Sur le vif - Vendredi 13.08.10 - 19.40h
Que vous ayez à gérer un ménage, une petite entreprise de deux ou trois personnes, ou un pays tout entier, le principe est le même : si vous voulez rester crédible, indépendant, fiable, le total de vos dépenses ne doit pas, sur l’ensemble d’un exercice, excéder celui de vos recettes. Au niveau de la Confédération suisse, cette philosophie a été mise sur papier, dans un message, il y a dix ans par le Conseil fédéral (5 juillet 2000), puis plébiscitée par 85% du corps électoral. Ce mécanisme porte un nom : le frein à l’endettement.
Cette rigueur financière, commencée sous Kaspar Villiger puis appliquée avec minutie (parfois excessive) par Hans-Rudolf Merz est l’un des éléments clefs du succès de la Suisse, en comparaison internationale, dans la dernière décennie. C’est justement parce qu’ils n’ont pas eu notre rigueur que nos grands voisins, la France et l’Allemagne notamment, tentent de se refaire une santé financière en lançant contre notre pays une véritable guerre fiscale. Avec une hargne qui, sous des dehors de moralité, camoufle une très mauvaise gestion des deniers, chez eux, par les collectivités publiques, souvent régionales d’ailleurs.
Oui, le frein à l’endettement était nécessaire il y a dix ans, oui il le demeure plus que jamais aujourd’hui, au niveau fédéral comme dans les cantons. Oui, il faut se méfier comme de la peste de ces gigantesques plans de relance où, dans l’illusion de jouer et rejouer encore le miracle du New Deal, sous Roosevelt au début des années trente, on fait de l’Etat le principal émetteur des carnets de commande. Non, la société suisse de 2010 n’est pas la société américaine de novembre 1932.
En Suisse, les partis de droite – la droite au sens large – soutiennent la philosophie du frein à l’endettement. Tout au plus, ponctuellement, les féodalités régionales ou corporatistes donnent-elles de la voix lorsque leurs intérêts vitaux (ou électoraux) sont touchés. Il est vrai aussi que Berne n’a pas toujours eu l’intelligence politique requise face à de véritables symboles, voire mythes, comme les cars postaux en Valais ou le haras fédéral d’Avenches, cher à l’étoile montante de l’UDC genevoise, cavalière à faire rougir l’Eternel, Céline Amaudruz.
Toute la droite ? Non. Le vice-président du PDC suisse, Dominique de Buman, profite de la bonne santé financière actuelle de la Confédération pour demander un assouplissement du frein à l’endettement. On a pu entendre tout à l’heure, sur la RSR, que son président de parti, Christophe Darbellay, accueillait glacialement l’ « idée d’été » de ce numéro deux qu’il affectionne tant et avec lequel, tout le monde le sait, il passe le plus clair de ses vacances.
Darbellay a raison. En matière financière comme en matière fiscale, la Suisse est en état de guerre. Elle est entourée de grands pays qui multiplient les offensives à son endroit. Elle doit prouver plus que jamais qu’elle demeure le pays de la sagesse, de la rigueur et de l’équilibre. Bref, qu’elle sait gérer – bien mieux que d’autres – ses deniers publics. Pour ces raisons-là, qui ne tiennent pas seulement au ménage interne de la Confédération, mais aussi à sa stature et à son image internationale, la Suisse doit continuer de freiner son endettement. Il en va d’aujourd’hui comme de demain : les dettes que notre génération contractera, ce sera, hélas, à nos enfants de les payer.
Pascal Décaillet