devoir de réserve, il doit s’appliquer à toute la police en uniforme. Du moins gradé des gendarmes à la cheffe du corps de police, sans exception.

     

    Quant à l’argument « Je ne fais pas de politique, je me contente d’expliquer », il ne faut quand même pas nous prendre pour des abrutis. Le commandant de corps, chef des troupes aériennes suisses, m’avait fait le même coup lorsque j’étais allé l’interviewer dans son bureau de Berne, au printemps 1993, en vue de la votation du 6 juin sur les FA-18. Le coup de « l’expert qui explique » est en réalité une très vienne antienne dont s’affublent, sur ordre d’un ministre en plein combat politique, les hauts fonctionnaires. Personne n’est dupe. Madame Bonfanti, faites votre propagande si cela vous chante, mais de grâce ne nous prenez pas pour des idiots.

     

    Dans cette affaire, il est très clair que les propos de la cheffe de la police s’inscrivent dans une campagne politique très précise, et ma foi fort bien orchestrée, décidée par le ministre lui-même, homme d’intelligence et de communication. Car enfin, l’autre solution – que nous n’osons imaginer – serait que Mme Bonfanti fût sortie de sa réserve sans blanc-seing ministériel, et là…

     

    A noter d’ailleurs que les propos de Mme Bonfanti, dans la TG, sont loin d’être inintéressants. Et constituent un argumentaire solide en faveur du oui. Car dans cette loi sur la police, il y a de bons arguments des deux côtés. Mais, comme nous l’avons déjà écrit ici, le corps électoral ne se prononcera sans doute pas sur le fond, trop complexe et hétéroclite. Mais pour ou contre Pierre Maudet. Cet aspect plébiscitaire ayant été voulu par le ministre lui-même, qui connaît sa popularité et souhaite en jouer dans cette campagne, il sera d’autant plus permis aux observateurs de la vie politique de décrypter ces intentions sans concessions. Sans la moindre haine,, d’ailleurs, ni le moindre rejet personnel d’un conseiller d’Etat aux multiples qualités. Mais sans être dupe de ses méthodes, ni de sa construction de la communication. Chacun fait son travail. Chacun s’exprime. Nous sommes en démocratie.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Barroso à l'Uni de Genève : délicieuse nomination

     

    Sur le vif - Jeudi 19.02.15 - 15.05h

     

    Que les études européennes de l’Université de Genève fussent un terreau fertile aux partisans de l’adhésion de la Suisse à l’UE, on le savait depuis longtemps, et nous l’avons d’ailleurs évoqué ici, notamment en dénonçant des castings totalement déséquilibrés dans des débats pré-électoraux.  Mais pour ceux qui, peut-être, en auraient encore douté, le communiqué diffusé aujourd’hui, 14h, devrait dissoudre leurs incertitudes : le prochain professeur invité au Global Studies Institute (GSI) de l’UNIGE et à l’Institut des hautes études internationales et du développement (IHEID) s’appelle… José-Manuel Barroso !

     

    Notre alma mater, assurément, a le droit d’engager qui elle veut. Mais disons que pour tenir un discours académique, empreint de l’indispensable dimension critique contenue dans ce mot, l’homme qui a présidé pendant dix ans (2004-2014) la Commission européenne, n’est peut-être pas le plus impartial des esprits. Conférencier, oui : c’est même très bien, à ce titre, d’avoir recours à des acteurs politique engagés. Mais professeur, même « invité », c’est tout de même confirmer avec éclat l’idéologie pro-européenne de l’Université de Genève. Car enfin, si l’on confie une chaire à l’ancien président de la Commission, pourquoi ne pas en octroyer une autre, en contrepartie, à un esprit ou un acteur combattant tout rapprochement avec l’UE ? Tiens, Blocher « professeur invité » à l’Uni de Genève, vous les voyez déjà, les réactions de haine qu’une telle nomination susciterait ?

     

    Il y aurait donc deux poids, deux mesures : si on engage comme « professeur invité » un acteur politique de premier plan incarnant un certain combat pour l’Europe, c’est bien. Bénédiction, blanc-seing, feu vert. Si, au contraire, toujours dans l’idée de donner un espace de parole à une personnalité politique, on fait appel à une figure ayant incarné le camp contraire (lequel, non seulement a lieu d’être, mais rassemble de plus en plus de monde en Suisse et sur le continent), alors là, non. Tollé. Condamnations. Manifs, jusque devant les amphithéâtres. Oh le beau monde. Oh, les braves gens. Oh, la « liberté d’expression ». Oh, la belle indépendance de la parole académique. Heurtée, de plein fouet, par l’océan des préjugés. C’est exactement cela que révèle la nomination de M. Barroso comme « professeur invité » à l’Université de Genève.

     

    Tiens, puisqu’il « professera », il pourrait peut-être consacrer un cours ou un séminaire à expliquer à ses étudiants comment, en 2005, il a entrepris toutes choses pour rendre caduc le vote souverain du peuple français qui, au printemps, avait dit non au Traité européen. Il avait dit non avec le cœur, mais contrairement au Cancre de Prévert, il paraît qu’il avait dit oui avec la tête. Alors, on s’est arrangé pour ignorer son vote. Et on a mis en œuvre le contraire. Vivement l’enseignement de M. Barroso à l’Université de Genève.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Et si vivre, c'était partir ?

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    Sur le vif - Mercredi 18.02.15 - 17.13h

     

    Il y a des chants qui vous prennent à la gorge, ceux de l’adieu ou de l’exil, le refrain du déchirement, celui qui vous arrache. Hier soir, sur Mezzo, les Troyens de Berlioz. Je l’avais vu au Grand Théâtre, il y a des décennies. Hier soir, c’était la version de Valence (Espagne), sous l’exceptionnelle direction de Valery Gergiev. Pour moi, ce fut le choc. Le plus avisé, le plus capiteux des compagnons de vie, le hasard, m’avait amené il y a quelques jours, justement, à voir, au Collège Sismondi, la très belle mise en scène des Troyennes, d’Euripide, par Jacques Maitre et ses élèves du Conservatoire. Alors, pendant toute la représentation des Troyens, hier soir, j’ai laissé remonter en moi la petite musique des Troyennes, dont j’avais parlé ici le 8 février dernier : http://pascaldecaillet.blogspirit.com/archive/2015/02/08/les-voix-des-troyennes-ont-envoute-sismondi-264415.html . Les variantes ne sont-elles pas là pour ranimer en nous les feux et les désirs, dans toute la phosphorescence de leur métissage ?

     

    Trois millénaires qu’artistes et poètes nous réinventent la chute de Troie. J’ai dit ici, par exemple, l’incroyable puissance littéraire de la « Kassandra » de l’écrivaine est-allemande Christa Wolf (1983). D’Euripide à Berlioz, deux variantes, parmi des centaines. Le poète tragique du Cinquième siècle avant JC cantonne l’action sous les murs de Troie, les voix des victimes, en partance comme captives, dans le camp des vainqueurs. Polyphonie féminine, d’une troublante beauté. Berlioz, lui, au milieu du dix-neuvième siècle (1863), s’inspire de Virgile et de son Enéide. Les Troyens vont s’installer à Carthage. Mais dans les deux versions, le chant qui nous laboure l’âme est toujours celui du départ. D’Euripide à Berlioz, l’éternité de l’exil. Il nous vaut, chez Berlioz, un duo féminin à nous transporter l’âme.

     

    Et si le chant de l’exil était l’un des plus puissants des cordes humaines ? Comme si le poème, ou la musique, devaient s’inscrire dans le sillage – ou la tonalité – d’une éternelle partance. Ainsi nos vies, ainsi les notes et les syllabes. Euripide, Virgile, Purcell, Berlioz, Christa Wolf : et si nous étions tous des Troyennes ou des Troyens ? Et si vivre, c’était partir ?

     

    Pascal Décaillet