Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 5

  • M. Merz n’a pas d’amis – Et vous ?

    SWITZERLAND-ubs-432.jpg

     

    Mardi 17.08.10 - 08.57h

     

    À en croire son biographe Philippe Reichen, Hans-Rudolf Merz n’aurait pas le moindre ami. Ces quatre mots, « Merz, pas d’amis », me trottent dans la tête depuis hier, avec un mélange de tristesse et de réalisme sur la réalité des choses humaines. J’essaye de revivre les nombreux moments où j’ai approché, interviewé, cet homme au contact très agréable, souriant, cultivé, qui n’aurait pas d’amis.

     

    Surtout, m’est revenue cette nuit la matinée de son élection, ce mercredi 10 décembre 2003 (le même jour que Blocher) : j’étais sur le balcon du Conseil national, je commentais l’Assemblée fédérale en direct. Et, en effet, cet homme, qui parvenait pourtant au faîte de sa vie politique, m’avait paru incroyablement seul.

     

    Ce qui me plaît chez Merz, « l’homme sans amis », c’est qu’il s’érige ainsi en anti-Facebook. Face à la gluance des faux amis, face à la nauséabonde banalisation de ce superbe mot, voici donc la silhouette d’un homme seul. Un homme.

     

    Car tous les hommes sont seuls. Et ceux qui se complaisent dans la gluance sont sans doute plus seuls encore que M. Merz. Parce qu’ils se bercent d’illusions. Et même Montaigne, et même La Boétie, et même Alceste, et même Philinte, et même Oreste, et même Pylade sont des hommes seuls. Leurs moments d’amitié, aussi étincelants fussent-ils, ne les libère pas de l’intrinsèque solitude de l’humain sur la terre.

     

    Ainsi, Merz, l’homme sans amis, est peut-être l’homme tout court. L’homme vrai. Le dessin de sa solitude, épuré, le restitue mille fois mieux que la poisseuse fausseté des réseaux, des sourires de façade, des cocktails. Les quelques énergumènes, toujours les mêmes, qui se dodelinent dans ces mondanités sont sûrement plus seuls encore que la plus terrible solitude de M. Merz.

     

    Restent les amis. Combien en avons-nous, chacun ? Trois ? Quatre ? Cinq ? Parfois deux. Parfois un seul. Et il y a des gens, oui, des frères humains, qui se trouvent n’en avoir aucun. Qui serions-nous pour les juger ? Ils sont seuls. Et nous aussi, avec pourtant la grâce de nos trois ou quatre amis, nous sommes seuls. Un ami ne conjure pas la solitude, il chemine un peu la sienne avec la nôtre.

     

    Quant à la politique, n’en parlons pas. L’amitié, dans ce domaine, n’existe pas. Les courtisans, oui. Les flagorneurs. Les lécheurs, les cireurs. Les opportunistes. Les hallucinés de cocktails. Les authentiques serviteurs qui, dans l’ombre, attendent l’heure. Tout cela, oui. Mais les amis, jamais.

     

    M. Merz serait donc un homme seul. Donc un homme. Une solitude parmi les autres. Quelque part sur la terre. C’est tout.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Gallaz-Bender : le Manitoba ne répond plus

    4078ed98d0448a5982ecd6e12fd34de4.png

     

    Sur le vif - Lundi 16.08.10 - 19.20h

     

     

    Il fallait vraiment s’être levé de bonne heure et du bon pied, ce matin, n’avoir bu que de l’eau depuis hier soir, pour comprendre un traître mot au « débat » entre le sociologue de Fully Gabriel Bender et l’éminent chroniqueur Christophe Gallaz, il y a quelques minutes, à la RSR. Thème : les propos tenus hier soir, sur la même antenne, par Gallaz, à propos des Valaisans dans leur comportement face au loup. Cf notre chronique précédente, sur ce blog.

     

    Rhétoriquement, ces deux intellectuels de haut vol ont un point commun : si leurs écrits brillent de mille feux, à l’oral ils donnent plutôt l’impression d’une inexorable distillation de l'équation verbale jusqu’à la fermentation finale. Tellement surmaturée que, d’un coup sirupeux mais fatal, elle en endormirait nos sens. Ils parlent, nous n’entendons pas. Ils émettent, nous ne recevons pas. Le Manitoba est là, face à nous, mais il ne répond pas.

     

    A part ça, plein ce belles choses ont été dites, où se mêlent Chappaz et les araignées rouges, la confirmation définitive de la non-existence des Vaudois, la coulpe gallazienne lorsque le scélérat reconnaît être allé un peu loin hier soir, mais encore la Nouvelle Héloïse, une foule d’animaux sur l’alpe, disons l’Arche de Noé, et surtout le fantasme extatique que le canton de Vaud pourrait exister sans Lausanne.

     

    Pendant que les deux éminences du verbe rivalisaient dans l’art d’ajouter de belles inconnues à l’équation, le loup, quant à lui, courait. Et court encor.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Gallaz est grand – Le loup est son prophète

     

    Sur le vif - Et sur un ton infantile et tribal - Dimanche 15.08.10 - 19.50h

     

    Refuser le loup, c’est ne pas avoir assez confiance en soi pour accepter l’altérité. Un comportement qui s’apparenterait à la xénophobie. Tel serait le Valais d’août 2010, encore au stade « infantile », voire « tribal », dixit sans rire le très adulte Christophe Gallaz, il y a quelques minutes, sur la RSR.

     

    À mesure que s’évaporaient dans l’éther les mots irrévocables de mon confrère, se dessinait une sacrée quintessence de paternalisme face à la réserve d’Indiens. Il y aurait, d’un côté, ceux qui ont compris le problème du loup, suffisamment évolués pour en accepter la réintroduction. De l’autre, toute la poisse préhistorique du carré de Mohicans. Ici, la communauté raisonnable des humains, là les pulsions d’archaïsme, irrationnelles, indicibles : « infans », celui qui ne parle pas ; « infantile », dixit Gallaz. À quand l’apparition de l’éminent chroniqueur sur l’alpage du Scex, il pourrait doucement caresser les cheveux des rustres vergers, leur susurrer qu’il les aime bien, mais qu’ils n’ont rien compris, juste une question de case dans le jeu de l’oie de l’évolution.

     

    Gallaz est fou, c’est ce que j’ai toujours adoré en lui, fou comme un loup jaloux, fou comme un pou porteur de bijoux, surtout qu’il ne change pas. Mais les bergers, eux, ne sont pas fous. Ils n’ont aucune envie de transformer leurs pâturages, où l’air est si libre, en camps fortifiés, avec barbelés, miradors, fauves de compagnie, sous le seul prétexte « qu’ils n’ont qu’à mieux garder leurs troupeaux », la phrase culte de ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur l’alpage et, du confort de la ville, leur assènent la leçon avec morgue et mépris.

     

    La présence des bergers et de leurs troupeaux, l’été, dans les montagnes n’est pas acquise pour l’éternité. Elle provient du magnifique refus de quelques hommes de s’exiler vers la ville, pour tenter de vivre une autre vie, oh bien peu lucrative, solitaire, âpre et difficile. Après 17 heures, lorsque les remonte-pentes sont fermés, lorsque les derniers promeneurs sont redescendus, ils restent seuls, là-haut, avec leurs bêtes. Ils les nourrissent, les soignent, leur assurent une qualité de vie et de pâture qui n’a rien à voir avec les grands élevages intensifs de plaine. La qualité du lait, du beurre, des fromages s’en ressentent, tout le monde s’en félicite.

     

    Mais ce boulot-là, si leur vie devient un enfer et leurs nuits d’insoutenables veilles, ils ne le feront plus très longtemps. Ils en auront marre. Les troupeaux quitteront la montagne. L’homme aussi. L’âge d’or de la prédation darwinienne pourra renaître. Un avenir qui ressemble à s’y méprendre au passé. Avec la bénédiction des raisonnables, de ceux qui ont compris. Leur victoire sur le tribal, l’infantile. « Infans » : celui qui ne parle pas. Ce jour-là, oui, le grand silence règnera dans la montagne.

     

    Pascal Décaillet