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Commentaires GHI - Page 89

  • Le dernier mensonge du journalisme

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.01.22

     

    On entend souvent dire que le journalisme est indispensable à la démocratie. C’est faux. Et c’est un passionné du métier, journaliste professionnel depuis 36 ans, qui l’affirme. Je vais même plus loin : il arrive hélas, de plus en plus souvent, que le journalisme, en Suisse, soit contraire à la démocratie. Non par les sujets qu’il traite, mais par ceux qu’il tait. Par son obédience au pouvoir, tous les pouvoirs, quels qu’ils soient : le Conseil fédéral, les différents Conseils d’Etat, les puissants de l’économie et de la finance, les modes de pensée dominante. Bref, tout ce que, depuis tant d’années, je dénonce ici. Je connais des hommes et des femmes libres : désolé, mais ils sont rarement journalistes.

     

    Ce qui est « indispensable à la démocratie », ça n’est pas spécifiquement le journalisme. Non, c’est la démocratie elle-même ! Nous avons besoin, en Suisse comme ailleurs, de cet espace de liberté des esprits, d’indépendance intellectuelle, qui est le fondement même d’un Etat sain, où tous puissent s’exprimer, sans risquer de rétorsions. Mieux : en Suisse, nous consacrons cette liberté, venue d’en-bas, par l’institution, absolument essentielle, de la démocratie directe. Les citoyennes et citoyens ont le droit de se réunir, d’émettre et publier leurs opinions, celui de contester une loi par référendum, et, mieux encore, celui de changer la Constitution par la voie de l’initiative. C’est cela, la démocratie ! Ce sont ces valeurs-là, et pas spécialement le journalisme, qui nous sont vitales, indispensables.

     

    Exprimer nos opinions ? Nous le pouvons, de mille autres manières qu’en écrivant dans des journaux. Je dis et répète, depuis des années, que les réseaux sociaux sont une prodigieuse invention, qui donne à tous la possibilité d’exercer leur liberté d’esprit. Bien sûr, il y a des abus, des saloperies de meutes, des délateurs de l’ombre. Mais au fil des années, cela se nettoiera, et la grande Révolution technique permettant la mise en réseau horizontale et le partage universel des connaissances, apparaîtra comme aussi révolutionnaire que l’avènement de l’imprimerie. Les journaux, les « rédactions », bref tout ce qui constitue l’appareil corporatiste du métier, vous clament le contraire. Ils passent leur temps à noircir les réseaux sociaux, n’en souligner que les dérives, certes bien réelles. En réalité, ils ont peur. Ils sont jaloux. Ils voient bien qu’a émergé, dans nos sociétés, sans retour, une nouvelle organisation du partage des idées. Alors, ce sont eux, depuis quelques années, qui lancent désespérément ce pitoyable slogan : « Le journalisme est indispensable à la démocratie ».

     

    Non, il ne l’est pas. Le journalisme n’est pas vraiment né avec Théophraste Renaudot et sa fameuse Gazette, au dix-septième, mais deux siècles plus tard, à l’époque de Balzac et de la Révolution industrielle. Il a atteint son apogée avec l’Affaire Dreyfus. Aujourd’hui, il périclite. L’effervescence des idées est extérieure à son périmètre. Il se sent disparaître, il se voit mourir. Alors, en guise de cri ultime, il nous lance : « Je suis indispensable ». C’est le dernier de ses mensonges.

     

    Pascal Décaillet

  • Le sens du vent

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.01.22

     

    Ça n’est qu’un sondage, ne nous emballons pas. Mais tout de même : l’étoile des Verts, en Suisse, semble commencer à pâlir. Elle avait déjà pris la lumière, en 2011, suite à l’accident nucléaire de Fukushima, éhontément exploité par les états-majors écologistes d’Europe, et notamment dans notre pays. Elle s’était ternie, elle avait repris du poil de la bête avec la question climatique. Et là, à nouveau, les gens semblent commencer à se rendre compte des limites d’un certain langage : celui des prophéties d’Apocalypse.

     

    Curieux, tout de même, ce terreau politique qui puise ses racines dans la peur ressassée des catastrophes. Rien de nouveau, l’Histoire regorge d’exemples. Mais tout de même, entre citoyennes et citoyens libres, responsables, rationnels, on peut espérer mieux que cet appel continuel au grand frisson. Si les Verts devaient régresser d’ici aux élections fédérales d’octobre 2023, ils le devraient à eux-mêmes : la part excessive de leur propre discours.

     

    Les gens ne sont pas dupes, ils décèlent l’opportunisme, l’exagération, la propagande, la tentative d’imposer une terminologie : « Crise climatique, transition écologique, mobilité douce ». Il arrive que les plus empressés des fidèles se lassent, eux aussi, des lourdeurs du catéchisme.

     

    Un jour viendra où cette mode se calmera. Et où les petits malins des autres partis, tout empressés aujourd’hui à voler aux Verts leurs mots pour surfer sur la vague, auront l’air, rétrospectivement, bien misérables, dans leur suivisme, leur manque de courage, leur lamentable comportement de plagiaires. Juste pour être dans le sens du vent.

     

    Pascal Décaillet

  • On n'est pas là pour se faire emmerder !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.01.22

     

    On pensait avoir tout vu, tout entendu. On se disait qu’on avait vécu le pire. C’était sans compter sur Emmanuel Macron. Le Président français, de façon relue et assumée, donc par coup politique calculé, entend « emmerder » plusieurs millions de ses compatriotes. C’est au moins clair. Tellement arrogant, tellement français dans le pire des sens, celui d’un pouvoir vertical, le Prince qui méprise la plèbe, que ça prête à sourire. Et surtout, ça donne à réfléchir : non au Covid (on en parle assez, partout ailleurs, et je n’ai strictement rien d’original à déclarer sur le sujet), mais au rapport que nous, les Suisses, entretenons avec le pouvoir. Nous ne sommes pas français. Nous avons une autre Histoire, plurielle, complexe, décentralisée. Nous aimons l’ordre, la propreté, les trains qui arrivent à l’heure, les montres bien faites. Mais au fond de nous, nous détestons les puissants, tout au moins ceux d’entre eux qui affichent leur majesté. En un mot, on veut bien s’arrêter aux feux rouges, appliquer le règlement, jeter le plus infinitésimal papier à la poubelle, mais, comme le dit si bien la chanson de Boris Vian, on n’est pas là pour se faire engueuler. Encore moins, pour se faire emmerder.

     

    Nous les Suisses, d’apparence si sages, si propres, avons un côté anar. Nous aimons que les choses soient en ordre, mais détestons qu’un sergent-major d’opérette passe son temps à nous en rappeler la nécessité cosmique. Cet ordre, cet alignement, viennent de l’intérieur de nous. D’une sagesse populaire. D’un Contrat social non-écrit, parce que ça n’est pas nécessaire entre gens de bonne compagnie. Un Suisse bien élevé ne saurait laisser gésir à terre le moindre objet qui n’aurait été strictement qualifié pour cela. Alors, d’instinct, il cherche la poubelle. S’il n’y en a pas une tous les trente mètres, il est en manque, quelque chose cloche, il faut le signaler. C’est un peu maladif, mais c’est la marque d’une certaine éducation. Nous sommes comme cela. Nous nous régentons nous-mêmes, mais ne supportons pas qu’un tiers, du haut de son nuage, vienne nous faire la leçon. Je suis moi-même très Suisse, à quoi s’ajoute un côté Prussien sur lequel j’aurai un jour (ou non) l’occasion de revenir.

     

    En Suisse, un Conseiller d’Etat, ou fédéral, qui affirmerait vouloir « emmerder » une partie de sa propre population, giclerait. Bien plus que les Français, au fond bien braves et bien dociles, nous nous rebifferions. Très vite, s’élèveraient des voix pour réclamer la tête du malotru. La tête, et peut-être aussi d’autres parties, moins cérébrales, de ce grand corps maudit qui nous prend de si haut. En Suisse, le souverain ultime, c’est le peuple. De lui, tout procède. Les élus, les ministres, ne sont que des locataires du pouvoir. Ils sont au service du peuple, et non le contraire. Sur la crise sanitaire, ils peuvent prendre des décisions. Mais pas nous mépriser. Ni nous utiliser comme chair à canon de leur campagne électorale. En Suisse, le peuple est le patron. Il confie le pouvoir. Ceux qui l’exercent doivent servir, sans régenter. Et surtout sans la moindre arrogance.

     

    Pascal Décaillet