Liberté - Page 327
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Grand Conseil : le vérificateur des machines
Sur le vif - Vendredi 12.11.21 - 17.28hLa manière dont le Président du Grand Conseil vient, depuis un peu plus d'une heure, de traiter certains de ses collègues, élus du peuple comme lui, est inqualifiable. Elle ne correspond pas à nos habitudes suisses. Elle n'est pas dans les tonalités de notre politique.J'ai passé des années au Palais fédéral, comme correspondant, je suis la politique dans notre pays depuis quatre décennies, j'ai animé des milliers de débats politiques, dont une quantité dans les Pas perdus des Chambres fédérales ou de Parlements cantonaux, je n'ai jamais vu un Président de législatif arborer des airs aussi caporalesques, distribuant admonestations et avertissements à la cantonade, infantilisant ses collègues, robotisant sa lecture du règlement comme un glacial vérificateur des machines dans une usine. Cela n'est pas digne de notre démocratie suisse.Je n'aborderai pas ici le fond - savoir dans quel degré d'urgence il fallait traiter le débat sur la réforme du C.O. - mais la forme. Un groupe, le PLR, s'est senti profondément lésé par une procédure qui ne lui paraissait pas conforme. Des élus de ce groupe, éminents juristes, comme Cyril Aellen ou Murat Julian Alder, ont tenté de faire valoir leurs arguments. On leur a coupé le sifflet. On leur a éteint le micro. On les a rabroués. On les a "avertis". C'est juste si le Sautier n'a pas été chargé de les coiffer d'un bonnet d'âne.Le Président, dans toute cette affaire, a fait preuve d'un autoritarisme qui ne ressemble pas à nos coutumes parlementaires. A-t-il agi pour l'intérêt général, ou pour celui de son parti ? Je n'ai pas la réponse à cette question. Mais son comportement n'a pas été digne de sa fonction. C'est tout.Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif -
Ni Suez, ni Panama ?
Commentaire publié dans GHI - 10.11.21
On nous promettait le Pérou, on en est hélas assez loin. Le CEVA, qu’on nous présentait il y a quinze ans comme la huitième merveille du monde, celle qui transfigure le quotidien et se rit des frontières, semble avoir encore quelques progrès à faire pour répondre aux espérances de ces années-folles.
Quelques progrès ? Demandons des chiffres. Quels sont les taux exacts de fréquentation ? Combien de monde, en dehors des heures de pointe ? Nos amis frontaliers le prennent-ils vraiment, ce train-miracle, ou demeurent-ils accrochés au volant de leur voiture ? Quelle fréquentation, le week-end ? Les gares sont-elles des lieux de vie, le commerce y est-il florissant, a-t-on envie de s’y attarder, de s’y donner des rendez-vous amoureux ? Le CEVA est-il un objet de désir ? Est-il rentable ?
Les coûts réels de ce chantier du siècle, quels sont-ils ? Le dernier dépassement, 12,5 millions, est-il le dernier ? Le CEVA, pompeusement nommé « Léman Express » par l’officialité, a-t-il fait prospérer les entreprises locales ? Les adjudications de marchés public ont-elles favorisé les firmes genevoises, plutôt que françaises, voire plus lointaines ?
Ces questions, certains députés se risquent à les poser. Ils attendent vainement les réponses. Tous les chiffres de cette aventure dantesque sont-ils consultables, transparents, à la disposition du public ? Règne-t-il une omerta ? Tout a-t-il été dit, comme il sied en République ? L’affaire est-elle close ? Aucun autre dépassement à attendre ? Ni Suez, ni Panama ? Juste Annemasse, vous êtes sûr ?
Pascal Décaillet
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Frontaliers : trois fois plus en vingt ans !
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 10.11.21
Il y a des chiffres qui parlent d’eux-mêmes : en l’an 2000, il y avait 30'000 travailleurs frontaliers sur Genève ; ils sont aujourd’hui 92'000. En vingt ans, le nombre a triplé. Ce chiffre est terrible, et je vais vous dire pourquoi. En précisant toutefois une chose, très importante : nos voisins français sont nos amis. Ceux qui travaillent à Genève, et que nous croisons tous les jours, participent à notre prospérité. Il ne s’agit en aucun cas d’ériger cette affaire en querelle de personnes, ni en guerre entre la Suisse et la France. Nous avons besoin de travailleurs frontaliers, et ils ont besoin de Genève. Le problème, ça n’est pas le principe des flux quotidiens transfrontaliers, mais leur nombre, devenu tout simplement écrasant.
Dire que le chiffre est terrible, ça n’est pas s’attaquer aux hommes et aux femmes qui viennent travailler chez nous, ils sont nos amis, je le répète. Dire que le chiffre est terrible, c’est s’en prendre non aux humains, mais au chiffre-lui-même, qui est tout simplement dévastateur. De même, vouloir réguler l’immigration vers la Suisse, ça n’est en aucun cas xénophobe, c’est juste vouloir protéger les Suisses, les plus faibles d’entre eux, les plus précaires dans leur statut professionnel, les plus exposés à la concurrence internationale. Réguler, c’est vouloir le salut de la cohésion sociale suisse. C’est, au fond, une affaire des Suisses entre eux, et non des Suisses contre les étrangers. Ceux qui vous disent le contraire, notamment la gauche immigrationniste et (de l’autre côté) les ultra-libéraux déracinés des patries, vous mentent. Entre ceux-ci et ceux-là, quelque part dans le souci de la cohésion sociale la plus puissante possible, s’est toujours tracé mon chemin politique : ni gauche, ni libre-échange ; ni Etat-Providence, ni génuflexion devant la tyrannie des marchés. Pour la Nation. Et pour le social.
Et c’est pour cela que je qualifie de « terrible » le triplement du nombre des frontaliers. Parce qu’il représente, à Genève, l’échec de l’Etat, de l’arbitrage, de la régulation, des équilibres (chers à Delamuraz). Et le triomphe du laisser-faire. D’une libre-circulation chaotique, échappant à toute règle, juste là pour satisfaire les appétits de profit d’un certain patronat. La sous-enchère, à Genève, ça existe ! La préférence cantonale a pourtant progressé, dans les consciences, ces quinze dernières années. Mais dans les consciences, seulement ! Dans les faits, on la laisse dormir au fond d’un tiroir ! Que fait l’Etat pour protéger les résidents genevois ? Que fait-il pour aider nos chômeurs, record de Suisse si l’on compte l’aide sociale ? Que fait-il pour former enfin, sur Genève, du personnel infirmier en nombre suffisant ? Que fait-il contre la sous-enchère ? Comment a-t-on pu laisser à ce point la jungle gagner la guerre, l’Etat capituler, le verbe perdre son crédit ? Et le parti même, à Genève, qui dès 2005, à juste titre, tirait la sonnette d’alarme, que lui reste-t-il de sa fougue, de sa combativité ? Ces questions dérangent ? Eh bien dérangeons !
Pascal Décaillet
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