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Liberté - Page 774

  • L'immuable complicité du silence

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    Sur le vif - Mardi 01.05.18 - 09.52h

     

    Mai 68 : strictement aucun recul dans les médias. Sous prétexte de commémorer, on encense, on idéalise. On continue d'inviter en boucle Daniel Cohn-Bendit. Face à lui, nul recul, nulle question critique, nulle remise en cause. La presse de 2018 demeure totalement inféodée à l'idéologie qui sanctifie le beau mois de Mai, prétend en faire une référence majeure de l'Histoire de France. Au même titre que 1936, ou la Libération.

     

    Sur l'échec politique du mouvement, qui par réaction (élections de juin 68) a précipité à la Chambre, pour cinq ans, la députation la plus conservatrice depuis 1919, rien.

     

    Sur la totale ignorance des manifestants face à l'homme qu'ils combattaient, le plus libérateur et le plus émancipateur du vingtième siècle en France, simplement âgé de 77 ans, rien. Pas un mot.

     

    Sur l'ignominie de certains slogans, comme "CRS-SS !", rien. Assimiler, pour la seule efficacité sifflante de l'allitération, des Compagnies républicaines de sécurité, troupes de maintien de l'ordre d'un État de droit parfaitement démocratique, aux hommes de Heinrich Himmler, bravo l'amalgame.

     

    Ce dernier n'a fonctionné impunément qu'en vertu de l'état d'amnésie dans lequel était encore la France, non sur l'occupant allemand de 40-44, mais sur son propre rôle, dans la Collaboration. Et le plus fou, c'est que l'homme qui, dès le premier jour, s'était levé pour combattre le régime de Vichy , se trouve être le même que les petits bourgeois révoltés du Quartier Latin veulent virer, 28 ans plus tard.

     

    Ils s'en sont pris, juste parce qu'il était vieux, rugueux, marmoréen, à l'homme qui avait dit non à la défaite, résisté, rétabli la République, donné le droit de vote aux femmes, restauré l'Etat, promulgué les grandes lois sociales de la Libération, puis à son retour, réglé la question algérienne, réconcilié la France avec l'Allemagne, conduit son pays dans une ère de prospérité sans précédent. Le révolutionnaire, c'était lui.

     

    J'avais dix ans. J'ai immédiatement pris le parti du Général. Je finissais mon avant-dernière année primaire. J'adorais l'école. Je ne comprenais pas pourquoi mes aînés vomissaient un système qui me convenait parfaitement.

     

    Dans les médias d'aujourd'hui, nul recul critique. Nul exercice de la conscience historique. Face à Mai 68, c'est l'éloge obligatoire. Daniel Cohn-Bendit, avec ses illusions cosmopolites et supranationales, encore et toujours sur les plateaux. Et face à lui, l'immuable complicité du silence.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Un homme d'Etat

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    Sur le vif - Vendredi 27.04.18 - 18.39h
     
     
    Ma première rencontre avec Christian Grobet date de 1978. J'avais vingt ans, je rédigeais des piges pour le Journal de Genève, qui m'avait envoyé couvrir une causerie, aux Pâquis, sur "le rôle des partis politiques". Le représentant des socialistes était le député Grobet.
     
     
    Quelques années plus tard, journaliste à plein temps au même Journal de Genève, j'ai tant de fois couverts ses conférences de presse sur les différents chantiers qu'il ouvrait pour le canton.
     
     
    Christian Grobet fut, de 1981 à 1993, un grand conseiller d'Etat. Ses positions politiques, ses choix, on les partage ou non, bien sûr. Mais en toutes choses, il roulait pour l'Etat, il avait en lui la dimension d'Etat. Il y a eu André Chavanne, il y a eu Christian Grobet, il y a eu Guy-Olivier Segond.
     
     
    Après une carrière politique exceptionnelle, entamée en 1967 sur les bancs du Conseil municipal, cette figure de notre République tire sa révérence, tout au moins de la politique élective.
     
     
    Pour l'avoir connu dans ses années d'ascension, puis de plénitude dans le pouvoir ou dans l'opposition, pour avoir observé ces quarante ans (depuis 1978, pour ma part) de militantisme, de rectitude, de service à la République, je rappelle ici ce que j'ai maintes fois dit : voilà une très grande figure, une vie entière consacrée aux choses de la Cité. En trois mots comme en mille, cela s'appelle un homme d'Etat.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     

  • Triple menton et triporteur

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    Commentaire publié dans GHI - 25.04.18

     

    L’élection d’un nouveau Parlement, pour cinq ans, donne aux citoyens l’illusion d’un printemps : la vie est belle, les jours s’allongent, et la nature est là, qui nous invite et nous aime. C’est chaque fois la vie qui recommence, la sève qui monte, l’arrivée de quelques jeunes comme l’aube d’un nouveau monde.

     

    Soit. Mais l’Histoire est tragique. L’amorce d’un progrès, et déjà le reflux. Démarche de crabe, sans cohérence, quelque chose du discours d’un fou, dont parle Shakespeare. D’autant que les nouveaux, pour la législature 2018-2023, ne sont pas légions : dans certains partis, on s’est contenté de reprendre les mêmes. L’innovation, par l’archaïsme.

     

    Et puis, chez nos bons éditorialistes, on s’est précipité à saluer un « retour aux équilibres, ou aux « partis traditionnels », ce qui, en passant, en dit long sur la puissance mentale révolutionnaire qui règne dans la presse romande. On leur fourguerait du Louis XVIII, avec perruque, triple menton et triporteur, ils en glapiraient d’extase.

     

    Je prends ici un pari. Celui que la prochaine législature trimbalera les mêmes antagonismes de classe que ceux de la précédente : imposition des entreprises, caisse de pension des fonctionnaires, logement, coûts pour se soigner. Il y aura une gauche, il y aura une droite. Et il y aura toujours le MCG, plus maigre mais plus cohérent, pour arbitrer, à commencer par son conseiller d’Etat. Et la vie continuera ! Et les ultimes Bourbons, entre deux fatigues patriciennes, continueront de roter leur arrogance. Pour cinq ans. Ou pour l’éternité, nous verrons.

     

    Pascal Décaillet