Sur le vif - Mercredi 01.01.25 - 16.43h
En ce Jour de l'An, je ne contiendrai pas ma colère. L'abandon de la FM par la SSR est une forfaiture. Je sais de quoi je parle : je suis un homme de radio, j'ai passé deux décennies devant des micros radio, avant d'en passer deux autres devant des caméras TV.
Je connais ce métier sur le bout des ongles, j'ai lancé plusieurs nouvelles émissions, ou nouvelles formules, qui aujourd'hui encore existent. Je ne suis pas un homme de "start-ups", qui lance une boîte puis la ferme pitoyablement après deux ans. Ni un écervelé qui lance une émission pour qu'elle se plante, puis s'en va prêchant des mots vides comme "innovation". Je réfléchis plusieurs mois à un concept, je travaille en confiance avec ceux qui m'en confient le mandat. Je fais des maquettes, avec une petite équipe de super-pros. Le jour venu, on lance la Première, suivie de champagne et petits fours. Mais le lendemain, il y a une deuxième, puis il faut tenir l'émission des mois, des années, des décennies. Avec discipline, rigueur, méticulosité dans les détails d'intendance, confiance entre partenaires, patience. C'est cela, être producteur d'une émission. Ca se joue dans les entrailles du métier lui-même, dans la patience de ses détails, pas dans le cliquetis des cocktails.
Oui, je sais de quoi je parle. J'ai tout donné à ce métier, je n'ai pas de leçons à recevoir de freluquets qui nous chantent les louanges du DAB, en laissant entendre que nous serions, nous les partisans du maintien de la FM, de vieux débris incapables d'évoluer avec les techniques nouvelles. J'ai été coproducteur, avec les deux grands pros William Heinzer et Georges Pop, de la formule qui a révolutionné les Matinales radio en janvier 1994. J'ai été producteur unique du 12.30h. J'ai été producteur unique de la formule, complètement réinventée, de Forum, dès janvier 2001. Je la connais, la musique, sur le bout des doigts. En matière de radio, en Suisse romande, je n'accepte de leçon de PERSONNE. Je suis d'ailleurs abasourdi par l'incompétence actuelle des dirigeants. Aucune vision. Aucune oreille. Aucun instinct. Aucun esprit de réinvention. Des petits pions du conservatisme.
Je n'ai rien contre le DAB. Mais en aucun cas, la SSR n'avait à abandonner le prodigieux réseau FM, patiemment mis en place, pendant plus d'un siècle, sur le territoire suisse. C'est une technique légère, géniale, souple, garante de notre souveraineté médiatique, ce que le DAB n'est absolument pas. Les deux formules, de longues années encore, auraient parfaitement pu coexister. ELLES L'AURAIENT DÛ, absolument !
Au plus haut niveau de la SSR, on nous faisait déjà miroiter le DAB lorsque je travaillais encore dans la grande maison. Mais il n'était nullement question d'abandonner la FM ! Il faudra, un jour, écrire l'Histoire de la manière dont on a imposé ce support nouveau, on a tout misé sur lui, on a voulu faire jeune, faire moderne, on a juste oublié les centaines de milliers de transistors FM qui fonctionnent encore parfaitement en Suisse. On s'est privé de ces incomparables supports : suicide, mode d'emploi !
On a oublié les dizaines de milliers de personne âgées, victimes de la fracture numérique. On a oublié que le 31 décembre 2024 à minuit s'inscrivait en plein coeur d'une période de crise, sans précédent, du pouvoir d'achat. On a imposé cette décision, d'en haut. On a méprisé les auditeurs. On a fractionné l'auditoire entre anciens et modernes, là où il fallait, par la flamme du micro, le génie du verbe, la citoyenneté du propos, le rassembler.
Oui, cette décision est une erreur stratégique majeure. Socialement, une forfaiture. En termes de fédération citoyenne, un coup de poignard dans le dos.
Citoyen et entrepreneur, passionné du verbe et du micro, je fais des émissions pour rassembler les âmes. Pas pour les disperser.