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  • La droite et la gauche existent. Le tripolaire, c'était pour rire.

     

    Sur le vif - Dimanche 14.06.15 - 16.51h

     

    A Genève, ce dimanche 14 juin 2015, une page s’est tournée : celle de la LDTR (loi sur les démolitions, transformations et rénovations) considérée comme Arche Sainte, intouchable. Celle de l’ASLOCA toute puissante, gardienne du Temple, pépinière de conseillers d’Etat socialistes. Celle de la gauche – une certaine gauche – s’étant tellement approprié le débat sur le logement, que certains de ses représentants, ou permanents de l’ASLOCA, étaient devenus des sortes de Grands Prêtres, seuls habilités à lire et interpréter le texte sacré de la loi. Eux seuls connaissaient chaque virgule, chaque alinéa. Eux seuls, en bas de page, pouvaient nourrir l’apparat critique de leurs commentaires.

     

    C’est à cela que le peuple genevois a dit non : plusieurs décennies, disons depuis les années Grobet, de magistère intellectuel de la gauche ASLOCA sur le dossier du logement. Cela posé, faut-il se réjouir de la victoire de M. Zacharias ? Faut-il, désormais, donner tous les gages à l’autre camp, où il n’est pas exclu – formulons la chose en termes polis – que l’appât du gain tienne un rôle signalé. La question mérite d’être posée.

     

    Surtout, la victoire de M. Zacharias, député MCG, grenadier lance-flammes anti-ASLOCA, doit être placée dans un contexte plus large. Celui d’une droite économique décomplexée et offensive, dans cette législature 2013-2018. Malgré son panache, il n’est pas dit que l’attaquant Zacharias en soit, en termes stratégiques, le principal leader. Un autre député, PLR quant à lui, plus calme et plus posé, excellent dans l’argumentation, fourbit ses armes pour mettre sous pression le Conseil d’Etat d’ici au printemps 2018. En matière, notamment, de finances cantonales. Ce député s’appelle Cyril Aellen. Il pourrait se montrer très actif dans les mois qui viennent.

     

    Décidément, la législature 2013-2018 ne sera pas du tout tripolaire. Mais tout bonnement une opposition droite-gauche dont la vivacité va monter en force. C’était prévisible : sur les sujets de fond, les sujets lourds, liés aux structures et aux masses financières, le tripolaire n’existe pas. Il n’est qu’une fiction, pour amuser la galerie.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Gauchebdo et le champ du possible

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    Sur le vif - Samedi 13.06.15 - 16.58h

     

    A quoi sert un journal ? J’en ai lus des dizaines de milliers depuis mon plus jeune âge, sans jamais pouvoir répondre à cette question. J’ai longtemps collectionné les journaux papier, puis travaillé en 1994 sur des centaines d’exemplaires originaux de l’Affaire Dreyfus, pour ma série radiophonique, j’écris depuis très longtemps dans des journaux, j’en lis, j’en dévore, mais je ne saurais dire, au fond, pourquoi. Pourtant, il y a une chose dont je suis sûr : le samedi, en début d’après-midi, mêmes heures et même endroit, invariablement, il faut que je lise Gauchebdo.

     

    Car quand on aime, il y a pulsion. Nécessité. Mes parents m’avaient abonné très jeune au Nouvel Observateur, je leur en suis infiniment reconnaissant. C’était au début des années 1970, je suivais avec passion la montée de François Mitterrand vers le pouvoir : échec en 1974, luttes internes avec Rocard, puis voie royale vers le 10 mai 1981. Ce journal, de souche mendésiste, était plutôt rocardien, mais il y a bien eu un moment (soit après l’échec législatif de mars 1978, soit après Metz, 1979, victoire de Mitterrand sur Rocard), où il a fallu qu’il se range derrière un homme. Tous les mercredis de mon adolescence, je déchirais le cellophane devant la boîte aux lettres, impatient de voir ce que cette équipe rédactionnelle hors pair nous avait concocté.

     

    Gauchebdo, c’est la même chose. J’aime leur démarche. Leur solitude. Leurs paris sur l’intelligence et la culture. Tiens, aujourd’hui, dans le numéro 24 (12 juin 2015), qui vient de sortir, une page sur les destins tragiques d’antinazis en RDA : Pierre Jeanneret nous résume la thèse universitaire de l’historienne Alix Heiniger. C’est totalement passionnant, méconnu, ça brise les préjugés, ça donne envie de se précipiter sur la thèse. Ou encore, un papier sur l’histoire des synagogues en Suisse, en partant du livre de Ron Epstein-Mil. Ou encore, Kader Attias, l’Histoire algérienne au Musée des Beaux-Arts de Lausanne. Quelques exemples, pour ce seul numéro 24, l’ensemble du journal, sans pub, ne dépassant pas huit pages.

     

    La vérité, c’est que Gauchebdo résiste. Oh, il y en a d’autres : je soutiens que de l’autre côté de l’échiquier, la Weltwoche résiste (avec certes des moyens incomparables). Gauchebdo résiste, c’est une minuscule équipe, on y parle de la Grèce d’aujourd’hui, celle de Tsipras, de l’Allemagne, de l’Italie, on y présente des artistes, des solitudes, des combats d’homme et de femmes. Alors voilà, moi qui ai dévoré tant de journaux sans jamais pourvoir dire le pourquoi de cet appétit, je peux au moins affirmer une chose : Gauchebdo résiste. Et les lire, chaque samedi, me donne envie de vivre. Et de tenter d’écarter  - un peu – le champ du possible.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le tabou associatif


     

    Sur le vif - Samedi 13.06.15 - 10.49h

     

    Je reviens à ces fameuses (et parfois ineffables) "associations" : pourquoi le parti le plus attaché à les défendre, dès qu'on ose mettre en cause l'aspect systématique du renouvellement annuel des subventions, est-il celui des Verts ?



    Thème passionnant : celui du rapport des Verts avec l'Etat, la structure dure de la République. Ils ont (contrairement aux radicaux et aux socialistes) un problème avec cela. C'est à chercher dans le tréfonds de leur idéologie, où la souche libertaire joue un rôle important. Les Verts sont une famille politique récente (entre trois et quatre décennies), mais leurs origines philosophiques remontent très loin. D'aucuns citent Proudhon, c'est une référence parmi beaucoup d'autres.

     


    Il existe, à Genève comme ailleurs, une idéologie de l'associatif. Comme il existe une idéologie étatiste, une idéologie libérale, etc. Elle a parfaitement le droit d'exister, met en valeur l'action et la responsabilité individuelles, bref elle a plein de vertus, j'en conviens volontiers. Mais à trop sublimer l'associatif, on en viendrait à oublier l'Etat. Là, pour ma part, je dis non, n'étant ni libertaire, ni libéral.



    Je ne mets pas en cause l'existence des associations. Diable, c'est un droit fondamental, hérité de la Révolution française ! Ni même le fait de les subventionner. Mais - soyons clairs, je le suis depuis le début - l'automaticité aveugle du renouvellement des subventions, le lobbying éhonté au moment du Budget chaque décembre, les accords préalables avec l'entourage des magistrats. Et, plus que tout autre, le clientélisme qui lie les élus, transformant toute question sur les associations en tabou total.

     

    Pascal Décaillet