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Gallaz est grand – Le loup est son prophète

 

Sur le vif - Et sur un ton infantile et tribal - Dimanche 15.08.10 - 19.50h

 

Refuser le loup, c’est ne pas avoir assez confiance en soi pour accepter l’altérité. Un comportement qui s’apparenterait à la xénophobie. Tel serait le Valais d’août 2010, encore au stade « infantile », voire « tribal », dixit sans rire le très adulte Christophe Gallaz, il y a quelques minutes, sur la RSR.

 

À mesure que s’évaporaient dans l’éther les mots irrévocables de mon confrère, se dessinait une sacrée quintessence de paternalisme face à la réserve d’Indiens. Il y aurait, d’un côté, ceux qui ont compris le problème du loup, suffisamment évolués pour en accepter la réintroduction. De l’autre, toute la poisse préhistorique du carré de Mohicans. Ici, la communauté raisonnable des humains, là les pulsions d’archaïsme, irrationnelles, indicibles : « infans », celui qui ne parle pas ; « infantile », dixit Gallaz. À quand l’apparition de l’éminent chroniqueur sur l’alpage du Scex, il pourrait doucement caresser les cheveux des rustres vergers, leur susurrer qu’il les aime bien, mais qu’ils n’ont rien compris, juste une question de case dans le jeu de l’oie de l’évolution.

 

Gallaz est fou, c’est ce que j’ai toujours adoré en lui, fou comme un loup jaloux, fou comme un pou porteur de bijoux, surtout qu’il ne change pas. Mais les bergers, eux, ne sont pas fous. Ils n’ont aucune envie de transformer leurs pâturages, où l’air est si libre, en camps fortifiés, avec barbelés, miradors, fauves de compagnie, sous le seul prétexte « qu’ils n’ont qu’à mieux garder leurs troupeaux », la phrase culte de ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur l’alpage et, du confort de la ville, leur assènent la leçon avec morgue et mépris.

 

La présence des bergers et de leurs troupeaux, l’été, dans les montagnes n’est pas acquise pour l’éternité. Elle provient du magnifique refus de quelques hommes de s’exiler vers la ville, pour tenter de vivre une autre vie, oh bien peu lucrative, solitaire, âpre et difficile. Après 17 heures, lorsque les remonte-pentes sont fermés, lorsque les derniers promeneurs sont redescendus, ils restent seuls, là-haut, avec leurs bêtes. Ils les nourrissent, les soignent, leur assurent une qualité de vie et de pâture qui n’a rien à voir avec les grands élevages intensifs de plaine. La qualité du lait, du beurre, des fromages s’en ressentent, tout le monde s’en félicite.

 

Mais ce boulot-là, si leur vie devient un enfer et leurs nuits d’insoutenables veilles, ils ne le feront plus très longtemps. Ils en auront marre. Les troupeaux quitteront la montagne. L’homme aussi. L’âge d’or de la prédation darwinienne pourra renaître. Un avenir qui ressemble à s’y méprendre au passé. Avec la bénédiction des raisonnables, de ceux qui ont compris. Leur victoire sur le tribal, l’infantile. « Infans » : celui qui ne parle pas. Ce jour-là, oui, le grand silence règnera dans la montagne.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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