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Liberté - Page 1574

  • Une erreur historique

    Ourdi depuis la fin de l’été, le complot des socialistes et des Verts pour évincer Christoph Blocher a fini par recevoir l’appui du PDC, et par réussir devant l’Assemblée fédérale. N’en déplaise à l’immense majorité des commentateurs et à la jouissance des putschistes de ce matin, cette victoire de la combinazione contre la volonté du peuple, clairement exprimée le 21 octobre dernier, se retournera un jour contre les vainqueurs d’aujourd’hui.

     

    L’UDC plébiscitée par le souverain, c’est celle de Blocher, pas celle de Schmid ni de Madame Widmer-Schlumpf.  S’imaginer que tout va rentrer dans l’ordre en neutralisant l’UDC avec deux gentils agrariens, c’est n’avoir rien compris à la lame de fond populaire qui, d’année en année, ne cesse de monter en Suisse.

     

    Christoph Blocher est encore jeune. Il a en lui une puissance de travail phénoménale. Chef de l’opposition, demain, il amènera la Suisse dans l’ère de la confrontation, par la voie référendaire et parfois aussi celle de la rue. Il entraînera dans son sillage les Suissesses et les Suisses, innombrables, à qui le petit jeu parlementaire de ce matin aura donné la nausée.

     

    Mardi 12 décembre 2007  - 12.35h

  • Nuit magique



    Édito Lausanne FM – Mercredi 12.12.07 – 07.50h



    Dans sept minutes exactement, à l’issue de cette chronique, le grand bal fédéral va commencer. Ce rituel, toujours le même : vingt minutes par tour, les urnes qui se remplissent, les huissiers – les grands prêtres - en grande livrée qui les transfèrent religieusement, comme des calices, dans la salle du dépouillement, les bruissements des Pas perdus. Tout cela, toujours en décembre, au cœur d’une vieille ville de Berne superbement illuminée, prête à affronter, dans sa tradition de bonne humeur, la nuit de l’hiver.

    Oui, nos liturgies politiques, en Suisse, sont magiques. J’ai mené une impressionnante quantité de débats en direct dans la Salle des Pas perdus, soit pour l’élection du Conseil fédéral, moment de grâce comme ce matin, soit en marge de travaux parlementaires. C’est prodigieux comme situation, nul pays au monde n’offre une telle contiguïté entre journalistes et députés : vous êtes là, devant ces portes battantes, style portes de saloon dans les westerns, qui séparent le sacré du profane, le monde des élus de son antichambre.

    Vous êtes là, avec votre micro, et c’est la pêche miraculeuse. Les parlementaires ne cessent d’entrer et sortir, c’est un bal hallucinant pour un néophyte, et, dès qu’ils surgissent, si le cœur vous en dit, vous pouvez les assaillir, les prendre en direct dans votre émission. Nombre d’entre eux, d’ailleurs, ne demandent que cela : c’est une forme de pêche assez particulière, où nul ne sait exactement qui joue le rôle de l’hameçon. Si vous n’avez pas, un minimum, ce sens du clin d’œil et du jeu de séduction, cet univers de meurtres symboliques n’est pas taillé pour vous. Ni comme politicien, ni comme journaliste.

    Le système suisse, avec ce Parlement roi, faiseur et défaiseur de princes, c’est la Quatrième République. Un système hérité de Diètes lointaines, ces temps des diligences où il fallait des jours pour se rendre à Berne, et qui, au début du troisième millénaire, perdure. Un système où la caste parlementaire confisque au peuple un suffrage qui, bien sûr, n’a de véritable sens, en démocratie, que lorsqu’il est universel. Alors, la Nuit des longs couteaux, ce délicieux mythe, c’est la nuit de gloire, la Walpurgis, de 246 grands électeurs transcendés, dans l’ivresse de leur imaginaire, en princes d’Empire. Tout cela, dans les lumières de Noël de la Berne nocturne. C’est un peu dérisoire, mais c’est comme une nuit d’Escalade : au cœur de l’Avent, comme défi à cette longue nuit qui s’installe, c’est tellement magique.


  • Raison d'Etat



    Édito Lausanne FM – Mardi 11.12.07 – 07.50h



    La visite de Mouammar Kadhafi en France, en grande pompe et pendant plusieurs jours, la première depuis 1973, irrite les bonnes âmes. Bernard Kouchner dit son malaise. La secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, Rama Yade, parle de symbole scandaleusement fort.

    Ils peuvent regretter tant qu’ils veulent, gémir, geindre, il n’y a, en France, depuis un demi-siècle, qu’un seul patron pour la politique étrangère, il n’est ni au Quai d’Orsay, ni dans un improbable secrétariat d’Etat, mais bel et bien à l’Elysée. Le patron, c’est le Président de la République.

    Cela, c’est pour la forme. Reste le fond, qui donne totalement raison à Nicolas Sarkozy dans cette affaire. Il faut, une fois pour toutes, le rappeler aux droits-de-l’hommistes : il n’a jamais été écrit nulle part que la politique étrangère ne consistait qu’à traiter avec des gens convenables. La politique étrangère, ça n’est pas, ça ne doit pas être, un cortège de morale et de bons sentiments ; c’est l’un des leviers des intérêts supérieurs de la nation, rien d’autre.

    Kadhafi n’est pas un saint. Et alors ? La France a parfaitement le droit de mener, face au monde arabe, auquel elle est liée par une équation historique, face à l’Afrique du Nord encore plus, la politique qui est la sienne. Laquelle, jusqu’à nouvel ordre du monde, que personne de lucide, pour l’heure, ne voit vraiment poindre à l’horizon, ne se décide ni à Bruxelles, ni à Washington, mais à Paris.

    Dans la réception de Kadhafi, il y a l’argument économique, les contrats. Cela fait partie du jeu. Mais il y a surtout le signal politique. Voilà un président, Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas nécessairement très bien commencé en politique étrangère, déclarant à Washington une flamme atlantiste qui ne correspond pas au sentiment profond des Français. On a pu, un moment, se dire qu’on était entré dans l’ère de l’obédience. Et puis, là, voilà comme un rappel : la France reçoit qui elle veut, quand elle veut, comme elle veut, elle n’a en aucune manière à en référer à ses alliés. Cela porte un nom, bien lointain pour Sarkozy, au point qu’il donnait presque l’impression de l’avoir oublié : cela s’appelle le gaullisme.

    Reste enfin que, pour la politique arabe, notamment méditerranéenne, la diplomatie française, riche de deux siècles de réseaux, à vrai dire depuis le voyage de Bonaparte en Egypte, puis par la présence coloniale, a sans doute un peu plus de pertinence à entrer en action que les gros sabots de l’Oncle Sam, dont on peut goûter et apprécier à sa juste mesure, depuis bientôt cinq ans, l’éclatant succès en Irak.