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Le zéro absolu existe : le rafting

 

 

Sur le vif - Et dans une rage de cataracte - Samedi 28.08.10 - 18.29h

 

Un soir d’été, Dieu créa la bêtise, et le rafting naquit.

 

Faut-il vraiment ne rien comprendre à la montagne, encore moins à la nature, pour s’entasser sur un canot pneumatique, et défier le cours, évidemment tumultueux, d’un torrent ? Ils veulent se prouver quoi, ces humanoïdes de pacotille, face à la dévorante puissance des flots ? Qu’ils la maîtrisent ?

 

Mais non, justement, ils ne la maîtrisent pas ! Pas un été sans drames, sans morts, non pas la mort qui élève, celle de Kyo dans la Condition humaine, celle de Zénon dans l’œuvre au Noir, non, juste la mort bête, la mort dans toute sa connerie. Dénuée de sens, si ce n’est nous prouver ce que nos ancêtres savaient depuis la nuit des temps : on ne navigue pas sur ce genre de cours d’eau !

 

Tous les étés, je les côtoie, les torrents, et Dieu sait si je les aime. De leur grâce et parfois de leur fureur, ils ont baigné les horizons de toute mon ascendance, le Trient pour ma famille paternelle, les Dranses pour celle de ma mère. Ferret, Bagnes, Entremont. Combien de réunions, familiales justement, de regroupements de toutes les branches éparpillées par la vie, à quelques mètres de la rivière en furie. Qui semble, dans ces moments-là, n’avoir été inventée que pour la grâce infinie d’y abriter une bouteille de vin blanc. Moins de cinq minutes et la voilà à bonne température, baptisée, épurée de son étiquette, emportée vers les Camargues.

 

Côtoyer, oui. Immersion des pieds, si on veut. Mais surtout, observer. Miracle des oiseaux. Et puis la vie, la vie qui va, le charivari des alluvions, l’Eau noire (de Châtelard et d’ailleurs), l’eau qui bondit, surgit, danse et se rit de la verticalité. Tout cela, oui.

 

Scruter, mais c’est tout. Aujourd’hui encore, dans le Vorarlberg, ce sont dix de ces têtes brûlées qui ont mobilisé les secours. Etonnés que le cours d’eau ait eu l’impudence de les emporter. Sans compter l’ahurissante bêtise de ces responsables RH d’entreprises qui croient judicieux de flanquer dans ces nefs de mort, comme sur le Styx ou l'Achéron, des employés n’ayant aucun sens, ni de la navigation, ni de la montagne. Juste, les infâmes crétins, pour tester « le sens du groupe », la hiérarchie de l’audace. Et la Grande Faucheuse, quand ces cadres d’opérette lui chatouillent un peu trop le menton, alors oui, de temps à autre, elle fait son boulot, elle fauche, et c’est parti pour le deuil et pour les jérémiades, quand le pire était évitable.

 

Ô puissances souveraines, au milieu de mes colères, je suis prêt à des concessions : prêt à accepter, en ces mortelles contrées, les sirènes d’Apocalypse des Verts, les promesses de pluie d’Ueli le Climatique, la Cène et l’épicène, tout cela oui. Mais, grands dieux, qu’on nous délivre du rafting.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

 

 

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