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Sur le vif - Page 848

  • Formation en journalisme: une défaite pour Genève

     

    Sur le vif - Lundi 01.07.13 - 19.40h

     

    Je viens d’apprendre la nouvelle par mon confrère David Ramseyer, de Léman Bleu : la mention journalisme du Master en sciences de la communication et des médias quitte Genève. Il y aura désormais un Master en journalisme et communication à l’échelle romande, ce qui n’est pas un mal en soi. Mais, hélas, la formation spécifique en journalisme quitte Genève pour Neuchâtel. Genève se spécialisera dans la communication.

     

    Il se trouve que, depuis cinq ans, j’enseigne dans ce Master, mention journalisme. Les étudiants viennent dans le studio de mon entreprise, je fais venir un technicien, et nous vivons, tous ensemble, à un rythme soutenu, les ateliers radio que je pratiquais déjà, auparavant, au CRFJ (Centre romand de formation des journalistes) et à l’interne de la RSR. Ils viennent par groupes de cinq, et sont très heureux de « faire enfin de la pratique ». Je connais donc de l’intérieur cette formation, en apprécie beaucoup l’ambiance, sais ce qu’elle doit aux années d’efforts du professeur Uni Windisch, son fondateur, aujourd’hui à la retraite de l’Université.

     

    Je ne plaide pas ici pro domo, ayant quinze mille autre activités, y compris dans l’initiation aux métiers du micro, mais pour les étudiants, et pour le rayonnement universitaire de Genève. Sur ces bases-là, oui, je l’affirme : le départ de la mention journalisme est une très mauvaise nouvelle pour Genève. Pour la réflexion sur ce métier. Mais aussi, la place de Genève comme pôle formateur de premier plan.

     

    Bien sûr, l’autre mention, la « communication », demeurera à Genève. C’est très bien. Mais former de futurs attachés de presse, métier parfaitement respectable, ça n’est pas former des journalistes. Il y a des points communs, tout ce qui touche à la forme. Mais il y a de profondes différences : l’acquisition de cette posture d’indépendance, oui ce long de chemin de solitude, qui fait un jour un journaliste. Cela ne se travaille pas de la même manière.

     

    Mon enseignement à l’Université, je le donne, comme tout ce que je pratique, à l’externe, comme entrepreneur indépendant. Je n’ai donc, à l’heure où j’écris ces lignes, strictement aucune idée de ce qui s’est passé pour que cette mention journalisme quitte Genève. Nos autorités universitaires (le rectorat), le Département de l’Instruction publique, le monde politique en général ont-ils été mis au courant de ce qui se passait ? Ont-ils été placés devant le fait accompli ? Certains d’entre eux, ce soir, jouissent-ils intérieurement de voir démanteler le legs d’un homme, UIi Windisch, qui a passablement dérangé leurs conforts de pensée ?

     

    Tout cela, je n’en sais rien. Mais je regrette infiniment l’appauvrissement de la place genevoise dans la formation en journalisme. On n’enseigne pas le métier de journaliste de la même manière, avec les mêmes paradigmes, les mêmes échantillons, le même environnement à Genève qu’à Neuchâtel. Mais les trains, apparemment, on a assez bien appris à les voir passer. En soupirant et en baissant les bras.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Gauchebdo, Circé, les pourceaux

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    Sur le vif - Samedi 29.06.13 - 17.42h

     

    A nouveau un remarquable numéro de Gauchebdo (no 26-35, spécial été, 28 juin 2013). Un journal qui respecte ses lecteurs, ne les prend pas pour des demeurés, leur élargit le champ du possible. Pour le seul volet culturel de cette édition, on retiendra, en vrac, une demi-page sur le Festival de Lucerne, d'Ernest Ansermet à Claudio Abbado; un papier sur la réédition de "La Pacification" de Hafid Keramane, sur les heures noires de la guerre d'Algérie; une page complète autour des 125 ans de Gottlieb Duttweiler, le fondateur de la Migros, avec un encadré plutôt sévère sur la mégalomanie de ses épigones. Ou encore, un bel hommage à Jean Ferrat.



    Gauchebdo, le journal de quelques militants communistes suisses, enfin disons Parti du Travail et poussières de météorites gravitant autour, qui nous propose, au mètre carré de pagination, la meilleure densité du week-end. Pour nous ouvrir des horizons historiques, philosophiques et artistiques. Non à la manière de Circé, qui transforme en pourceaux les compagnons d'Ulysse. Mais comme des humains fiers de leur plume, habités par l'idée de transmettre au plus grand nombre, à commencer par ceux qui n'ont pas nécessairement un accès facile à la culture. Noble tâche !



    Pendant ce temps, la presse orangée de la semaine (pas celle du dimanche, j'en conviens), captive de ce méga-groupe transformé par les Zurichois en machine à fric et rien d'autre, et fabriquée par une armada de collaborateurs en comparaison du modeste et artisanal successeur de la Voix ouvrière, nous produit de la sous-culture sur des sujets frivoles, pétaradants d'insignifiance,  totalement dénués d'intérêt public. Il y a de quoi enrager.

     

    Cette disproportion, ce jeu de fange et d'éclairs, d'un côté des fragments d'intelligence, de l'autre le boueux mépris du public, il faudrait n'en point parler ? Se taire ? Laisser au vestiaire sa révolte. A cela, je dis non. Le presse romande mourra de son manque d'ambition et de courage. Il est tout de même assez fou qu'il appartienne à une feuille politique datant de 1944, fruit de la passion d'une poignée de Mohicans, de sauver ce qui reste d'honneur. Ils sont là, roides et fiers, archaîques paraît-il. Les autres, dégoulinant de modernité creuse, ne sont plus qu'en génuflexion. Pour certaines activités, visant à l'extase de l'actionnaire, c'est sans doute plus facile.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le Temps : tapis rouge pour Rethondes

     

    Sur le vif - Lundi 24.06.13 - 10.02h

     

    Sous la plume de notre talentueux confrère Alexis Favre, le Temps de ce matin nous explique, au nom du réalisme, les raisons d'abandonner notre souveraineté. Cela rappelle d'autres discours, à d'autres époques: soyons raisonnables, capitulons. Le Temps nous déroule un merveilleux tapis rouge, tellement convenable, tellement doux, pour signer l'armistice, dans le wagon de Rethondes, forêt de Compiègne.



    Pour notre part, nous préférons la folie du refus à la raison de l'alignement. C'est de cela, justement, oui de cette résistance, que sont nées les nations. Et nous croyons beaucoup, encore, n'en déplaise aux modes, à l'échelon national comme espace de reconnaissance de valeurs, de liberté démocratique, de mémoire commune, de citoyenneté partagée. Une chose est sûre: l'échelon multinational, ou supranational, n'a pour l'heure rien réussi à prouver dans l'ordre de ces vertus-là, le flagrant déficit démocratique de l'UE étant à lui seul suffisamment éloquent. Tous les partisans, sans exception, de l'excellente matinale spéciale Europe, ce matin, à la RSR, reconnaissaient ce déficit comme le fléau premier.



    Nous reviendrons sur ce texte du Temps, ici même, pour en élaborer une sévère critique. Regrettons enfin que l'auteur, quant à la forme, se soit cru obligé de parsemer sa démonstration de citations, ne faisant ainsi pas assez la part entre le papier journalistique classique, qui expose un problème avec les pour et les contre, et le commentaire assumé, où il convient de serrer au plus près la ligne de sa thèse. Cela vient-ils de sa propre prudence, de sa peur du conflit ou de l'Etiquette du Temps, pour ne pas froisser les salons, en matière d'auto-castration?

     

     

    Pascal Décaillet