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  • À Changins, nos diplomates !

     

    Sur le vif - Et avec une pointe d'acidité sur la langue - Dimanche 29.08.10 - 09.11h

     

    Le Faustino V n’est de loin pas un mauvais vin, encore qu’il pâtisse souvent, comme nombre de Riojas d’exportation, d’un excès vanillé de séjour en barrique, que le consommateur certes adore, mais qui masque à la fois les vertus et les vices d’un nectar.

     

    À l’ambassade suisse d’Helsinki, Christophe Darbellay s’est vu servir du Faustino V. Alors, il a vu rouge. Surtout que la petite plaisanterie finno-ibérique n’est que la goutte qui fait déborder la cuve : on sert souvent des vins étrangers dans nos missions officielles (qui sont les cartes de visite de la Suisse), et, nous apprend un papier de mon excellent confrère Titus Plattner dans le Matin dimanche d’aujourd’hui, le Pavillon suisse de Shanghai sert des crus italiens et espagnols ! Alors, le 13 septembre prochain, à la rentrée parlementaire, Darbellay déposera une motion obligeant tout ce petit monde en smoking – ainsi que les organisations subventionnées par la Confédération – à servir du vin suisse. À coup sûr, il devrait rallier facilement une majorité.

     

    Le plus fou, c’est que nos snobinards de cocktails n’y ont pas songé eux-mêmes. Envoyés aux quatre coins du monde comme images de la Suisse, ils n’ont juste pas pensé à cette charnelle, cette mystique incarnation de la terre qui s’appelle le vin. Nous en avons certains d’exceptionnels. Mais eux, quelle image ont-ils du pays ? Un système ? Une construction intellectuelle ? Et la Suisse tellurique, celle de l’argile et du terroir, ils ignorent ? Une Petite Arvine de vendanges tardives pourrait pourtant, au point le plus tangent de certaines négociations, défendre mieux les intérêts supérieurs du pays que bien des discours.

     

    Alors, après la motion Darbellay, on pourrait imaginer une motion 2 : inclure, dans le programme de formation des futurs diplomates, quinze jours sur les vins suisses. Visites, dégustations, rencontres avec les vignerons, identification des cépages. Et une semaine à la Station fédérale de Changins. Histoire d’apprendre qu’un pays, ça n’est pas seulement des lois et des traités, mais aussi la sensualité d’une terre. Le pays profond, oui, qui n’appartient pas seulement à celui qui le possède, mais à tous ceux qui l’aiment.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le zéro absolu existe : le rafting

     

     

    Sur le vif - Et dans une rage de cataracte - Samedi 28.08.10 - 18.29h

     

    Un soir d’été, Dieu créa la bêtise, et le rafting naquit.

     

    Faut-il vraiment ne rien comprendre à la montagne, encore moins à la nature, pour s’entasser sur un canot pneumatique, et défier le cours, évidemment tumultueux, d’un torrent ? Ils veulent se prouver quoi, ces humanoïdes de pacotille, face à la dévorante puissance des flots ? Qu’ils la maîtrisent ?

     

    Mais non, justement, ils ne la maîtrisent pas ! Pas un été sans drames, sans morts, non pas la mort qui élève, celle de Kyo dans la Condition humaine, celle de Zénon dans l’œuvre au Noir, non, juste la mort bête, la mort dans toute sa connerie. Dénuée de sens, si ce n’est nous prouver ce que nos ancêtres savaient depuis la nuit des temps : on ne navigue pas sur ce genre de cours d’eau !

     

    Tous les étés, je les côtoie, les torrents, et Dieu sait si je les aime. De leur grâce et parfois de leur fureur, ils ont baigné les horizons de toute mon ascendance, le Trient pour ma famille paternelle, les Dranses pour celle de ma mère. Ferret, Bagnes, Entremont. Combien de réunions, familiales justement, de regroupements de toutes les branches éparpillées par la vie, à quelques mètres de la rivière en furie. Qui semble, dans ces moments-là, n’avoir été inventée que pour la grâce infinie d’y abriter une bouteille de vin blanc. Moins de cinq minutes et la voilà à bonne température, baptisée, épurée de son étiquette, emportée vers les Camargues.

     

    Côtoyer, oui. Immersion des pieds, si on veut. Mais surtout, observer. Miracle des oiseaux. Et puis la vie, la vie qui va, le charivari des alluvions, l’Eau noire (de Châtelard et d’ailleurs), l’eau qui bondit, surgit, danse et se rit de la verticalité. Tout cela, oui.

     

    Scruter, mais c’est tout. Aujourd’hui encore, dans le Vorarlberg, ce sont dix de ces têtes brûlées qui ont mobilisé les secours. Etonnés que le cours d’eau ait eu l’impudence de les emporter. Sans compter l’ahurissante bêtise de ces responsables RH d’entreprises qui croient judicieux de flanquer dans ces nefs de mort, comme sur le Styx ou l'Achéron, des employés n’ayant aucun sens, ni de la navigation, ni de la montagne. Juste, les infâmes crétins, pour tester « le sens du groupe », la hiérarchie de l’audace. Et la Grande Faucheuse, quand ces cadres d’opérette lui chatouillent un peu trop le menton, alors oui, de temps à autre, elle fait son boulot, elle fauche, et c’est parti pour le deuil et pour les jérémiades, quand le pire était évitable.

     

    Ô puissances souveraines, au milieu de mes colères, je suis prêt à des concessions : prêt à accepter, en ces mortelles contrées, les sirènes d’Apocalypse des Verts, les promesses de pluie d’Ueli le Climatique, la Cène et l’épicène, tout cela oui. Mais, grands dieux, qu’on nous délivre du rafting.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Pierre Maudet et le clientélisme des jeunes

     

    Sur le vif - Et avec une vendéenne ardeur - Mardi 24.08.10 - 12.44h


    Chez les jeunes bobos et urbains, y compris chez nombre d’entre eux qui proviennent de la gauche, Pierre Maudet apparaît comme une forme de héros. L’homme de droite présentable, éclairé, ouvert à leurs préoccupations, à l’Europe, bref le radical qu’on veut bien ajouter à une liste de Verts ou de socialistes. Chez ces mêmes jeunes, l’idée même que tout cela puisse provenir d’un calcul électoraliste de l’intéressé, est rejetée comme vestige d’un scepticisme dépassé.

     

    Et pourtant. La position que vient de prendre, ce matin dans le Temps, l’éternel jeune prodige du radicalisme genevois (il dira non à la révision de la loi sur le chômage), mérite un minimum d’analyse et de mise en perspective. Président de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, notre très rusé ratisseur de voix et rôtisseur de concurrents a saisi d’instinct, depuis des années, l’aubaine que pouvait constituer l’électorat des jeunes. Alors, il les caresse dans le sens du poil. Il les mitonne. Il les bichonne. Il leur susurre et leur murmure ce qu’ils ont envie d’entendre. Bref, il les drague.

     

    Ce petit jeu, qui consiste à constamment se démarquer des « méchants radicaux du reste du pays », brutes campagnardes par ci, têtes de béton zurichoises par là, eurosceptiques dénoncés comme des retardés mentaux, va un jour se retourner contre l’enfant terrible du vieux parti. Parce que des gens de droite, en Suisse, oui la grande famille de droite, commencent à en avoir marre de ces leçons de civilité, de progrès et de Lumières (Dieu merci, Maudet nous épargne à peu près la laïcité) que ne cessent de nous asséner certains radicaux genevois. Et aimeraient un peu plus de fidélité à certains de leurs fondamentaux idéologiques. Mais Maudet, jeune prodige, ne roule pas pour eux. Maudet roule pour Maudet. C’est son charme. Et, peut-être, la première de ses limites.

     

    Pascal Décaillet