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  • Le chant du caniveau

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    Sur le vif - Et dans un venin de Saint-Barthélémy - Mardi 24.08.10 - 09.14h

     

    À la une du Matin, aujourd’hui, « Il démissionne enfin ! », avec une grande photo de Frédéric Hainard.

     

    En pages 2 et 3 du Matin d’aujourd’hui, « Le Shérif rend son insigne », titre de double page. À gauche de la page 2, l’édito : « Bon débarras ». En page 3, des réactions, évidemment glanées au hasard : « C’est bien fait pour lui ! ». Ou encore : « Qu’il s’excuse enfin ! ».

     

    En pages 4 et 5 du Matin d’aujourd’hui : « Pas fait pour le pouvoir ». En tout, cinq pages, hargneuses et triomphantes, sur la démission de Frédéric Hainard.

     

    On connaissait déjà le journalisme d’exécution. Ce que le Matin, depuis des mois, s’est appliqué à produire avec une rare minutie et un acharnement unilatéral dans ce feuilleton dont il est la fois le scénariste, le metteur en scène, le récipiendaire des droits. Le journal Le Matin est-il dirigé par des journalistes ou par les ennemis neuchâtelois de M. Hainard ? Le rédacteur en chef s’appelle-t-il Jean Studer ?

     

    On franchit ce matin une étape inédite : le journalisme de piétinement des cadavres. On brandit la dépouille à la foule, on la traîne sur le sol, pour souligner son propre triomphe. Peut-être, pourrait-on, à Neuchâtel, suspendre par les pieds Frédéric Hainard et sa compagne, comme le furent, en avril 1945, Benito Mussolini et Clara Petacci. Ce serait  aventureux et salé, comme image, non ?

     

    Pourquoi ces cinq pages, ce matin ? Pour informer? Ou pour justifier, rétrospectivement, la sauvagerie d’un acharnement systématique.

     

    On connaissait déjà la peste noire. Voici la petite peste orangée. Obédiente et mondaine, garce, vipérine. Qui pratique, ce matin, le suprême courage de la 25ème heure : celui de cracher son venin sur un mort. Dans le vent crispé du matin. Cher à Verlaine. C’est leur Art poétique à eux : le chant du caniveau.

     

    Pascal Décaillet

  • Hainard, les chiens, les chiennes

     

     

    Sur le vif - Lundi 23.08.10 - 17.14h

     

    Il y a des fois, dans la vie, où on se réconcilierait avec l’épicène. Confrères et consœurs, voyous et voyelles, chiens et chiennes.

     

    Bien sûr, le journalisme est souvent dur. Bien sûr, nous mettons cruellement sur le gril nos interlocuteurs. Bien sûr, nous traquons la langue de bois. C’est la loi du métier. La loi du genre.

     

    Mais nous ne sommes pas pour autant des inquisiteurs. Ni des vautours. Ni des chiens errants, affamés.

     

    La manière dont Frédéric Hainard (qui a certes tout entrepris lui-même pour se perdre) a été traité par un quotidien orangé, sûr de soi et prédateur, donne à réfléchir. Non pas, bien sûr, dans la mission de transparence. Mais la récurrence. Mais la systématique. Mais l’acharnement.

     

    Ce quotidien a-t-il défini seul sa ligne inquisitrice ? Lui a-t-elle été insufflée d’en haut ? Aujourd’hui, ils doivent se dire qu’ils ont gagné. Ils disent sûrement « champagne ». C’est leur droit.

     

    Moi, simplement, je dis « nausée ».

     

    Et tout le reste, je m’en fous.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Quand Doris nous mène en bateau

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    Dmanche 22.08.10 - 09.36h

     

    Hier à Cham, dans le canton de Zoug, devant l’Assemblée des délégués de son parti, le président du PDC suisse, Christophe Darbellay, a lancé à sa manière – celle du flandrin qui fonce d’abord et qui discute après – une OPA sur le DETEC (Département des transports, de l’énergie et de la communication), exigeant qu’il revienne à Doris Leuthard.

     

    Il y a mille raisons (nous y reviendrons dans d’autres textes) que le DETEC, où Moritz Leuenberger blanchit sous le harnais, avec une rare inefficacité, depuis plus de quinze ans, passe en mains bourgeoises. À la base, oui, disons « bourgeoises », pas particulièrement PDC. Mais, si on y regarde de plus près, l’évidence Leuthard s’impose en effet : Ueli Maurer et Eveline Widmer-Schlumpf sont trop fragiles, au sein du collège, pour prendre en main des chantiers de longue haleine. Didier Burkhalter vient d’arriver, et de toute manière serait catastrophique sur la politique de communication, à laquelle il reconnaît lui-même ne rien entendre.

     

    Bref, l’hypothèse Leuthard est à prendre au sérieux. Et Darbellay a eu mille fois raison de la brandir. Beaucoup moins plaisante, hier, la réaction de la principale intéressée, qui a du reste passé son temps, hier à Cham, à sourire (un art dans lequel elle excelle) et toucher les écrouelles. Avec la complicité d’une presse people qui passe davantage de temps à chanter les louanges de ses tenues qu’à s’intéresser à son action politique, la présidente de la Confédération commence à afficher un côté diva qui pourrait, un jour, se retourner contre elle. Interrogée sur l’hypothèse DETEC, elle a fait comme si elle l’avait découverte en écoutant le discours de son président de parti. Elle a joué les mijorées, les saintes-nitouches, nous a gratifiés d’une leçon burkhalterienne sur les vertus de la collégialité. Bref, pas loin de désavouer le verbe trop aventureux du Flandrin, elle nous a menés en bateau.

     

    La répartition des rôles entre le chef de parti qui lance l’idée et la conseillère fédérale qui feint d’en prendre connaissance avait-elle été concoctée à l’avance ? Ou la madone des belles étoffes a-t-elle lâché le Valaisan ? Dans tous les cas, pour qui sait lire la politique au-delà des sourires et de la haute couture, il y a des inélégances, dans la vie, qui dépassent parfois de beaucoup le seul domaine vestimentaire.

     

    Pascal Décaillet