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Commentaires GHI - Page 103

  • Les bons soldats

     

    Commentaire publié dans GHI - 08.09.21

     

    Jean Romain et le PLR ont gagné : les ministres cantonaux de l’Instruction publique de Suisse romande et du Tessin ne pourront plus imposer d’en haut leur « orthographe rectifiée ». Ce vendredi 3 septembre, en fin d’après-midi, le Grand Conseil genevois a adopté, de façon claire, la motion combattant ce projet. L’avant-veille, le Parlement jurassien acceptait, de son côté, une résolution dans ce sens. Et la fronde ne fait que commencer : une pétition d’opposition avait déjà, au 2 septembre, recueilli cinq mille signatures.

     

    A Genève, une question se pose : pourquoi diable le débat fut-il un affrontement droite-gauche ? Pourquoi la droite devrait-elle toujours se montrer conservatrice en matière de langue, et la gauche, rouler pour la réforme ? En quoi le rapport à la langue devrait-il à tout prix épouser les lignes de fracture tradition-rénovation ? La langue n’appartient pas à la droite, pas plus qu’à la gauche. Et assurément, moins les politiques s’en occuperont, mieux elle se portera !

     

    Alors quoi, la gauche a docilement roulé pour sa ministre, à Genève ? On aurait osé espérer, dans ses rangs, la dissidence d’au moins deux ou trois esprits libres, dont la hauteur d’esprit eût été capable de rompre la triste prévisibilité des fronts. Peine perdue. A gauche, on défend l’Appareil. Le débat sur la langue mérite mieux : il doit aiguiser les esprits, vivifier les âmes, surprendre. Comme le verbe, il doit s’inviter là où on ne l’attend pas. Au royaume des camarades, on s’aligne. En bons soldats.

     

    Pascal Décaillet

  • La politique, ça n'est pas la morale !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.09.21

     

    La politique, ça n’est pas la morale. Ni les bons sentiments. Ni les grandes déclarations universelles, du type de celles dont raffole la Ville de Genève, phare éthique dans l’obscurité bleutée de l’univers. La politique, ça n’est pas la tyrannie de l’émotion. Ça n’est pas à confondre avec l’humanitaire. Ça n’est pas une succursale des grands courants religieux. La politique, c’est l’art d’administrer au mieux une communauté humaine donnée (ville, canton, nation), circonscrite dans un périmètre précis, liée à l’interne par un partage de la mémoire, un culte des morts, la reconnaissance de valeurs, une codification écrite qui s’appelle la loi.

     

    Citoyennes et citoyens, détenteurs du pouvoir ultime dans ce pays, nous attendons des élus qu’ils défendent en absolue priorité les administrés dont ils ont la charge. Ils ne sont pas au service de la planète tout entière, ni d’un quelconque « universel ». Non, ils sont là pour défendre les intérêts de leur ville, leur canton, leur nation, en fonction de l’échelon où ils ont été élus. Pour les grands discours cosmiques, si on y tient à tout prix, merci à chacun de se référer à son prêtre, son pasteur, son modèle spirituel ou son gourou, chacun est libre. Mais la politique, c’est autre chose.

     

    A Genève, le poids de la morale dans le discours public devient insupportable. Et pas seulement à gauche ! Un certain parti du centre, où le parfum de sacristie s’accroche à la moiteur des choix, persuadé de brandir l’étendard du bien et de cheminer, comme en procession, vers la rédemption, n’en peut plus de se rallier à la gauche morale. Sur les questions d’asile, par exemple, où il est tellement aisé, du cénacle d’un Parlement, de se montrer ouvert, généreux, exemplaire pour le monde. Sans se soucier, une seule seconde, des dangers que certaines personnes accueillies un peu vite, sans un filtrage rigoureux, pourraient un jour faire courir à notre société, à nous. L’Allemagne regorge d’exemples, notamment en Prusse, en Saxe, en Thuringe, régions que je connais fort bien, où la grande générosité de 2015 donne à la population de base, fort modeste et précaire, des occasions de regrets et d’amertume.

     

    Dire cela, ça n’est pas mettre en cause la tradition d’asile. Mais notre population, à nous, a le droit d’être exigeante pour sa propre sécurité. Il n’y a là aucune xénophobie, encore moins de racisme, juste l’appel à la prudence. Ça rend moins populaire que les grands discours universels, eh bien j’assume : il faut dire les choses telles qu’elles sont, regarder autour de nous, chez nos voisins. Car la politique, ça n’est pas la morale, pas plus qu’elle ne serait d’ailleurs l’absence de morale. Ces deux domaines doivent dialoguer, s’interpeller, mais en aucun cas se confondre l’un avec l’autre. Méfions-nous des bons sentiments, des grandes envolées universalistes. Défendons, en absolue priorité, notre communauté de destin, ici. C’est déjà une très grande ambition.

     

    Pascal Décaillet

  • Que l'école soit source de vie !

     

    Commentaire publié dans GHI - 01.09.21

     

    L’école, qui a repris ce lundi 30 août pour des milliers d’élèves et d’enseignants, a le devoir d’être exigeante. Mais elle n’a pas le droit d’être ennuyeuse. C’est tout le paradoxe de l’enseignement. Le maître dispense le savoir, incite, éveille, aiguise l’appétit des connaissances, et tout cela doit se faire dans la joie. Les profs sont des hommes et des femmes qui ont choisi ce merveilleux métier, ils en connaissent les moments de grâce, mais aussi les inévitables servitudes : aucune activité humaine ne peut faire l’économie de la part d’effort, d’intendance, d’ingratitude, de solitude parfois pesante. Cette part d’ombre fait partie du métier, elle s’inscrit dans le jeu. Pour l’école, il y a le contact avec l’élève, qui – on l’espère, en tout cas – procure de la joie. Et puis, il y a la préparation, les corrections. Il en va ainsi d’une émission, de radio ou de télévision : beaucoup d’intendance, avec patience, précision et rigueur, pour cet espace de liberté que constitue l’entretien avec l’invité. D’autant plus libre, dans la magie du direct, qu’il aura, en amont, été soigneusement préparé !

     

    Enseigner doit se faire dans la joie, oui. Parce que toute autre solution serait dévastatrice pour l’élève, en termes d’envie, de motivation. Un prof a le droit d’exiger, d’élever le niveau, de rugir s’il le faut. Mais il n’a pas celui de foutre le bourdon à son assistance. Non parce qu’il est prof, mais parce que toute personne, au monde, s’emparant de la parole face à un public, a le devoir de l’emballer, le prendre avec lui, l’enthousiasmer. Tout cela, au service de la transmission des connaissances. Il est inimaginable – et, à vrai dire, inacceptable - qu’un enseignant débarque dans une classe en faisant la gueule, il n’en a tout simplement pas le droit face à l’assistance. C’est valable pour un prof. C’est valable pour un journaliste radio, au moment où il lance son émission. C’est valable pour tout locuteur, tout conférencier, sur la planète.

     

    Pourquoi je vous parle de la joie, pourquoi j’insiste tant ? Mais parce que le chemin de connaissance est un chemin de joie ! La plus austère des grammaires, grecque ou latine, la plus enchevêtrée des phrases allemandes, comme en certaines pages de Kafka ou de Thomas Mann, peuvent se métamorphoser en pistes de lumière avec un prof qui saura vous enthousiasmer. C’est difficile, souvent, et ne parlons pas des maths ! Mais la rugosité fait partie du jeu, elle s’inscrit dans le parcours d’initiation. Il faut demeurer lucide, garder courage, c’est parfois très dur : alors, ce chemin, autant le faire dans la bonne humeur. Parce que sinon, c’est l’enfer.

     

    J’ai aimé l’école. Le grec, le latin, le français. L’allemand, passionnément. J’ai souffert sur les maths. J’ai survécu à la physique en apprenant par cœur des équations qui m’étaient bien étrangères, je n’en suis pas fier, car tout doit passer par la compréhension. Globalement, ma nostalgie de cette époque bénie est immense. A tous, qui ont repris le 30 août, élèves, profs, parents, personnel auxiliaire, j’adresse mon amitié, ma fraternité. Engagez-vous ensemble sur le chemin de connaissance. Et n’oubliez jamais la joie, l’émotion, la passion.

     

    Pascal Décaillet