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Liberté - Page 1567

  • Moutinot, Ramadan, la République



    Édito Lausanne FM – Jeudi 17.01.08 – 07.50h



    « Un enseignant doit respecter les valeurs de la République. Or, l’encouragement à la lapidation ne fait pas partie des valeurs de la République ». C’est la phrase, imparable, que vient de prononcer le conseiller d’Etat genevois Laurent Moutinot, sur les ondes de la Radio Suisse Romande, dans le cadre de l’affaire Hani Ramadan.

    Imparable, parce que tout le monde, à juste titre, doit condamner cette horreur. Qui d’entre nous aurait l’idée d’aller défendre l’idée de lapidation ? Sur le cas précis, au demeurant réglé par un accord financier, rien à dire.

    Rien, si ce n’est que, si j’étais enseignant à Genève, je solliciterais de Monsieur Moutinot quelques éclaircissements sur le champ exact de ce qu’il appelle « les valeurs de la République ». Pour la lapidation, d’accord. Pour condamner l’appel au meurtre, l’appel à la haine, d’accord. Ces principes, avant que d’en appeler aux « valeurs de la République », relèvent d’un document très intéressant, bien plus concret et mesurable, qui s’appelle le Code pénal. Un enseignant, en effet, comme tout citoyen, doit respecter le Code pénal.

    Mais au-delà de la loi, qui définira les « valeurs de la République » ? Monsieur Moutinot ? Un collège d’experts ? La pensée dominante ? Une Commission des Evidences ? Les ligues des Droits de l’Homme ? Une église, une chapelle ?

    Un enseignant est un fonctionnaire de l’Etat. A ce titre, il doit certes se plier à certaines règles. Mais un enseignant est aussi un homme ou une femme pour qui la liberté individuelle de penser est un moteur capital de l’existence. Peut-être pas jusqu’à la lapidation, admettons-le, le cas est tellement extrême. Mais, pour le reste, j’espère bien qu’on puisse continuer d’avoir, dans nos écoles, des gens de gauche ou de droite, croyants ou athées, voltairiens, sartiens, tocquevilliens, socialistes ou libéraux, de doutes ou de certitudes mêlées.

    La première valeur de la République, n’est-ce pas justement de parier sur l’aventure intellectuelle individuelle, le chemin de vie personnel, de ces personnes qui font sans doute le plus beau métier du monde : éveiller nos enfants aux lumineux mystères de la connaissance humaine ?

  • La fiscalité n'est pas un cadeau



    Édito Lausanne FM - Mercredi 16.01.08 – 07.50h



    « Cadeau fiscal » : c’est l’expression traditionnellement employée par ceux qui combattent les baisses d’impôts. « Cadeau fiscal pour les riches », « cadeau fiscal pour les plus favorisés », « cadeau fiscal pour les nababs » : on a l’impression, à chaque fois, de voir émerger dans notre imaginaire toute une oligarchie censitaire, nantie, ouatée, protégée des torpeurs de l’existence par des liasses de dollars, jusqu’aux oreilles.

    « Cadeau fiscal » : l’expression revient dans la grande bataille fédérale qui se joue autour de la votation du 24 février prochain sur la réforme de l’imposition des entreprises. « Cadeau fiscal » : la gauche genevoise, déjà, ressort l’incantation de ces deux mots magiques face au projet de l’Entente (libéraux, radicaux et PDC) de faire baisser de 34 à 30% le plafond de l’imposition sur le revenu. 30%, ça veut tout de même dire près de quatre mois par an de travail pour les impôts. Mais la gauche continue de parler de cadeau fiscal.

    Cette expression est étrange, et contredit un principe républicain majeur. Car enfin, jusqu’à nouvel ordre, et nous le savons tous pour payer régulièrement nos impôts, le premier « cadeau », le premier de tous, le premier don, le premier transfert d’argent, c’est tout de même celui du contribuable à l’Etat. Cet argent, que nous ne serions pas fâchés de garder pour nous, pour notre patrimoine, nos familles, nous le transférons à l’Etat.

    Nous le faisons certes pour d’excellentes raisons, que nul de raisonnable ne conteste : assurer un Etat fort, au service de tous, avoir une bonne sécurité publique, de bons hôpitaux, de bonnes écoles, de bonnes routes, de bons transports publics. Aider, aussi, les plus défavorisés, ceux qui sont restés sur le bord du chemin.

    Mais enfin, cette idée de « cadeau » postule que la norme serait de ponctionner à mort, au maximum, le brave contribuable, le presser comme une vache à lait. Et que l’exception, condamnable, serait de le presser un peu moins. C’est, ma foi, une bien étrange conception du champ républicain. Où l’Etat serait tout, la norme première, le précédent de toutes les existences. Comme une machine à Tinguely, nourrie de son propre mouvement. Et où l’individu n’aurait de sens que pour en engraisser les rouages. Cette conception oublie que l’argent de l’Etat, c’est notre argent à nous, celui de notre sueur, de notre effort, de notre travail. Que nous lui transférons, certes pour de bonnes raisons. Il faudrait peut-être, de temps à autre, que nos autorités financières, nos baillis fiscaux, nos fermiers généraux, aient l’élémentaire courtoisie de s’en souvenir. Au besoin, nous le lui rappellerons.

  • L'universelle araigne



    Édito Lausanne FM – Mardi 15.01.08 – 07.50h



    La rigueur, la patience de l’araignée, la détermination, la précision. Ce sont les qualités, éminentes, d’un homme que la Suisse romande connaît peu, trop peu, Hans-Rudolf Merz, le ministre fédéral des Finances. La vraie révolution, depuis quatre ans, de la manière d’envisager la politique financière de la Confédération, c’est lui. Aussi efficace sur les lames de fond qu’il est retenu sur la forme. Merz n’est pas un lyrique. Tout au plus quelques pointes, quelques piques, beaucoup d’humour, la connaissance de six langues, et une grande culture.

    Alors, qui est-il, cet homme qui nous annonce aujourd’hui, dans le Temps, un excédent de plus de quatre milliards pour les comptes 2007 ? Avant tout, un libéral. Un homme du Freisinn, ce concept de philosophie politique et économique dont la NZZ est le temple, qui concilie liberté de pensée et responsabilité individuelle. Un homme qui croit aux vertus de la concurrence, avec toute l’extrême difficulté que comporte, à vivre au quotidien, l’acceptation de ce principe. Concurrence entre les entreprises, lutte contre les cartels, mais aussi concurrence fiscale, internationale et intérieure à la Suisse.

    C’est aussi un homme qui nous a tous pas mal choqués, par ses premières déclarations, au début de son premier mandat, entrant en matière sur la privatisation d’espaces qui, à nous Romands en tout cas, nous paraissaient d’essence régalienne, c’est-à-dire ne devant relever que du domaine de l’Etat. À la réflexion, il apparaît qu’il voulait surtout lancer des balises pour tester l’opinion publique. Reste, aujourd’hui, la seule chose qui compte pour un grand argentier : les résultats. Et il faut bien avouer qu’ils sont bons.

    Le grand défi de Merz, à court terme, c’est la votation fédérale du 24 février prochain sur la réforme de l’imposition des entreprises, où on notera au passage qu’il ravit le leadership de la réflexion sur les PME à Doris Leuthard. Il s’agit de vitaliser les petites et moyennes entreprises, qui constituent 95% du tissu économique de notre pays. En allégeant leur charge fiscale. Cette votation, dont le libellé a l’air technique, est totalement politique, et son enjeu est passionnant. De son résultat, dépendra la politique future de la Confédération pour ceux qui, jour après jour, se battent pour l’esprit d’entreprise, l’emploi, la prospérité du pays. En jeu aussi, la manière avec laquelle l’opinion publique suisse entrevoit le statut du petit entrepreneur. C’est, bel et bien, une votation-test, et Hans-Rudolf Merz, qui l’a compris, ne va cesser, dans les semaines qui viennent, de monter en première ligne pour convaincre.

    L’occasion pour nous, notamment en Suisse romande, d’accueillir pour des débats et de mieux connaître cet homme secret et efficace, solitaire, d’une arachnéenne opiniâtreté. Et qui pourrait bien, par la patience du celui qui tisse en sachant où il va, jouer un rôle central dans la nouvelle dynamique du Conseil fédéral.