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  • Pâquerette : la CEP, ultime et seul recours

     

    Sur le vif - Jeudi 18.06.15 - 16.29h

     

    Dans l’affaire de la Pâquerette, la profusion de rapports, tous azimuts, s’annulant et se contredisant les uns les autres, ne peut plus durer. Je les ai tous repris, hier après-midi, et le choc de contraires produit par leur lecture est effarant. Telle « expertise » accable tel(le) fonctionnaire, telle autre la blanchit. Qui croire ?

     

    Une chose est sûre : le temps des rapports, dans cette affaire pleine de venin et de non-dits, doit se clore. Le public, légitimement touché par l’aspect dramatique de ce qui s’est passé, ne marche plus. Il ne croit plus, depuis longtemps (peut-être depuis le début) à la vertu objective de ces textes. Il voit bien que nulle vérité, pour l’heure, n’émerge. Il se rend bien compte que le pouvoir politique cherche à se protéger en nous brandissant les écrans de fumée successifs de ces rapports. Et en faisant sauter de temps en temps un fusible. Tout comme les multiples enquêtes, pénales, administratives : à qui profite cette jungle ?

     

    Pour ceux qui espèrent la vérité sur les vraies responsabilités dans l’affaire, la seule instance qui reste est la Commission d’enquête parlementaire (CEP), finalement votée par le Grand Conseil, ce qui n’est pas allé tout seul. La composition de cette commission est à la fois une chance et un danger. Tous les partis politiques y sont représentés, ce qui est une garantie de représentativité. Mais en même temps, si l’enjeu est de défendre son conseiller d’Etat (présent ou ancien), et de chercher noise à celui de l’autre parti, et inversement, donc se tenir mutuellement par la barbichette, autant mettre tout de suite la clef sous le paillasson.

     

    Les commissaires doivent le savoir : les citoyens attendent beaucoup de leur travail, car cette CEP est finalement l’ultime recours pour dégager un peu de vérité, à travers les rideaux de fumée. Cela implique que chacun d’entre eux vienne siéger avec l’absolue volonté d’éclaircir, identifier des éléments. Si le résultat de leurs travaux est probant, avec des éléments nouveaux, la preuve d’une enquête menée en toute indépendance, sans peur de déranger des conseillers d'Etat en place (ou à la retraite), c’est la fonction parlementaire elle-même, dans sa mission de contrôle, qui en sera grandie. Le République y sera largement gagnante.

     

    Dans le cas contraire – que nous n’osons imaginer – c’est l’abdication du pouvoir législatif dans sa mission de faire la lumière. Donc, dans l’opinion, la montée du sentiment, déjà dévastateur, d’un petit monde qui se défend lui-même, préfère l’opacité à la lumière. Au final, le crédit du politique dans son ensemble, à Genève, en serait gravement affecté.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Waterloo, le romantisme, les Allemands

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    Sur le vif - Jeudi 18.06.15 - 13.05h

     

    La bataille de Waterloo vue par Lord Byron. Trois pages, remarquables, de la Weltwoche d'aujourd'hui (no 25, 18 juin 2015), signées Urs Gehriger. Fou de littérature allemande, je suis hélas totalement profane en littérature britannique.

     

    L'occasion, pour le passionné que je suis, de rappeler que Waterloo a nourri le romantisme français (Hugo, notamment) et anglais. Quant aux Allemands, qui s'étaient enflammés pour Rousseau, puis pour la Révolution française, puis pour le Premier Consul et même encore pour l'Empereur du tout début (cf Beethoven), ils sont déjà complètement ailleurs, dans leur tête, en ce mois de juin 1815 : depuis 20 mois (bataille de Leipzig, octobre 1813, la Völkerschlacht, Bataille des Nations), ils se sont libérés de la présence française. Cette ultime campagne de juin 1815, après le retour de l'île d'Elbe et les Cent-Jours, n'est plus vraiment la leur. Sauf pour l'aristocratie militaire prussienne.

     

    Surtout, la Prusse, après la douleur de l'Occupation (1806-1813), commence à embrasser le grand dessein d'abolir les frontières internes au monde germanique (Zollverein), première étape à l'unification de l'Allemagne. C'est l'une des raisons pour lesquelles la bataille de Waterloo est moins présente dans la poésie allemande. Bien que le Prussien Blücher en fût, et de manière ô combien décisive. Pendant l'Occupation française, c'est à Berlin, à la Humboldt Universität, qu'est née l'idée nationale allemande, lors des "Reden an die deutsche Nation", de Johann Gottlieb Fichte.

     

    Il est vrai, aussi, qu'au moment de Waterloo, Schilller est déjà mort depuis dix ans (1805). Kleist s'est donné la mort à Wannsee, en novembre 1811. Hölderlin, "atteint de folie",  ne quitte plus sa tour de Tübingen depuis 1807, et jusqu'à sa mort en 1843. Goethe travaille sur d'autres projets. Bref, une génération littéraire - unique au monde, je crois - vient de passer. En même temps qu'en Europe, le souffle de l'Empire.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • 18 juin 1815 : nous y étions !

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    Sur le vif - Jeudi 18.06.15 - 09.25h

     

    Il y a, jour pour jour, 200 ans, dans une plaine au sud de Bruxelles, la fin d'un rêve immense, né 26 ans plus tôt, presque au jour près (20 juin), au Jeu de Paume. Poétiquement, je suis peu hugolien, mais il me faut avouer que nul n'a mieux chanté "ces derniers soldats de la dernière guerre" que Victor Hugo. Ses vers sur la bataille sont sublimes. Epiques. Homériques. Que la réalité du 18 juin 1815 fût hélas plus crue, et même franchement abominable, n'enlève rien au génie du poète : c'est lui, désormais, que nous retenons. La légende, pour toujours, l'a emporté.

     

    De même, que savons-nous de la vraie Guerre de Troie ? Oh, certes, l'immense historien américano-britannique Moses Finley (1912-1986) a remarquablement tenté de le reconstituer. Mais qui lit "Le Monde d'Ulysse" (The Word of Odysseus, 1954), à part les étudiants en Histoire de l'Antiquité ? Alors que tous, nous avons en tête les immortels hexamètres de l'Iliade : Achille pleurant devant la mer, les funérailles de Patrocle, Achille poursuivant Hector, "comme le milan qui fond sur la palombe". Là aussi, la légende s'impose.

     

    On peut nous répéter tant qu'on veut que le vrai Waterloo fut un carnage. Ce sont les vers de Hugo que nous retenons :


     

    " Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,

     

    Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,

     

    Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,

     

    Portant le noir colback ou le casque poli,

     

    Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,

     

    Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête,

     

    Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête.

     

    Leur bouche, d'un seul cri, dit : Vive l'empereur !

     

    Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,

     

    Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,

     

    La garde impériale entra dans la fournaise. "

     

     

    Prédominance de la parole poétique - sans parler de la musique - sur la rationalité historique. Le chercheur fait état de ses enquêtes. Le poète transcende. Et s'inscrit dans le marbre.

     

    Pascal Décaillet