Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif - Page 324

  • Charles de Gaulle et les éternels retardataires

     
    Sur le vif - Mardi 09.11.20 - 14.58h
     
     
    "Comment? Tu n'as encore rien écrit sur de Gaulle, le jour même du 50ème ?".
     
    L'affaire est simple : Charles de Gaulle a longtemps été l'un des hommes de ma vie, la Suisse romande le sait, et un coup d'oeil sur ma bibliothèque vous en dirait plus que tous les discours. Je suis né au printemps 1958, au moment même où il revenait aux affaires. J'ai grandi avec lui à la télé, j'ai vécu en direct tous ses grands discours, nous avions la télé française.
     
    J'ai suivi passionnément la campagne de décembre 1965, première présidentielle au suffrage universel. Je voyais défiler tous les concurrents du Général, qui avaient enfin droit à un peu d'antenne. Je me souviens de tous. Je me souviens de Lecanuet, aux dents blanches. Je me souviens de Mitterrand. Je me souviens de mes conversations avec mon ami Bertrand Ledrappier, sur le chemin de l'école.
     
    Et puis, tout le reste. Le 9 novembre 1970, bien sûr, ou plutôt le 10 : à midi, je rentre de l'école pour manger chez moi, ma mère m'annonce la nouvelle, ambiance de temps suspendu. Quelques jours plus tard, doubles funérailles, en direct, celles de Colombey, celles de Notre-Dame.
     
    J'en reste là. Une vie de lectures. Pourtant, il faut que je vous dise. Aujourd'hui, de Gaulle fait l'unanimité, ce qui n'a jamais été le cas de son vivant. Et paradoxalement, depuis quelques années (une bonne dizaine, en tout cas) le miracle opère moins sur moi. Oh, c'est l'une des deux ou trois plus grandes figures de l'Histoire de France, pas de problème. Mais ayant tout lu, ayant commencé trop jeune à tout lire et relire, j'ai atteint comme un phénomène de saturation.
     
    Et je vois, avec pas mal d'agacement, les opposants - ou les indifférents - de l'époque se convertir au gaullisme. Le temps fait son oeuvre, la figure immense de Charles de Gaulle s'ancre dans l'Histoire, cela aurait dû être fait de son vivant, c'était possible, c'était lisible. Pour qui sait lire.
     
    Les pires conversions, qui me révulsent : celles des anciens soixante-huitards. Il ont vieilli, ils ont fini par comprendre. Mais il en aura fallu, du temps ! Ils avaient choisi la mode, le jeunisme, la jouissance de meute, alors qu'ils auraient pu - c'était possible, c'était lisible - soutenir le seul révolutionnaire du pays, celui de la Libération, celui de la Sécurité sociale, celui du droit de vote aux femmes, celui de la Constitution de 58, celui de l'Algérie indépendante, celui de la décolonisation, celui de la Réconciliation franco-allemande.
     
    Aux soixante-huitards, je ne reproche au fond qu'une chose : leur lenteur. Dans l'observation de la politique, il convient d'être un peu réveillé, en phase avec le présent, grâce aux clefs de lecture que nous donne un vie entière consacrée à l'observation du passé. Il faut ignorer les modes, choisir les chemins de solitude.
     
    Ils sont passés à côté de Charles de Gaulle. Ce sont des retardataires. Je ne les aime pas. Je ne leur accorde aucune considération.
     
    Pour leur pardonner, il faudrait être un saint. Je suis, hélas, tout le contraire.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Sainte Kamala, icône

     
    Sur le vif - Dimanche 08.11.20 - 13.57h
     
     
    Et c'est parti pour la mise en icône de Kamala Harris ! Personne, en Suisse romande, ne connaît cette femme. Personne, hormis quelques spécialistes de la politique américaine, n'avait entendu parler d'elle, avant que Joe Biden ne la choisisse comme colistière.
     
    Personne ne la connaît. Mais tout le monde l'adule. En raison de sa vision politique ? De ses priorités ? De sa conception du monde ? On ne les connaît pas, si ce n'est quelques vagues préjugés progressistes.
     
    Non. On sanctifie Kamala Harris, comme on a sanctifié Obama en 2008, sans la connaître vraiment. Parce qu'elle est femme. Par le jeu de ses apparences, qui sécrète l'illusion qu'elle va casser la baraque, et renouveler le mythe kennedyen des Nouvelles Frontières.
     
    Il y a des gens à qui on fait le procès de sale gueule. Kamala Harris, Barack Obama, c'est le contraire. On les propulse dans le firmament, par bénéfice d'image.
     
    Joe la Terreur l'a bien compris, en la mettant sur sa liste. Conscient de son propre déficit de charisme, il avait besoin d'un coup marketing. Et il a transformé son essai. Sacré Joe !
     
     
    Pascal Décaillet

  • Les justiciers de la 25ème heure

     
    Sur le vif - Dimanche 08.11.20 - 10.41h
     
     
    Lorsque François Longchamp était au sommet de son pouvoir, et qu'il pouvait, tout à loisir, actionner ses réseaux de l'ombre dans la République, avec son commis de basses oeuvres, je le disais. J'attaquais François Longchamp. Et j'étais bien seul. Partout, on me disait : "Fous-lui la paix, c'est un homme très intelligent", ce dont je n'ai d'ailleurs jamais disconvenu.
     
    Lorsque Pierre Maudet, il y a quelques années encore, trônait au faîte de sa puissance, et faisait jouer les fusibles sur de grands policiers, qu'il humiliait en public, je le disais. J'imagine que le nom de M. Cudré-Mauroux vous rappelle quelque chose. Je l'avais défendu, j'avais incendié le système Maudet. Et j'étais bien seul. Partout, on me disait : "Fous-lui la paix, c'est un homme très intelligent", ce dont je n'ai jamais disconvenu. Je me souviens de deux confrères genevois qui avaient pris la défense de leur cher ministre, estimant que ma thèse du fusible relevait de la parano. Les deux mêmes, lorsque Maudet est tombé, ont été les premiers à se ruer sur lui. Moi, dès ce moment, je l'ai laissé tranquille. Je ne touche jamais un homme à terre.
     
    Aujourd'hui, c'est Mauro Poggia qui dysfonctionne. Un homme dont je reconnais l'intelligence, la compétence, le souci du bien public. Mais il a beaucoup trop de pouvoir, règne par ukases, ne supporte pas la moindre critique. Alors, simplement, sans haine, je le dis. Parce qu'il s'agit de dire les choses, au plus juste. Et je suis bien seul : "Fous-lui la paix, c'est le seul qui bosse !", ce dont je ne disconviens (presque) pas.
     
    La morale de l'Histoire ? C'est qu'en analyse politique, il faut être un peu réveillé. Rapide. Juste. Parce ce que, désolé, les justiciers de la vingt-cinquième heure, ceux qui lèchent l'homme de pouvoir au sommet de sa gloire, et le piétinent avec la meute s'il vient à tomber, non merci. Pour ces éternels retardataires, dépourvus de courage et de puissance de solitude, j'éprouve une considération relativement limitée.
     
     
    Pascal Décaillet