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Mai 68, non merci! (2/5)



Édito Lausanne FM – Mardi 01.04.08 – 07.50h



Ils voulaient jouir sans entraves, c’était écrit sur leurs murs. Enfin, sur les murs des autres. Il y a ceux qui jouissent sans entraves, ceux qui ont besoin d’entraves, de fer ou de cuir noir, pour jouir, ceux qui ne jouissent jamais, ceux qu’une étincelle enflamme, ceux qui pourraient passer devant Rome en feu, tout juste en sifflotant. Animal politique, l’homme est aussi une bête polymorphe.

C’était une aventure personnelle, au fond, des dizaines de milliers de rêves individuels. C’était une grande illusion libertaire, je respecte cela, je puis à peu près le saisir. Mais ils prétendaient parler de politique. Ils prétendaient parler de Révolution. Un si beau mot, bouillant comme un astre en fusion. Ils n’avaient que ce mot-là, partout.

Politiquement, ils n’ont rien révolutionné du tout. Sur le moment, en France (oui, je sais, le mouvement était plus large, mais je parle ici de la France), ils ont même réveillé le pays de la peur, d’où les élections de juin, et le bleu horizon de la Chambre la plus réactionnaire depuis 1919. De leurs rêves, politiquement, rien n’est resté. Rien, si ce n’est leur désir de jouissance, joué et rejoué dans les années 1970. Oh, pour parler de sexe, ils étaient si forts.

Ils étaient des révoltés, pas des révolutionnaires. Ils étaient, pour beaucoup, une jeunesse nantie, dans une France prospère, et leur mouvement n’a strictement rien à voir avec celui des ouvriers. Dès que ces derniers ont eu, grâce au jeune Chirac et à Georges Séguy, les accords de Grenelle, et cette poussée du SMIC comme une fusée, ils sont bien vite rentrés travailler. Le parti communiste, plus encore que le parti gaulliste, détestait 68. La plupart des dirigeants de l’époque, à commencer par François Mitterrand, sont passés complètement à côté du mouvement, et je ne suis pas sûr que l’épisode de Charléty, opportuniste plus que sémantique, ait vraiment grandi cet homme admirable qu’était Pierre Mendès France.

Ils voulaient jouir sans entraves, interdire d’interdire, du passé faire table rase. Soit. Mais qu’ont-ils obtenu, vraiment ? Ils voulaient renverser le pouvoir, n’ont fait que le conforter, et dans sa frange la plus dure, la plus bourgeoisement pompidolienne, la jouissance, suintante et sudoripare, par le bas de laine. Au génie visionnaire de Charles de Gaulle, succédait, pour des années, la tranquillité des gestionnaires. La victoire de Guizot sur Bonaparte.

Socialement, je ne dis pas. Familialement, je ne dis pas. Vestimentairement, je ne dis pas. Sexuellement, je veux bien. Mais politiquement – c’était tout de même le champ avoué de leurs attentes – Mai 68 est un échec.

Demain, je vous parlerai enseignement. Ou je vous raconterai la traversée de la Bérézina. Ce qui revient à peu près au même.

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