Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.01.25
« Cher Pascal, je vous lis depuis des années, je partage vos valeurs, ou presque toutes, allons manger ensemble, discutons, mettons ensemble nos énergies, lançons un projet commun, avec quelques autres, quelque chose de radicalement nouveau dans la presse romande, vous allez voir, on va casser la baraque ! ». Combien de fois, depuis des décennies, n’ai-je pas reçu un tel message ? Non de la part d’inconnus, mais de telle ou telle figure du monde éditorial de la Suisse romande, rêvant de fédérer les énergies autour des idées que je défends, et que vous connaissez, principalement celle de la souveraineté nationale. Je n’ai jamais accepté. J’ai peut-être eu tort, mais c’est ainsi : je préfère cheminer seul que m’agréger à un groupe. C’est une question de caractère. De conception du métier, du monde des nuances, de la spécificité de l’individu, dans la bataille des idées. C’est aussi lié à mon statut d’entrepreneur, férocement indépendant, depuis bientôt vingt ans.
Mais il y a une autre raison, fondamentale. Je n’appartiens à aucun groupe. Et j’invite tous ceux qui me lisent, et qui aspirent à exprimer leurs idées, à ne jamais s’incorporer dans une quelconque meute. Pour moi, une voix émerge seule. Elle dit sa vision du monde, ses nuances, ses cicatrices, sa mémoire, elle laisse émerger son rapport au monde sensible. C’est une démarche profondément individuelle, inconciliable avec une « rédaction », des séances, des petits chefs, des horaires, des vacances, des bavardages de cafétéria, des rivalités de clans. Il y tellement mieux à faire, quand on a choisi d’assumer soi-même son destin.
Enfin, il y a l’essentiel. Je suis un homme de droite, mais profondément anti-libéral, comme vous savez. Un homme de droite, mais pour la cohésion sociale, le partage des richesses, la participation des travailleurs au capital de leur entreprise. Un homme de droite, mais pour la Caisse unique. Un homme de droite, mais pour l’Etat. Un homme de droite, qui déteste l’atlantisme et l’impérialisme américain, depuis la Seconde Guerre mondiale. Un homme de droite, qui a lu Marx, et en retient beaucoup de leçons. Un homme de droite, fasciné par les quarante années (1949-1989) d’existence de la DDR, pour des raisons autant personnelles qu’intellectuelles, et même littéraires. Dans ces conditions de complexité, ou même pour certains d’illisibilité, comment voulez-vous que je fasse alliance avec une quelconque autre plume en Suisse romande ?
Je m’adresse ici à tous ceux qui veulent exprimer leurs idées : soyez vous-mêmes, fuyez les groupes, les « collectifs », les séances, les réunions, les cocktails. Détestez le pouvoir, d’où qu’il vienne. Méfiez-vous des mandarins, des directeurs de conscience, des chefs de file, dans l’ordre de la pensée. Devenez doucement de vieux loups solitaires. Ne craignez pas de passer pour un marginal, un cinglé. Aimez la vie, aimez les mots, la musique. Aimez passionnément le frisson d’être là, au milieu du monde. Avec le monde. Mais dans votre solitude.
Pascal Décaillet
Commentaires
Je reçois votre message cinq sur cinq. Je n'appartiens pas au monde de la presse ni de la politique mais partage vos valeurs. Je n'ai jamais pu m'intégrer dans un groupe. A l'école déjà, il y a plus de cinquante ans, je restais à l'extérieur du groupe et observais attentivement les petites magouilles des uns et des autres. Ceux qui brillaient, qui voulaient dominer la meute, toujours les mêmes et les moutons, ceux qui suivaient. J'ai toujours eu horreur de cela et je ne le regrette pas. Bravo pour votre article.