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  • Doris Leuthard, la diva des tarmacs

     

    Sur le vif - Samedi 14.08.10 - 11.15h

     

    Je commence à en avoir plus qu’assez de voir Doris Leuthard sourire partout. En Chine, elle sourit. Hors de Chine, elle sourit. Partout, quelle que soit la gravité des situations, elle arbore. C’est l’extase, ininterrompue, du zygomatique.

     

    Oh, bien sûr, je préfère que mon pays soit présidé par une belle femme, souriante, classe, que par un vieux croulant mal fagoté, malodorant, qui passerait son temps à faire la gueule. Mais à force de trop mettre en avant cet atout marketing, et lui seul, le risque est énorme, dans les mois qui viennent, d’un renversement d’image, où la haute couture du paraître pourrait être placée, avec cruauté, face au prêt-à-porter des idées.

     

    Doris Leuthard est une très bonne conseillère fédérale, l’une des meilleures. C’est elle, puis surtout son successeur Christophe Darbellay, qui ont remonté le PDC après le coup de Jarnac contre Ruth Metzler, en décembre 2003. Après huit mille années de passe-murailles à la tête de ce parti, le film muet, noir et blanc, des années Cotti et Koller, il fallait bien la grâce de la fée et l’appétit du flandrin des glaciers. Dont acte.

     

    Mais là, la construction (par l’entourage ?) d’une image présidentielle sur la seule béatitude de l’apparition, une forme de pâmoison du tapis rouge, aboutit davantage à une divinité des tarmacs qu’à une cohérence d’Etat. Car enfin, de tous ces voyages, que retient-on ? Que Doris Leuthard sourit. Qu’elle est heureuse. Que la fréquentation des dirigeants chinois la ravit. Qu’elle trônera, en très belles robes (ça, oui, elles sont magnifiques), dès le lendemain dans les pages people des journaux suisses. Les people, oui. Et les pages politiques ? Que retiendront-elles de ce périple présidentiel ?

     

    Le résultat de cette politique de communication, c’est que l’immense majorité des Suisses, qui ne lisent (hélas) pas le Temps ou la NZZ, retiendront, au final, que la Présidente a fait un tour du monde heureux et souriant. On en est très content pour elle, et certes mieux vaut cela que d’apprendre qu’elle broierait du noir en regardant, recluse chez elle, des films suisses et en noyant son chagrin dans des vins argoviens.

     

    La question est : cette finalité au-delà du people, quasi-assomptionniste dans le jeu des apparitions, dépasse-t-elle les intentions de l’entourage ? Ou se contente-t-elle, simplement, d’en réaliser le plan marketing ? Si c’est la seconde solution, alors la mise en scène du tour du monde présidentiel apparaît davantage comme une vaste opération de propagande que comme de l’information.

     

    Pascal Décaillet

  • La Suisse ne doit pas lâcher le frein à l’endettement

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    Sur le vif - Vendredi 13.08.10 - 19.40h

     

    Que vous ayez à gérer un ménage, une petite entreprise de deux ou trois personnes, ou un pays tout entier, le principe est le même : si vous voulez rester crédible, indépendant, fiable, le total de vos dépenses ne doit pas, sur l’ensemble d’un exercice, excéder celui de vos recettes. Au niveau de la Confédération suisse, cette philosophie a été mise sur papier, dans un message, il y a dix ans par le Conseil fédéral (5 juillet 2000), puis plébiscitée par 85% du corps électoral. Ce mécanisme porte un nom : le frein à l’endettement.

     

    Cette rigueur financière, commencée sous Kaspar Villiger puis appliquée avec minutie (parfois excessive) par Hans-Rudolf Merz est l’un des éléments clefs du succès de la Suisse, en comparaison internationale, dans la dernière décennie. C’est justement parce qu’ils n’ont pas eu notre rigueur que nos grands voisins, la France et l’Allemagne notamment, tentent de se refaire une santé financière en lançant contre notre pays une véritable guerre fiscale. Avec une hargne qui, sous des dehors de moralité, camoufle une très mauvaise gestion des deniers, chez eux, par les collectivités publiques, souvent régionales d’ailleurs.

     

    Oui, le frein à l’endettement était nécessaire il y a dix ans, oui il le demeure plus que jamais aujourd’hui, au niveau fédéral comme dans les cantons. Oui, il faut se méfier comme de la peste de ces gigantesques plans de relance où, dans l’illusion de jouer et rejouer encore le miracle du New Deal, sous Roosevelt au début des années trente, on fait de l’Etat le principal émetteur des carnets de commande. Non, la société suisse de 2010 n’est pas la société américaine de novembre 1932.

     

    En Suisse, les partis de droite – la droite au sens large – soutiennent la philosophie du frein à l’endettement. Tout au plus, ponctuellement, les féodalités régionales ou corporatistes donnent-elles de la voix lorsque leurs intérêts vitaux (ou électoraux) sont touchés. Il est vrai aussi que Berne n’a pas toujours eu l’intelligence politique requise face à de véritables symboles, voire mythes, comme les cars postaux en Valais ou le haras fédéral d’Avenches, cher à l’étoile montante de l’UDC genevoise, cavalière à faire rougir l’Eternel, Céline Amaudruz.

     

    Toute la droite ? Non. Le vice-président du PDC suisse, Dominique de Buman, profite de la bonne santé financière actuelle de la Confédération pour demander un assouplissement du frein à l’endettement. On a pu entendre tout à l’heure, sur la RSR, que son président de parti, Christophe Darbellay, accueillait glacialement l’ « idée d’été » de ce numéro deux qu’il affectionne tant et avec lequel, tout le monde le sait, il passe le plus clair de ses vacances.

     

    Darbellay a raison. En matière financière comme en matière fiscale, la Suisse est en état de guerre. Elle est entourée de grands pays qui multiplient les offensives à son endroit. Elle doit prouver plus que jamais qu’elle demeure le pays de la sagesse, de la rigueur et de l’équilibre. Bref, qu’elle sait gérer – bien mieux que d’autres – ses deniers publics. Pour ces raisons-là, qui ne tiennent pas seulement au ménage interne de la Confédération, mais aussi à sa stature et à son image internationale, la Suisse doit continuer de freiner son endettement. Il en va d’aujourd’hui comme de demain : les dettes que notre génération contractera, ce sera, hélas, à nos enfants de les payer.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Petit cahier de vacances pour Hugues Hiltpold

     

    Sur le vif - Jeudi 12.08.10 - 11.21h

     

    Cher Hugues Hiltpold,

     

    Vous avez adressé vos vœux aux musulmans de Suisse à l’occasion du ramadan, c’est très bien, je m’y associe, il n’y a aucun problème, en soi, avec cela.

     

    Aucun problème « en soi », mais peut-être une ou deux remarques collatérales.

     

    J’ai partagé votre combat contre l’interdiction des minarets, je l’ai dit maintes fois éditorialement, je regrette simplement que, chef de campagne, vous ayez été moins convaincant que le camp adverse. La raison tranquillement articulée, en politique (comme, d’ailleurs, dans la trop sage écriture de votre texte) ne fait pas toujours le poids face au choc des images. Face à l’émotionnel, il faut triompher par un autre émotionnel, pourquoi par celui de la République, qui est une grande et belle chose et mérite le soutien de la passion. Face à un Freysinger, c’est la puissance de la fièvre républicaine qu’il aurait fallu déployer. Le résultat n’aurait peut-être pas été différent, mais au moins il y aurait eu combat.

     

    Vous êtes trop sage, Monsieur Hiltpold. Je partage la plupart de vos idées, mais vous êtes si timide dans l’art de les exprimer, qu’on ne vous voit et ne vous entend pas. C’est dommage, car vous êtes homme de convictions ancrées et de courage. Prenez votre texte : vous vous en extrayez tellement, en tant qu’auteur, que le résultat apparaît comme un très sage, très cérébral alignement de préceptes. On les dirait ordonnés par la glaciale exactitude du compas et de l’équerre. Sémantiquement, c’est sans doute très bien, mais vous ne triompherez pas comme cela, dans les affaires de burqa ou de minarets, d’un Freysinger. Il y faut une autre fougue dans l’art d’empoigner le verbe. Ne venez pas me rétorquer que vous vous refusez au populisme, c’est souvent l’argument trop facile des perdants.

     

    Enfin, bravo encore pour vos vœux aux musulmans. Bien entendu, puisque vous voilà féliciteur officiel des différentes communautés à l’occasion de leurs rites, je me réjouis du petit mot d’amitié que vous ne manquerez pas, dans trois jours, d’adresser aux catholiques pour l’Assomption. Ni, le 8 septembre, à mes amis juifs pour Rosh Hashanah. Ni, le 9 mars 2011, à nouveau aux catholiques, pour le Carême. Ni aux différents patriarcats orthodoxes pour la splendeur de leurs Pâques. Vous avez du pain sur la planche, Monsieur Hiltpold.

     

    Je vous souhaite une excellente fin d’été. Ah, au fait n’oubliez pas : le 8 septembre, c’est aussi, chez les catholiques, la Nativité de la Vierge. Fête, hélas, totalement ignorée des fidèles eux-mêmes. Je compte sur vous pour une petite piqûre de rappel.

     

    Pascal Décaillet