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Liberté - Page 1570

  • Eveline Widmer-Schlumpf : premiers signes d’habileté politique


     

    La Suisse romande ne connaît pas encore Eveline Widmer-Schlumpf, que j’espère bien recevoir très bientôt sur le plateau de « Genève à chaud ». Mais, à coup sûr, s’il est une qualité dont la nouvelle conseillère fédérale ne semble pas dépourvue, c’est bien l’habileté politique. Les premiers signaux, dans la construction de son état-major personnel, vont dans ce sens.

     

    On savait déjà que le démocrate-chrétien Livio Zanolari, Grison comme elle (mais italophone), habitué de tous les cabinets successifs depuis Flavio Cotti, y compris celui de Christoph Blocher, allait demeurer à son poste. Mais la nouvelle la plus surprenante, en termes d’ouverture, c’est l’engagement, que nous venons d’apprendre, du radical d’origine française Sébastien Leprat, aujourd’hui secrétaire politique du PRD, naguère l’un des responsables de la campagne des pommes de Jacques Chirac (1995).

     

    Un démocrate-chrétien, un radical dans l’entourage immédiat de la nouvelle ministre. Voilà qui marque une réelle intelligence politique. Et, surtout, un signal à son parti, l’UDC : « Vous ne voulez pas de moi dans le groupe au Chambres fédérales. Eh bien tant pis. Je travaillerai avec d’autres ».

     

    Reste à voir comment le parti radical suisse encaissera le « passage » du très civil et très courtois Sébastien Leprat dans une officine « rivale ». Leprat, l’un des proches de Fulvio Pelli. Et adepte, sans nul doute, du « relativisme » dans le positionnement politique…

  • Le Sorcier n'est pas mort



    Édito Lausanne FM – Lundi 07.01.08 – 07.50h



    À tous ceux qui ne cessent, depuis le 12 décembre, de danser autour du feu, extasiés de la mort du Grand Sorcier, ivres des vapeurs de leur exorcisme, je viens, ce matin, annoncer la nouvelle : le Sorcier est encore là, il est vivant, il est quelque part. On n’a pas fini de parler de lui.

    La Suisse, c’est un peuple de sept millions d’habitants. Avec ses désirs, ses élans de courage, ses peurs aussi. Un peuple complexe, multiple, qui réussit, de façon exceptionnelle, à faire vivre ensemble des gens d’horizons, de religions, de langues différents. Un peuple dont personne ne peut exactement prévoir les réactions.

    Ce peuple, Christoph Blocher a su, depuis plus d’une quinzaine d’années, lui parler. Il a su convaincre de plus en plus de monde. Au point de porter son parti, le 21 octobre dernier, au meilleur résultat atteint depuis la proportionnelle, en 1919. Et une avance de dix points sur le deuxième parti suisse, les socialistes. Qui sont, eux, en régression, puisqu’ils franchissent, à la baisse, la barre des 20%. Cela, ce sont les chiffres. Ils sont têtus.

    Par paradoxe, au moment de sa meilleure victoire devant le peuple, Christoph Blocher a été éjecté par le Parlement. Éjecté de quoi ? Du microcosme, tout au plus. De l’officialité. Ejecté d’un septuor où on a jugé bon de garder des personnalités aussi lumineuses que Moritz Leuenberger ou Samuel Schmid. C’est bon, Blocher ne sera plus au Conseil fédéral, n’y revenons plus.

    Je dis seulement : « Et alors ? ». Si vraiment, à 67 ans, cet homme, qui s’est tant investi dans la chose publique alors qu’il aurait pu tranquillement continuer sa carrière de milliardaire, se donne à lui-même le défi de jouer encore un rôle (qui sera défini le 18 janvier à l’Albisgüetli, la grande fête de l’UDC zurichoise), alors, croyez-moi, que ça vous plaise ou non, on n’a pas fini d’entendre parler du Grand Sorcier.

    Pas seulement parce qu’il a de l’argent. Mais parce qu’il est tenaillé, comme peu d’autres, par le démon politique. Parce que la politique, il sait la faire, comme peu d’autres, non dans le sérail, le microcosme, mais au milieu des gens, dans la diversité tellurique de ce pays. Ceux qui ont voulu l’enterrer, le 12 décembre, tous ces danseurs de pluie qui l’ont imaginé disparu, évaporé, comme par un tour de passe-passe, risquent bien d’en être pour leurs frais.

    Un mot, enfin, à tous ceux qui voudraient pousser l’exorcisme jusqu’à obtenir des journalistes qu’ils ne donnent plus jamais la parole à Christoph Blocher, au nom de je ne sais quelle normalisation, ou épuration de la pensée. Je leur réponds que nous continuerons, partout, d’observer l’actualité politique là où elle se fait, s’invente, s’imagine, de l’extrême gauche à la droite la plus dure. Et que personne – je dis bien personne – ne viendra, au nom d’une police de la pensée, nous dicter nos choix.

  • Saint Pascal, pendant un an?


     

    Je suis le premier à dire du bien de Pascal Couchepin, je l’ai fait souvent, bien avant que ça n’en devînt la mode. Le premier, aussi, à voir en lui un homme d’Etat, à coup sûr l’homme fort de l’actuel Conseil fédéral, ce qui tombe bien, puisqu’il est Président pour 2008.

     

    Mais à lire certains articles, depuis quelques semaines, certaines grandes interviews comme la double page d'avant-hier (jeudi 3 janvier 2008) dans le Temps, je commence à percevoir un frisson de dérive hagiographique. Ca n’est pas encore Dieu le Père, mais déjà le Rassembleur, une sorte de Nicolas de Flue, oui une forme de saint laïque devant lequel même une partie de la gauche s’extasie. Pierre-Yves Maillard, l’autre soir dans Forums, rendait hommage à ce radical qui avait su remettre la République au milieu du village. Maillard, le vieil ennemi de Couchepin dans les questions d’assurance maladie !

     

    Pardonnez ma discordance dans cette belle unanimité, mais j’ai des réserves. Les mots de «fascisme » et « Duce », à propos de Christoph Blocher, cet automne, me restent en travers de la gorge, et Dieu sait si je me sens plus proche de tout l’univers (politique, historique, philosophique) de Pascal Couchepin que de celui du tribun zurichois. Mais désolé, l’UDC, ça n’est pas encore le fascisme, Blocher ça n’est pas encore Mussolini. Et c’est en constatant, le 12 décembre à midi, le fabuleux résultat de Couchepin à la présidence de la Confédération (je veux dire, même les voix de la gauche !) que j’ai compris, rétrospectivement, tout l’intérêt qu’avait eu le vieux renard à oser une comparaison dont il savait le premier, en fin connaisseur de l’Histoire, qu’elle allait un peu loin.

     

    Que cela pût, un infinitésimal instant, procéder d’un calcul, voilà qui fait rougir et fulminer les bonnes âmes dont je lis déjà les lettres de protestation. Ainsi, pourtant, fonctionne la politique. Qui n’est pas affaire de morale, mais de luttes de pouvoir. Rien d’autre. Aussi simple qu’une basse-cour dans laquelle il y aurait un coq de trop. Pardonnez la crudité de mon analyse. Mais une once de cynisme, dans un océan de bons sentiments, fait parfois du bien. Non ?