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Liberté - Page 537

  • Palestine : un Etat, et rien d'autre !

     

    Sur le vif - Dimanche 02.02.20 - 14.49h

     

    Je ne cesse de suivre, depuis un demi-siècle, la politique au Proche-Orient, région du monde où je me suis souvent rendu depuis 1966, soit en privé soit pour des reportages. Je me considère comme un ami de tous les peuples de la région, je dis bien tous. Je dis que tous y ont leur place.

    La question centrale, entre Israéliens et Palestiniens, celle qui doit primer sur toute chose, est celle de l'Etat. Il existe un Etat d'Israël, depuis 1948. Il n'existe pas d'Etat de Palestine. C'est aussi simple que cela.

    Bien avant la question humanitaire (Gaza, notamment), bien avant la question linguistique, religieuse ou confessionnelle, l'enjeu central est celui de l'Etat. Israël en a un, il n'est pas question de revenir sur cette réalité historique. Les Palestiniens n'en ont pas, il n'est pas question de se voiler la face sur l'immensité de ce déséquilibre, de cette injustice.

    J'avais neuf ans en juin 1967, lors de la Guerre des Six Jours, c'était déjà un an après mon premier voyage. Sur le moment, je n'y ai vu que du feu. Israël bénéficiait d'un fort capital de sympathie, on vantait le génie stratégique de Moshe Dayan, on applaudissait la progression des chars israéliens, dans le désert. Une guerre-éclair, un cessez-le-feu après moins d'une semaine, on n'en revenait pas.

    Ce n'est qu'après (à partir de 1969, me semble-t-il) que j'ai commencé à comprendre la politique des annexions sur ce qu'on appelle, aujourd'hui, les "territoires". Pour la saisir en détail, j'ai dû beaucoup lire, me renseigner, aller plusieurs fois sur le terrain, voir ce qu'est un check-point, découvrir la vie à Jérusalem-Est ou Ramallah. Et j'affirme ici que la question première n'est ni humanitaire, ni religieuse : elle est POLITIQUE. Tant que les Palestiniens ne disposeront pas d'un Etat, de même qu'Israël en a un, aucune solution viable ne sera possible.

    Il y a eu, en un demi-siècle, quelques percées de lumière. On peut penser à Camp-David (1978), ou aux Accords d'Oslo (1993). Mais la question palestinienne, depuis 72 ans, contient en elle la désespérance de Sisyphe : on croit avancer, et tout s'effondre. Cette impossibilité ne tombe pas du ciel : elle est dûment voulue, et entretenue, par ceux qui ne veulent pas d'Etat palestinien : les États-Unis et, à l'intérieur d'Israël, le clan des faucons. Voyez, je ne mets pas en cause ici le peuple d'Israël dans son intégralité, une grande partie de ceux qui le composent veulent la paix.

    Or, Trump, que vient-il de faire, avec son chiffon de papier ? Il vient démolir, pour une ou deux générations, tout espoir, pour les Palestiniens, de parvenir à la dignité d'un Etat. Il vient d'entériner la politique israélienne d'annexions. Il vient de donner raison à 120% au colon, et de jeter le colonisé dans les oubliettes de l'Histoire.

    Dans ces conditions, Mahmoud Abbas, successeur de Yasser Arafat à la tête de l'Autorité palestinienne, que pouvait-il faire d'autre que couper tous les ponts avec le colon et son puissant allié d'Outre-Atlantique ? Car à ce Jean-sans-Terre, il ne reste pas plus de pouvoir réel qu'à Charles de Gaulle, après l'échec de sa catastrophique tentative de débarquement à Dakar, en septembre 1940. Il ne lui reste rien.

    Rien, si ce n'est la dignité de sa posture. Rien, si ce n'est son regard sur l'horizon. Rien, si ce n'est la politique. C'est justement lorsque tout semble perdu qu'il faut garder la tête haute. Citoyen suisse, j'aimerais que mon pays ait un mot pour la Palestine. En attendant cette improbable officialité, et puisqu'il faut un mot, voici le mien.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • La liberté leur fait peur ?

     

    Publié sur mon site FB - Samedi 01.02.20 - 09.57h

     

    L'essentiel n'est pas la survie des mammouths médiatiques. Ni des structures corporatistes. L'essentiel, c'est la capacité, pour chaque citoyenne, chaque citoyen, de rendre publique sa part de vérité. Sa lecture. Son interprétation. Et surtout, sa sensibilité.

    Il n'y a aucune raison qu'une quelconque caste - celle des journalistes, par exemple - s'accapare le monopole de cette capacité d'expression.

    En cela, le réseau social, comme celui sur lequel nous sommes ici (toi aussi, puisque tu me lis), est en soi une invention absolument géniale. Chacun d'entre nous est libre. Soit d'y raconter des fadaises. Soit d'y produire des textes d'intérêt public.

    Chacun de nous, face à sa liberté, sa responsabilité individuelles.

    Chacun d'entre nous, face à sa solitude.

    Chacun de nous choisit le thème. Produit son texte. Le corrige, l'améliore. L'édite. En assume la responsabilité.

    Cette incroyable liberté - doublée d'une implacable responsabilité - irrite au plus haut point les médias organisés.

    La liberté leur fait-elle peur ?

    Ils passent leur temps à démolir les réseaux sociaux. Ne prenant pour exemple que ce qu'il y a de pire (vie privée, bavardage, fausses nouvelles, etc.). Ignorant volontairement le meilleur : richesse et pluralité des témoignages humains, construction collective d'un savoir, émergence, chez de parfaits inconnus, de plumes et de sensibilités insoupçonnées, autodidactes de génie.

    Et surtout, ce sentiment de liberté, d'air frais, en un mot d'humanité, qui fait tant défaut à l'écrasante majorité des rédactions organisées. Écrasées de pesanteur, de hiérarchies. Incroyables d'arrogance, quand elles nous définissent elles-mêmes leurs "missions", totalement autoproclamées, dont nul ne leur a jamais donné mandat.

    Oui, ils ont peur. Peur de la mort. Peur de ce qui émerge. Peur de la naissance. Peur que puisse exister, après eux, une autre forme de vie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Brexit : comprendre, plutôt que gémir !

     

    Sur le vif - Vendredi 31.01.20 - 13.52h

     

    C'est méconnaître l'Histoire européenne que de pleurnicher sur le Brexit. Ou, pire encore : nous définir comme une affaire morale la question de l'appartenance, ou non, du Royaume-Uni à l'Union européenne.

    Il n'y a rien de moral. L'Angleterre (pour faire court), c'est près de deux mille ans d'Histoire depuis la conquête romaine. Ou encore, un millénaire depuis Hastings (1066). C'est une très grande nation, un très grand peuple, une très grande Histoire. Jamais plus grands que lorsqu'ils furent, lors de la Bataille de Londres (septembre 1940), menacés d'invasion.

    Mais l'Angleterre, ça n'est pas exactement l'Europe. Ca l'est, et ça ne l'est pas. Plutôt que geindre sur le Brexit, regardons l'Histoire. La grande aventure européenne de l'après-guerre, d'où surgit-elle ? Réponse : des décombres ! L'Allemagne, pays fondateur, est détruite en 1945. L'Italie, pays fondateur, est vaincue, humiliée, partiellement détruite en 1945. La France, pays fondateur, a quasiment cessé d'exister en mai-juin 40, elle a perdu la guerre, c'est la plus grande défaite de toute son Histoire, elle s'accroche certes aux trois grands vainqueurs en 1945, mais personne n'est dupe.

    En 1945, l'Allemagne est détruite. De grandes villes industrielles italiennes le sont. La Normandie, une partie du Nord de la France, est détruite, non par les Allemands, mais pas ses propres libérateurs. Au milieu de ce chaos, après la faim (pire que pendant la guerre), les privations, la froidure des hivers dans les années 45-49, de grands esprits prennent l'initiative de mettre en commun le charbon et l'acier. En clair, se servir à vil prix du charbon allemand : Vae Victis ! L'embryon, bien avant le Traité de Rome (1957), de la Communauté européenne, est bel et bien une affaire CONTINENTALE, dans laquelle le Royaume-Uni ne tient aucune place.

    Il n'en tiendra pas plus en 1957, ni pendant les années soixante. Il verra monter, non sans quelque inquiétude, l'amitié franco-allemande, suite au remarquable chemin de Réconciliation de deux grands hommes, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Alors, au final, sur deux millénaires d'une très grande Histoire, l'Angleterre n'aura eu un pied institutionnel dans l'Europe continentale que pendant 48 ans : de 1972 jusqu'au 2020. Que représente un demi-siècle, sur deux millénaires ?

    La vraie lecture de toute l'affaire britannique n'a rien de moral. Comme je l'ai montré ici précédemment, il convient de décrypter le jeu à trois, en tout cas depuis la Guerre de Sept Ans (1756-1763), que se livrent les trois grandes puissances européennes : la France, l'Allemagne, l'Angleterre. Toujours deux, contre le troisième ! Le grand enjeu, et à vrai dire le seul grand succès de l'aventure européenne de l'après-guerre, c'est la Réconciliation franco-allemande. Malgré les hauts et les bas, elle est scellée pour un bout de temps. L'Angleterre, de son balcon maritime, n'y peut rien changer. Une partie de son âme est tournée vers le continent européen, l'autre vers le Grand Large.

    Plutôt que de gémir, prenons acte. L'Angleterre, grande nation, survivra largement à l'épisode européen. Et son départ - qui en préfigure d'autres - peut être lu comme un heureux signal : celui du recentrage de la construction européenne sur la clef de voûte des pays fondateurs. C'est plus modeste que d'aller jusqu'à la Lituanie. Mais c'est historiquement plus juste, politiquement plus réaliste. Et puis, tout de même : la Réconciliation franco-allemande, ça n'est pas rien !

     

    Pascal Décaillet