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Liberté - Page 1573

  • La droite trahie

     

     

    Commentaire publié dans le Nouvelliste du jeudi 13.12.07

     

    Christophe Darbellay est sans doute l’un des politiciens suisses les plus doués de la jeune relève, mais là, je ne comprends pas. S’acoquiner dans la pénombre avec les socialistes et les Verts, casser l’alliance historique avec les radicaux, pour le goût du mirage et le sel improbable de l’aventure, il y a là un geste qui relève plus du desperado de western que de la construction d’un destin politique.

     

    Oh, certes, le coup est magistral. Quatre ans et deux jours plus tard, l’affront subi par Ruth Metzler est vengé. La logique de vendetta a fait son œuvre, les parrains sablent le champagne, avec comme alliés la gauche de la gauche de ce pays. La belle alliance ! Mais pour quels lendemains ? La droite lacérée, le camp bourgeois divisé pour longtemps, et l’UDC, peut-être, dans la rue pour quatre ans.

     

    La démocratie chrétienne suisse doit clairement dire à quel camp elle appartient. Et ce camp, historiquement, philosophiquement, économiquement, ne peut être que celui de la grande famille de droite. En fût-elle l’aile sociale, familiale, tout ce qu’on voudra. Mais la droite, de grâce ! Avec un minimum de fidélité, de loyauté, de cohérence.

     

    Or, le coup d’hier, aussi prestigieux soit l’agneau sacrificiel, c’est un coup des socialistes et des Verts, avec la complicité du PDC. C’est cela, la nouvelle majorité sous la Coupole ? Si oui, on aurait pu avoir la courtoisie, au moment des élections, d’’en informer les électeurs. Je pourrais comprendre que les partenaires de droite du PDC, à commencer par les radicaux, dans les temps qui viennent, lui demandent quelques comptes.

     

    Surtout, même en termes de finalités florentines, dans lesquels Christophe Darbellay excelle, il faut se rendre à une évidence, que Georges Pompidou, magistralement, avait rappelée à Jacques Chaban-Delmas au lendemain de son discours de 1969 sur la « Nouvelle Société » : si la droite, parfois, fait des cadeaux à la gauche, ou croit marquer des points en pactisant, la réciproque, elle, ne se vérifie jamais. C’est une loi de la politique, aussi vrai que le Centre est un mythe, une montre molle, une liquéfaction du courage, un mirage au cœur du désert.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Ah, les braves gens!



    Édito Lausanne FM – Jeudi 13.12.07 – 07.50h



    Ah, il faut les lire, ce matin, il faut voir leur jouissance, leur extase de héros. Tyrannicides, tant qu’on y est. On se croirait dans Plutarque, Shakespeare : Brutus, Cassius, César, Antoine ; ils auraient eu raison du monstre, l’auraient terrassé au péril de leur vie, auraient sauvé le pays. Ah, les braves gens !

    La réalité est un peu différente. Un parti, charnière dans notre échiquier politique, un parti oubliant ses alliances, son appartenance à la grande famille de la droite, le PDC, a passé contrat avec les socialistes et les Verts pour avoir la peau de Christoph Blocher. Ces trois-là, moins quelques voix démocrates-chrétiennes de Suisse centrale et orientale, plus quelques miettes de défection radicale, voire UDC, ont obtenu une majorité. C’est simple, sec comme une mathématique d’ombre, pointu comme l’extrémité d’une lame.

    Je ne reviendrai pas, ce matin, sur certains gestes troubles de cette élection, comme l’indécence de ces mains levées vers le ciel, en signe de victoire, en pleine enceinte du Parlement, de Luc Recordon. Sauf mon respect – réel – pour cet homme politique, juste lui rappeler que le sanctuaire des élus du peuple n’est pas exactement une tribune de football. Et qu’un minimum de retenue, dans la victoire, n’est parfois pas de trop.

    Je ne reviendrai pas sur les propos délirants de certains Verts, persuadés d’avoir terrassé le dragon, débarrassé la Suisse du monstre. L’Histoire, en rediffusant dans quelques années ces propos d’archives, jugera d’elle-même.

    Non, ce matin, je veux dire autre chose. Si ces gens-là s’imaginent avoir tout réglé en remplaçant la ligne Blocher par deux gentils agrariens des ailes grisonne et bernoise, alors ils risquent de déchanter dans les mois et les années qui viennent. Quand un homme politique est doué (cela, même ses pires adversaires le reconnaissent), il l’est jusqu’à la mort. Blocher n’a que 67 ans, il est en pleine santé, sa puissance de travail et d’inventivité sont phénoménales. Chef de l’opposition, demain, il entraînera dans son sillage toutes les Suissesses, tous les Suisses à qui le pronunciamiento parlementaire d’hier a donné un peu la nausée. Cela pourrait faire pas mal de monde.