Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Commentaires GHI - Page 86

  • Profs, enseignez l'Histoire de l'AVS !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.12.21

     

    Il faut tenter de s’imaginer la Suisse de 1947. Deux ans après la guerre. L’Europe, tout autour, marquée au fer rouge. L’Allemagne, détruite. La France, sortant de la déchirure des années d’Occupation, puis de l’Épuration, au moment de la Libération. Cette même France, à vrai dire, jamais remise de la défaite de juin 1940, la plus cruelle de son Histoire. L’Italie, en pleine misère. Libérée du fascisme, certes, mais lacérée par une guerre terrible, entre Allemands et Alliés, sur son territoire. L’Italie de l’après-guerre, immortalisée par le génie du cinéma, celui du néo-réalisme, est un pays qui a faim, une terre d’émigration, sans espoir, avant de commencer à renaître dans les années cinquante.

     

    Au milieu de tout cela, la Suisse. Notre pays, certes, n’a pas participé à la guerre. Mais chez nous aussi, les années sont difficiles. Pour une grande partie de la population, la précarité règne. La protection sociale, en comparaison d’aujourd’hui, n’existe quasiment pas. Les personnes âgées rencontrent d’immenses difficultés. Sur le continent, la paix est revenue, mais pas la prospérité. Pas encore ! C’est dans ce contexte sombre que la classe politique arrive enfin à se mettre d’accord sur l’instauration de ce qui deviendra le fleuron de notre protection sociale en Suisse : l’AVS. Il faut bien se rendre compte d’une chose : avant l’acceptation par le peuple (80% de oui) de la loi fédérale sur l’assurance vieillesse et survivants, le 6 juillet 1947, d’innombrables aînés tombaient dans le trou d’un filet social beaucoup trop large. Bien sûr, les retraites existaient déjà, par métiers, par corporations, par conventions d’entreprises, mais tout cela était disparate : un siècle après le lancement de la Suisse fédérale, il fallait un régime national de protection des plus âgés. C’est cela, la grande aventure de l’AVS.

     

    Depuis plus de trente ans, à vrai dire depuis mon arrivée à Berne comme correspondant parlementaire, l’Histoire de l’AVS me passionne. J’ai rencontré d’innombrables témoins de l’époque, à commencer par mes parents, nés en 1920. Mais surtout, je n’oublierai jamais mon émotion, lorsque je suis allé interviewer chez lui à Bâle, avec mon Nagra RSR, en 1993, pour ses 80 ans, l’ancien Conseiller fédéral Hans-Peter Tschudi (1913-2002), immense figure de la Suisse au vingtième siècle, père de trois révisions complètes de l’AVS entre 1959 et 1973. Un socialiste qui s’intéressait encore au peuple ! Cette Histoire de nos assurances sociales, depuis les débuts, dans les années 1848-1914, jusqu’à nos jours, en passant par la Grève générale de novembre 1918, la Paix du Travail (1937), les combats de l’après-guerre sur l’assurance-maternité, et tant d’autres encore, j’encourage nos enseignants à les étudier en profondeur avec leurs élèves, de tous âges. Car cette Histoire de la Suisse moderne, de 1848 à aujourd’hui, est la nôtre. Elle fut celle de nos parents, nos grands-parents. Elle nous concerne, au plus haut point. Parler de l’AVS aux élèves, c’est parler du pays, de ses combats pour la dignité des plus faibles. Ce que notre Suisse, au fond, a de plus grand. Excellente semaine à tous.

     

    Pascal Décaillet 

  • Jugement dernier

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 24.11.21

     

    A quoi sert, au fond, la Ville de Genève, à part administrer des leçons de morale à la terre entière ? Depuis des années, mais à un rythme qui s’aggrave, les autorités municipales passent leur temps à édicter, urbi et orbi, des bulles pontificales statuant sur les droits de l’homme dans tel ou tel pays éloigné, ceux des femmes, ceux des minorités les plus inattendues. Pas une seule semaine sans une nouvelle Encyclique : on en perd son latin !

    Il faut dire que Genève est la capitale du monde. Si vous prenez un compas, vous tracez un cercle, vous y inscrivez un triangle isocèle, vous établissez le point de rencontre des médiatrices, l’affaire est certaine : vous tomberez sur la fontaine de la Place du Molard. C’est une certitude scientifique, comme le sont les conclusions du GIEC sur le climat.

    Alors, du centre, on rayonne. L’exécutif de la Ville, qui fixe pourtant cinq cahiers des charges bien concrets à nos édiles, allant de l’extinction des feux à la voirie, est tellement bien organisé qu’il parvient à trouver des tonnes de temps libre pour moraliser tous azimuts, régir les consciences, prononcer le Jugement dernier. Avec, sur ce dernier point, une rafraîchissante inversion par rapport aux Écritures : lorsque la Ville de Genève choisit entre l’Enfer et le Paradis, les élus sont à sa gauche, les damnés à sa droite. Au pays de Calvin, un zeste de fantaisie ne fait pas de mal, non ?

     

    Pascal Décaillet 

  • Courage et clarté, voilà ce qui nous manque !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 24.11.21

     

    La parole publique a besoin de courage. Elle doit ressembler à ces montagnes claires, qui se dessinent dans l’horizon crépusculaire d’un soir d’été. Les lignes, nettes et tracées. Les couleurs, superposées. Les détails du relief, parfaitement visibles, même de très loin. L’impression, de la vallée d’en face, d’épouser en son for ce versant opposé qui nous livre ainsi la radiographie de son être : le soleil décline, la précision s’amplifie, jusqu’à ce point de bascule où commence la nuit. La parole politique, ça doit être cela, et non le marécage. Car le Marais n’est bon qu’à dissoudre les âmes. Il mêle. Il liquéfie. Il envoute de nimbes. Il distille le brouillard. Notre vie publique, en Suisse, mérite d’autres tons que ce galimatias. Elle a besoin, comme partout en Europe, de clarté, d’engagement, de mise en péril du confort de celui qui parle. Manier le verbe, c’est prendre un risque. Celui de déplaire. S’isoler du corps social. S’exposer à la vindicte. C’est cela, le combat des idées. Dans une arène de lumière, plutôt que dans les Fossés de Caylus. C’est dans le Bossu, de Paul Féval, un roman magnifique pour enfants et familles.

     

    Notre vie politique suisse a besoin de clarté. Partagez-vous, ou non, la liturgie d’Apocalypse des Verts, et leur terminologie, sur « l’urgence climatique » ? Acceptez-vous l’invasion du débat public par les sujets « de société », cette obsession qui veut tout ramener aux questions de genre, ou de couleur de la peau ? Etes-vous favorables à l’étranglement fiscal des classes moyennes sur le revenu de leur travail ? Trouvez-vous normal que la Suisse contrôle aussi peu ses flux migratoires, alors qu’elle en a reçu mandat, par le peuple et les Cantons, le dimanche 9 février 2014 ? A Genève, êtes-vous satisfait de la masse des flux transfrontaliers quotidiens, sur la Ville et le Canton ? La politique européenne du Conseil fédéral vous remplit-elle d’allégresse ? Est-elle, selon vous, de nature à défendre la souveraineté, l’indépendance, la dignité de notre pays, dans le concert des nations ? A ces questions, je vous demande d’apporter, dans le sens qu’il vous plaira, des réponses claires. Laissons la langue de bois aux apeurés du verbe.

     

    A ce stade, il y a toujours un petit malin, ou un lamentable pendard (ce sont souvent les mêmes), pour m’opposer que la Suisse est le pays du compromis. Je veux bien. Mais la position de concession réciproque doit provenir d’un choc d’antagonismes, et non être proclamée au départ. En clair, on commence par ferrailler, après on discute. La politique a besoin de guerriers, beaucoup plus que de négociateurs. On conquiert les positions, et puis on regarde. Et le verbe, on l’aiguise. Et l’argument, on l’affûte. Et l’adversaire, on le combat. Pour les conciliabules, s’il en faut, on trouvera bien quelques négociateurs, pour se faufiler discrètement vers la Forêt de Compiègne. Ces gens-là, il en faut. Ils n’’écrivent pas l’Histoire. Ils se contentent de parapher les abandons.

     

    Pascal Décaillet