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Liberté - Page 534

  • La RTS, la Thuringe, les Indulgences

     

    Sur le vif - Samedi 08.02.20 - 19,03h

     

    RTS : marre de la bonne parole, sur l'Allemagne, de M. Casassus ! La petite musique de la prédication, c'était à Forum, ce soir.

    Marre de cette grille de lecture, toujours la même, au millimètre. Marre de l'éternelle référence au 30 janvier 1933.

    Marre de cette utilisation de la morale pour justifier le déni pur et simple de démocratie, dans l'affaire de Thuringe.

    Marre de cette pensée unique. Jamais de contrepoids. Jamais personne, en face, pour donner des clefs historiques, économiques et sociales au phénomène de l'AfD en Prusse, en Saxe et en Thuringe.

    Jamais de mise en perspective, sur la durée, de l'évolution des partis politiques en Allemagne. Juste poser, au départ, que l'AfD, c'est le diable.

    Comme si cette désignation, extrême, cette mise à l'index définitive, apportaient à l'auditeur la moindre plus-value, la moindre exégèse, capables de lui ouvrir l'esprit sur la complexité des Allemagnes, le jeu des forces sociales dans les Laender les plus prétérités de l'ex-DDR, les oubliés de la Réunification.

    Alors voilà, on prend le moraliste de service, celui qui nous a gratifiés d'un blog intitulé "Thuringe : la honte !". On lui laisse toute la place, toute la parole. On se sera offert une bonne conscience.

    On aura parlé du pays de Luther en s'achetant des Indulgences. Pour avoir sa place au Paradis si douillet de la Bonne Pensée.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • La garce, servile

     

    Sur le vif - Samedi 08.02.20 - 12.04h

     

    Beaucoup de gens, dans la France de la Cinquième République, n'arrivent pas intellectuellement à s'imaginer qu'un grand chef d'opposition puisse un jour accéder à l'Elysée.

    Sous de Gaulle, sous Pompidou, sous Giscard, une écrasante majorité de l'opinion donnait Mitterrand comme un homme du passé. Il incarnait la République d'avant, la Quatrième, dont il avait été onze fois ministre. Il avait sa carrière derrière lui, on ne le reverrait plus au pouvoir.

    Il y avait objectivement des raisons de penser le contraire. L'homme, en décembre 1965, avait défié de Gaulle, l'avait mis en ballottage, combattu au deuxième tour, c'était un exploit. Neuf ans plus tard, face à Giscard, en mai 1974, il avait failli passer.

    Ces données objectives, l'opinion ne voulait pas les voir. Peut-être parce qu'elle est garce, servile, attachée à sublimer le pouvoir en place. Tout pouvoir, quel qu'il soit.

    Idem pour Chirac, sous Mitterrand. Jamais il ne reviendrait, pensait la garce servile, offerte au monarque, après l'échec de 1988, l'épisode douloureux de la Grotte d'Ouvéa, le triomphe de Tonton, père de la nation, idole des jeunes et des anti-racistes. La suite, on la connaît : Chirac, contre la servilité, contre la garce, a fini par percer.

    Et puis, aujourd'hui ? À écouter la vieille garce servile, rien ne pourrait empêcher, en mai 2022, une réélection de Macron. Rien, et surtout pas la seule à faire office, aujourd'hui, de leader d'un grand parti d'opposition, capable de rassembler des millions et des millions de voix.

    Ont-ils raison, ont-ils tort ? Laissons Madame Soleil à ses aubes de lumière. Et laissons la garce, bavarde, servile, et tellement dévouée au Maître du moment, se lover, lascive, dans les allées du pouvoir.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le pari perdant de Mme Merkel

     

    Sur le vif - Vendredi 07.02.20 - 10.48h

     

    Que s'imagine gagner Mme Merkel, avec sa pression sur l'homme qui avait la légitimité des urnes pour gouverner le Land de Thuringe, que j'ai le privilège de connaître de l'intérieur, et dont je rappelle au passage qu'il est l'un des berceaux de la plus haute civilisation allemande ?

    Que s'imagine-t-elle gagner, que s'imagine-t-elle sauver ?

    La démocratie ? Certainement pas ! Nous sommes dans le déni de démocratie le plus parfait. D'autant plus grave qu'une intervention de la Chancellerie fédérale sur un scrutin régional est totalement contraire au fédéralisme allemand de 1949.

    Les valeurs de l'Allemagne ? Mais qui les définit, qui d'autre que le peuple souverain lorsqu'il vote ? Un comité de sages ? Le cabinet particulier de Mme Merkel ?

    Et puis, quoi ! Il faudrait laisser le peuple s'exprimer. Mais, s'il a le mauvais goût de le faire dans un sens qui déplaît au pouvoir en place, on lui dit que ça compte pour du beurre.

    Quelle place Mme Merkel occupe-t-elle, depuis quinze ans, dans la politique allemande ? Réponse : la place de Bismarck ! Elle est Chancelière fédérale. Elle est l'un des successeurs de ce très grand homme, pour qui l'essentiel en politique, c'était le résultat.

    Or là, dans l'affaire de Thuringe, quel résultat Mme Merkel va-t-elle obtenir ? Loin d'affaiblir l'AfD, elle va la renforcer !

    Le précédent de Thuringe fera office, pendant des années, d'exemple le plus achevé de combinazione des élites au pouvoir pour continuer de s'en partager les prébendes. L'AfD va continuer, inlassablement, en Prusse, en Saxe, en Thuringe, à faire de la politique de proximité, sur le terrain, avec une authentique écoute des plus démunis, avec des antennes sociales, avec un verbe concret, qui parle aux plus défavorisés.

    Elle va continuer à leur parler du sentiment de Gemeinschaft, enraciné dans le destin allemand, pour en avoir accompagné les heures de pires souffrances (1648, 1945), et à opposer toute l'intimité sacrée de ce sentiment à la froideur cosmopolite de l'universalisme.

    Et l'AfD, d'élection en élection, va continuer de marquer des points. Et les vieux partis qui se partagent le pouvoir depuis 1949, la CDU/CSU, héritière du Zentrum bismarckien, et le SPD, le parti de Willy Brandt, vont continuer d'en perdre. Et il y aura un moment où ils en auront tellement perdus, et où les nouveaux partis en auront tellement gagnés, où la combinazione de la survie ne sera plus possible. Ce jour-là, Mme Merkel et les siens auront tout perdu.

    C'est dans cette spirale que s'engage la Chancelière. Quant à ceux qui, pour définir l'AfD, en sont encore à un système de langage et de références vieux de 87 ans et huit jours, style "peste brune", il serait peut-être temps qu'ils adaptent un peu leur logiciel. La reductio, ça va un moment. Ils voudraient croiser le fer avec votre serviteur, en profondeur et en précision, par éditos interposés, sur l'Histoire allemande ? Votre serviteur est à leur disposition.

     

    Pascal Décaillet